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À Tilques (62), au cœur du Marais audomarois, l’agriculture c’est dans l’ADN et surtout dans cette terre limono-sableuse qu’il serait sacrilège de ne pas cultiver. Avec un père et un grand-père agriculteurs, Antoine Helleboid a bien essayé de déroger à la règle, en devenant formateur équin puis technicien en chaudronnerie. « Pas bien longtemps », sourit l’homme de 39 ans qui, à l’aube de la retraite de son père, reprend l’entreprise familiale en parallèle de son métier technicien.
Ce « malade du boulot », comme il se définit lui-même, a 36 idées à la seconde. Livrer des légumes frais aux personnes âgées, redévelopper l’endive de pleine terre… Mais pour assurer ses arrières et nourrir sa famille, celui qui travaille désormais depuis deux ans à temps plein sur son exploitation a choisi de maintenir une collaboration de longue date.
« Je travaille deux hectares et demi de courgettes pour un industriel », un contrat lui assurant la sécurité financière. L’exploitant produit également choux et pommes de terre, vendus en direct ou aux coopératives, ainsi que du lin.
Si la courgette réserve globalement peu de surprise en termes de rendement, la transformation industrielle a son lot de contraintes : le calibre. Première année, premiers écueils : « On a ramassé 24 h trop tard avec mes saisonniers. » Résultats : des courgettes trop grosses, hors calibres. Bonnes pour la benne. Une fois pas deux.
« À la deuxième cueille, j’ai appelé ma marraine bénévole aux Restos du cœur. À Saint-Omer, on a la chance d’avoir un centre de ramasse, de conservation, de tri… Il suffit de les appeler. Ils viennent récupérer et ils répartissent. » En deux ans, l’habitude s’installe. « Je n’ai même plus besoin d’appeler. L’été, ils passent et viennent récupérer le tas où j’installe un panneau Restos du cœur », détaille l’agriculteur.
En 2018, neuf tonnes de courgettes ont fait le bonheur des Restos, dix en 2019. « Bien sûr, pour moi l’objectif c’est d’avoir le bon calibre pour les courgettes. Mais quand je vois les bénévoles arriver avec le sourire, j’oublie presque la perte ! »
Celui qui donne aussi ses choux, quand la demande ne suit pas pour les plus petites têtes – près de 18 % de sa production –, a appris à gérer ses débouchés. « Parfois, c’est compliqué. On a beaucoup à donner d’un coup et les associations ne peuvent pas gérer. L’année dernière, mes saisonniers ont décidé de donner une heure de leur temps pour ramasser. J’ai donc contacté Solaal pour leur dire que j’avais trois tonnes de courgettes. Une heure après, c’était réglé. Elles partaient à Lille pour une épicerie solidaire. »
Antoine Helleboid, qui a encore beaucoup à donner, est désormais ambassadeur Solaal. « C’est un facilitateur de dons, et moi ça me permet de faire tomber les arguments contre. Certains me disent que c’est compliqué : faux, tu leur montres une fois, après ils se débrouillent. D’autres ont peur que ça dévalorise le produit : faux, car il ne sera pas revendu. En plus, il y a un avantage fiscal non négligeable. »
À force d’en causer, certains dans le coin s’y sont mis : à Tilques, Salperwick, Hazebrouck…,poursuit le producteur qui revient du Salon de l’agriculture où il s’est rendu… pour parler du don. “C’est le meilleur des arguments pour lutter contre l’agribashing ! »
Agathe Villemagne