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Si l’histoire entre la France et la Pologne – et le trait d’union entre ces deux pays qu’est l’immigration – a débuté avant la Première Guerre mondiale, cette dernière marque un tournant. Après la Grande Guerre, le pays est exsangue et a un besoin immédiat de main-d’œuvre. La France se tourne vers l’Europe de l’Est et la Pologne. Le 3 septembre 1919, les deux pays signent une convention : « La France obtient le droit d’effectuer le recrutement en Pologne même, dans des centres de regroupement » écrit Jeanine Ponty, historienne française et spécialiste de l’immigration polonaise, dans un article publié pour le compte du Musée de l’histoire de l’immigration.
« Cette convention fixe les règles de l’immigration entre les deux pays, ajoute Virginie Malolepszy, directrice des archives au Centre historique minier de Lewarde, dans le Pas-de-Calais. À travail égal, rémunération égale. Pas de différences entres étrangers et nationaux, même lois de protection sociale… » Dans les années 1920, près de 500 000 Polonais et Polonaises vont ainsi arriver en France. « Ils viennent directement de Pologne ou de la Ruhr (en Allemagne, ndlr) et ils quittent leur pays par nécessité économique. »
En France, ils sont répartis dans les secteurs où les besoins sont les plus forts. Le secteur minier, qui a historiquement fait appel à l’immigration (jusqu’à 24 nationalités dans le bassin minier), est le premier d’entre eux. L’arrivée de Polonais y est massive, en particulier dans l’Est et le Nord : « On estime qu’entre 1919 et le début des années 1930, environ 200 000 Polonais arrivent dans le bassin minier », indique la directrice des archives du centre historique.
D’abord recrutés pour une année, ils sont pour la plupart embauchés par la suite. Alors que le regroupement familial se met en place et que les femmes sont également employées par les compagnies minières, on voit apparaître des petites Pologne minières : « Il faut se rendre compte que dans certaines cités minières et fosses comme Marles, 70 à 80 % des travailleurs sont Polonais ! »
Dans les champs agricoles, les chiffres sont moins impressionnants, mais quand même : « De 1920 à 1925 inclus, 72 000 ouvriers agricoles entrent officiellement en France », selon Jeanine Ponty. L’historienne relate alors des conditions de travail très difficiles dans les campagnes pour les immigrés polonais : « Leur vie est si pénible que, le contrat d’un an honoré, beaucoup se dirigent vers une des petites Pologne minières où, après l’isolement et les horaires infernaux qu’ils ont connus à la campagne, règne une atmosphère chaleureuse, de meilleurs salaires et des horaires fixes. »
Mais après l’âge d’or des années 1920, la crise économique des années 1930 touche sensiblement les Polonais travaillant dans les mines. Nombreux sont ceux qui sont exclus du pays, quand d’autres font le choix de partir d’eux-mêmes. « Contrairement au secteur industriel, la crise économique qui frappe la France de 1931 à 1935 n’inverse pas la tendance antérieure dans le domaine agricole, observe toutefois Jeanine Ponty. La main-d’œuvre étrangère, et singulièrement polonaise, s’y maintient en nombre et même s’accroît. »
Après la Seconde guerre mondiale, lors de laquelle certains s’illustrent dans la Résistance, l’immigration polonaise est moins importante dans les deux secteurs. Pour les Polonais sur place, si un certain nombre fait le choix de repartir au pays, d’autres décident de rester en France. Alors que pour beaucoup, l’immigration en France se voulait temporaire au début, ils y ont trouvé du travail, ils y ont eu des enfants…
Un siècle plus tard, l’immigration polonaise laisse incontestablement une trace importante dans l’histoire de la France, difficile à résumer en quelques lignes. Nombreux et nombreuses sont les Polonais et Polonaises à s’être fait un nom, de toutes générations. De la première, comme Maria Sklodowska, plus connue sous le nom de Marie Curie. Ou des immigrés de deuxième génération comme les illustres sportifs Raymond Kopa, né à Nœux-les-Mines dans le Pas-de-Calais, ou encore Jean Stablinski, originaire de Thun-Saint-Amand dans le Nord…
Réalisé par l’illustratrice et autrice de bande dessinée Nancy Peña, le timbre va être tiré à 495 000 exemplaires. Il sera disponible à Rouvroy, dans le Pas-de-Calais, et Wallers-Arenberg, dans le Nord, dès les vendredi 1er et samedi 2 septembre. À partir du 4 septembre, il sera vendu dans la boutique Le Carré d’Encre au Musée de La Poste à Paris, dans certains bureaux de poste, par abonnement ou correspondance.
Pourquoi avoir accepté de dessiner ce timbre ?
D’abord, c’est un exercice intéressant et très exigeant que je ne refuse jamais, doublé du plaisir à découvrir son illustration finement gravée ! Ensuite, je suis moi-même issue d’une communauté immigrée, espagnole. Je suis sensible à ces questions d’intégration et de mémoire, d’identité plurielle.
Que vous a d’abord inspiré le thème du timbre, le centenaire de l’immigration polonaise ?
J’ai tout de suite pensé à la mine, bien sûr, mais aussi au sport et en particulier au football avec Raymond Kopa, thème qui avait fait l’objet d’une première recherche pour l’illustration du timbre. Par goût personnel, j’ai aussi très vite eu envie d’intégrer des broderies traditionnelles polonaises, puisque le motif végétal est récurrent dans mon travail.
Pouvez-vous nous décrire le timbre ?
La composition du timbre est articulée autour de trois personnages, un mineur rappelant l’immigration massive des années 1920 après la reconstruction des mines dans le Nord de la France, un médecin suggérant une intégration réussie à travers des métiers variés et le profil d’une jeune femme portant une coiffe traditionnelle, évoquant la persistance et la vitalité des traditions polonaises au sein de la communauté d’aujourd’hui. Des éléments de broderie florale s’épanouissent autour d’eux. Les couleurs mettent en valeur celles du drapeau polonais, en rouge en blanc.
Quelles ont été vos sources, vos lectures et recherches ?
J’ai visionné des reportages sur l’immigration polonaise, écouté des interviews de personnes issues de cette communauté, entre souvenirs et vie actuelle. Jeanne, chargée de conception à Philaposte, m’a aussi fait découvrir l’œuvre photographique de Kasimir Zgorecki, qui avait fait l’objet d’une rétrospective au musée du Louvre-Lens.
Vous êtes également autrice de bande dessinée ou illustratrice jeunesse. Dessiner un timbre, est-ce un exercice très différent ?
Un album de bande dessinée est déjà très court pour raconter une histoire. Il faut savoir être synthétique et efficace dans le découpage du récit et la composition des cases, et utiliser des stéréotypes directement compréhensibles par tous, sans tomber dans la caricature. Le timbre, avec sa toute petite case et son image unique, est un peu la quintessence de ce travail !
Kévin Saroul