Votre météo par ville

Il y a 100 ans, les Polonais dans les champs et au fond des mines

24-08-2023

Actualité

C’est tout frais

Dans les années 1920, ils étaient des milliers de Polonais à quitter leur terre natale pour venir travailler dans les secteurs agricoles et miniers, dont une bonne partie dans le Nord de la France. Un siècle plus tard, La Poste édite un timbre en hommage.

Si l’histoire entre la France et la Pologne – et le trait d’union entre ces deux pays qu’est l’immigration – a débuté avant la Première Guerre mondiale, cette dernière marque un tournant. Après la Grande Guerre, le pays est exsangue et a un besoin immédiat de main-d’œuvre. La France se tourne vers l’Europe de l’Est et la Pologne. Le 3 septembre 1919, les deux pays signent une convention : « La France obtient le droit d’effectuer le recrutement en Pologne même, dans des centres de regroupement » écrit Jeanine Ponty, historienne française et spécialiste de l’immigration polonaise, dans un article publié pour le compte du Musée de l’histoire de l’immigration.

« Cette convention fixe les règles de l’immigration entre les deux pays, ajoute Virginie Malolepszy, directrice des archives au Centre historique minier de Lewarde, dans le Pas-de-Calais. À travail égal, rémunération égale. Pas de différences entres étrangers et nationaux, même lois de protection sociale… » Dans les années 1920, près de 500 000 Polonais et Polonaises vont ainsi arriver en France. « Ils viennent directement de Pologne ou de la Ruhr (en Allemagne, ndlr) et ils quittent leur pays par nécessité économique. »

Jusqu’à 200 000 dans le bassin minier

En France, ils sont répartis dans les secteurs où les besoins sont les plus forts. Le secteur minier, qui a historiquement fait appel à l’immigration (jusqu’à 24 nationalités dans le bassin minier), est le premier d’entre eux. L’arrivée de Polonais y est massive, en particulier dans l’Est et le Nord : « On estime qu’entre 1919 et le début des années 1930, environ 200 000 Polonais arrivent dans le bassin minier », indique la directrice des archives du centre historique.

Mineur polonais dans les années 1920-1930.

D’abord recrutés pour une année, ils sont pour la plupart embauchés par la suite. Alors que le regroupement familial se met en place et que les femmes sont également employées par les compagnies minières, on voit apparaître des petites Pologne minières : « Il faut se rendre compte que dans certaines cités minières et fosses comme Marles, 70 à 80 % des travailleurs sont Polonais ! »

Dans les champs agricoles, les chiffres sont moins impressionnants, mais quand même : « De 1920 à 1925 inclus, 72 000 ouvriers agricoles entrent officiellement en France », selon Jeanine Ponty. L’historienne relate alors des conditions de travail très difficiles dans les campagnes pour les immigrés polonais : « Leur vie est si pénible que, le contrat d’un an honoré, beaucoup se dirigent vers une des petites Pologne minières où, après l’isolement et les horaires infernaux qu’ils ont connus à la campagne, règne une atmosphère chaleureuse, de meilleurs salaires et des horaires fixes. »

Les années 1930, temps de la crise

Mais après l’âge d’or des années 1920, la crise économique des années 1930 touche sensiblement les Polonais travaillant dans les mines. Nombreux sont ceux qui sont exclus du pays, quand d’autres font le choix de partir d’eux-mêmes. « Contrairement au secteur industriel, la crise économique qui frappe la France de 1931 à 1935 n’inverse pas la tendance antérieure dans le domaine agricole, observe toutefois Jeanine Ponty. La main-d’œuvre étrangère, et singulièrement polonaise, s’y maintient en nombre et même s’accroît. »

Société des mines de Lens, 19 mars 1930. Tous les nouveaux arrivants étaient photographiés avec une ardoise où figuraient leur identité, date d’embauche et lieu d’affectation.

Après la Seconde guerre mondiale, lors de laquelle certains s’illustrent dans la Résistance, l’immigration polonaise est moins importante dans les deux secteurs. Pour les Polonais sur place, si un certain nombre fait le choix de repartir au pays, d’autres décident de rester en France. Alors que pour beaucoup, l’immigration en France se voulait temporaire au début, ils y ont trouvé du travail, ils y ont eu des enfants…

Des noms illustres

Un siècle plus tard, l’immigration polonaise laisse incontestablement une trace importante dans l’histoire de la France, difficile à résumer en quelques lignes. Nombreux et nombreuses sont les Polonais et Polonaises à s’être fait un nom, de toutes générations. De la première, comme Maria Sklodowska, plus connue sous le nom de Marie Curie. Ou des immigrés de deuxième génération comme les illustres sportifs Raymond Kopa, né à Nœux-les-Mines dans le Pas-de-Calais, ou encore Jean Stablinski, originaire de Thun-Saint-Amand dans le Nord… 

Où trouver le timbre ?

Le timbre est signé par l’illustratrice française Nancy Peña. © Alamy / Hemis.fr

Réalisé par l’illustratrice et autrice de bande dessinée Nancy Peña, le timbre va être tiré à 495 000 exemplaires. Il sera disponible à Rouvroy, dans le Pas-de-Calais, et Wallers-Arenberg, dans le Nord, dès les vendredi 1er et samedi 2 septembre. À partir du 4 septembre, il sera vendu dans la boutique Le Carré d’Encre au Musée de La Poste à Paris, dans certains bureaux de poste, par abonnement ou correspondance.

Cinq questions à Nancy Peña, dessinatrice du timbre hommage au centenaire de l’immigration polonaise.

Pourquoi avoir accepté de dessiner ce timbre ?

D’abord, c’est un exercice intéressant et très exigeant que je ne refuse jamais, doublé du plaisir à découvrir son illustration finement gravée ! Ensuite, je suis moi-même issue d’une communauté immigrée, espagnole. Je suis sensible à ces questions d’intégration et de mémoire, d’identité plurielle.

Que vous a d’abord inspiré le thème du timbre, le centenaire de l’immigration polonaise ?

J’ai tout de suite pensé à la mine, bien sûr, mais aussi au sport et en particulier au football avec Raymond Kopa, thème qui avait fait l’objet d’une première recherche pour l’illustration du timbre. Par goût personnel, j’ai aussi très vite eu envie d’intégrer des broderies traditionnelles polonaises, puisque le motif végétal est récurrent dans mon travail.

Pouvez-vous nous décrire le timbre ?

La composition du timbre est articulée autour de trois personnages, un mineur rappelant l’immigration massive des années 1920 après la reconstruction des mines dans le Nord de la France, un médecin suggérant une intégration réussie à travers des métiers variés et le profil d’une jeune femme portant une coiffe traditionnelle, évoquant la persistance et la vitalité des traditions polonaises au sein de la communauté d’aujourd’hui. Des éléments de broderie florale s’épanouissent autour d’eux. Les couleurs mettent en valeur celles du drapeau polonais, en rouge en blanc.

Quelles ont été vos sources, vos lectures et recherches ?

J’ai visionné des reportages sur l’immigration polonaise, écouté des interviews de personnes issues de cette communauté, entre souvenirs et vie actuelle. Jeanne, chargée de conception à Philaposte, m’a aussi fait découvrir l’œuvre photographique de Kasimir Zgorecki, qui avait fait l’objet d’une rétrospective au musée du Louvre-Lens.

Vous êtes également autrice de bande dessinée ou illustratrice jeunesse. Dessiner un timbre, est-ce un exercice très différent ?

Un album de bande dessinée est déjà très court pour raconter une histoire. Il faut savoir être synthétique et efficace dans le découpage du récit et la composition des cases, et utiliser des stéréotypes directement compréhensibles par tous, sans tomber dans la caricature. Le timbre, avec sa toute petite case et son image unique, est un peu la quintessence de ce travail !

Kévin Saroul

Facebook Twitter LinkedIn Google Email
Noël autrement (4/4). De garde avec les soignants
À l'approche de Noël, nous sommes allés à la rencontre de personnes qui célèbrent cette fête de manière différe [...]
Lire la suite ...

Noël autrement (3/4). Une fête aux accents d’ailleurs
À l'approche de Noël, nous sommes allés à la rencontre de personnes qui célèbrent cette fête de manière différe [...]
Lire la suite ...

Émilie roibet, itinéraire d’une reconversion bien pensée
Architecte paysagiste de formation, Émilie Roibet a quitté ses bureaux lillois pour créer sa ferme florale "À l'ombr [...]
Lire la suite ...

Une Cuma qui a le sens de l’accueil
Localisée à Bois-Bernard, la Cuma " L'accueillante " est confrontée aux départs en retraite de ses membres, souvent [...]
Lire la suite ...

DOSSIER ÉNERGIE. À la centrale de Lens, le bois devient énergies
Unique dans la région, par son genre et sa taille, la centrale de cogénération de Lens produit à la fois de l'élect [...]
Lire la suite ...

Inondations : après la pluie, se reconstruire
Une semaine après les premières crues, le Pas-de-Calais tente d'émerger peu à peu, malgré la menace de nouvelles in [...]
Lire la suite ...

Inondations : 50 millions d’euros pour les collectivités sinistrées
Le chef de l'État en déplacement à Saint-Omer et à Blendecques, le mardi 14 novembre, a annoncé un plan d'aide pou [...]
Lire la suite ...

À la ferme du Major, “on crée de l’énergie”
La ferme d'insertion du Major, à Raismes, emploie 40 hommes et femmes éloignés de l'emploi pour leur permettre, en ac [...]
Lire la suite ...

Jean-Marie Vanlerenberghe : « L’attentat à Arras a souligné les failles du dispositif »
Ancien maire d'Arras et doyen du Sénat, Jean-Marie Vanlerenberghe réclame « une réponse ferme » mais dans le resp [...]
Lire la suite ...

Changer de goût et agir pour le futur
Plus saine, plus durable, plus accessible, l'alimentation de demain doit répondre à d'innombrables défis. À l'occasi [...]
Lire la suite ...

Retour sur la première édition du championnat international de la frite
Le premier championnat international de la frite s'est déroulé à Arras le samedi 7 octobre 2023. Soleil et ambiance [...]
Lire la suite ...

Jean-Paul Dambrine, le patron sensas’
Il est l'icône de la frite nordiste. À 75 ans, Jean-Paul Dambrine, fondateur des friteries Sensas et président du jur [...]
Lire la suite ...

Quatre lycéennes d’Anchin à la conquête de l’Andalousie
Iris, Angèle, Louise et Eulalie, lycéennes à l'Institut d'Anchin, ont passé trois semaines caniculaires près de Sé [...]
Lire la suite ...

Élections sénatoriales : dans le Nord, plusieurs nuances de rose, plusieurs nuances de bleu : l’éparpillement façon puzzle
Avec 11 sièges à pourvoir, c’est le département à renouveler le plus grand nombre de sièges derrière Paris : le [...]
Lire la suite ...

Élections sénatoriales : dans le Pas-de-Calais, la droite (presque) unie, la gauche en ordre dispersé et l’éventualité du Rassemblement National :
Pour les prochaines élections sénatoriales, les gauches ne font pas bloc dans le Pas-de-Calais. La droite, elle, table [...]
Lire la suite ...

Mont de la Louve : balades équestres et séjours en gîtes
Situé sur les hauteurs de Bazinghen, entre Boulogne-sur-Mer et Calais, le centre équestre du Mont de la Louve offre un [...]
Lire la suite ...

L’uniforme dans les établissements scolaires du Nord-Pas de Calais
Plusieurs établissements du Nord et du Pas-de-Calais se sont portés volontaires pour expérimenter la tenue unique. Si [...]
Lire la suite ...

Météo de l’été 2024 : Un des plus chauds jamais enregistrés
Rendez-vous chaque début de mois avec Patrick Marlière, directeur du bureau d’expertise météorologique Médias [...]
Lire la suite ...

Rentrée agricole : récoltes décevantes et défis dans la région
L'heure est aux conférences de rentrée et la chambre d'agriculture Nord - Pas de Calais n'échappe évidemment pas à [...]
Lire la suite ...

Les nouveautés de la rentrée dans le Nord-Pas de Calais
Le retour à l'école, au collège ou au lycée pour une nouvelle année scolaire est marquée par plusieurs nouveautés [...]
Lire la suite ...

Numéro 380 : 30 août 2024

Au cœur des terres

#terresetterritoires