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La Pévèle-Carembault est un écrin, disent ses riverains, à qui il ne manque qu’un bijou. Et pourquoi pas la Cité de la bière ? Il se trouve, là-bas, une sensation d’instant suspendu. On quitte le brouhaha de Lille, on ne parcourt que quelques kilomètres, 30 minutes à peine, et on n’entend plus que les oiseaux qui gazouillent. Dans la cour du restaurant l’Âme au Vert, à Avelin (59), baignée de soleil, c’est une chanson d’Angèle qui nous parvient. Il est 15 heures et il ne reste du déjeuner « bœuf et bière » plus que l’odeur persistante du braséro. Le chef Étienne Hazelaere reçoit avec un tee-shirt où il est inscrit « eau & malt & houblon & levure & aspirine ». « Pas fait exprès », rit-il. La preuve qu’on aime la bière en Pévèle.
Les premiers écrits retrouvés font état d’une brasserie implantée à l’abbaye de Cysoing dès 865. Désormais, le territoire compte 12 brasseries pour 38 communes, ce qui lui vaut le titre, autoproclamé, de « l’autre pays de la bière ». « D’autant que ça marche pour tous ces brasseurs. Je n’en ai pas connu un seul qui ait fermé », assure Étienne Hazelaere. Et ce, malgré le marché des microbrasseries qui semble être arrivé à saturation, partout en France. « Chaque événement autour de la bière ramène beaucoup de monde ici », ajoute le chef.
Lui-même s’est lancé dans l’aventure et développe avec deux copains une gamme de cinq bières au sein de sa brasserie, adjacente au restaurant, nommée « Barbes blanches ». Il travaille sa bière comme il travaille ses assiettes, avec minutie et précision. D’ailleurs, le chef propose un accord « mets bières » (avec ses propres bières mais aussi des concurrentes) : pour accompagner un ceviche de daurade et de la coriandre, une blonde florale et fruitée ; avec de la volaille, une bière épicée ; avec un dessert, une « stout » bien noire.
Il produit 10 hectolitres par semaine environ et souhaiterait se consacrer exclusivement à des recettes éphémères, « pour se concentrer sur le côté créatif plutôt que sur le volume », dit-il.
Si la Pévèle n’a pas de brasserie aussi importante que la mythique 3 Monts, en Flandre, le chef Hazelaere en loue la « diversité » et le « dynamisme ». La plus vieille du secteur, c’est la brasserie Pavé, située à Ennelin (59) depuis dix ans. Son cogérant, Jean-François Walraeve, apporte, lui aussi, un soutien sans faille à la candidature pévéloise. « C’est bien que la Cité de la bière soit dans les Hauts-de-France, c’est un retour aux sources. Maintenant, il faut que le lieu qui l’accueille soit émergent, beau, attractif, qu’il porte des valeurs », estime le brasseur. La bière, explique-t-il, c’est avant tout une histoire de nature et de paysans. Or, la Pévèle est rurale : elle a été une terre brassicole jusque dans les années 1970. Puis la désindustrialisation a frappé et l’activité a peu à peu disparu. Mais aucun doute que si l’on voulait un champ de houblon, ou de malt, on l’aurait. « On raconte que c’est un des territoires les plus fertiles du pays », veut croire Luc Foutry, le président, un poil chauvin, de la communauté de communes Pévèle-Carembault. Le chef Étienne Hazelaere acquiesce : la quasi-totalité des légumes qu’il cuisine proviennent du coin. Il cite le céleri, la pomme de terre bien sûr, les endives, les légumes anciens mais aussi le wasabi et le curcuma que son ami Arnaud Lespagnol (La Ferme d’Arnaud) fait pousser à Coutiches. « Tout pousse ici ! » s’enthousiasme le chef. « On peut être sûr que s’il y a, demain, la Cité de la bière en Pévèle, on sera en mesure de proposer un circuit dans les champs de houblon », renchérit Jean-François Walraeve.
Dans ce sens, la candidature d’Arras, qui a certes prouvé sa vitalité, en accueillant, par exemple, chaque année le Main Square Festival, interroge : « Où sont les champs ?, questionne le cogérant de la brasserie Pavé. Idem, si Lille s’était présentée, j’aurais été assez sceptique. »
Si elle a surpris, la non-candidature de Lille a été un avantage considérable pour la Pévèle, qui fait de sa localisation son premier point fort. La Cité de la bière s’installerait à Pont-à-Marcq (lire l’encadré), qui est à moins de 2 heures de Bruxelles, à un quart d’heure de l’aéroport de Lille-Lesquin et se trouve à proximité des principaux pôles touristiques des Hauts-de-France, à l’instar du musée d’art moderne de Villeneuve-d’Ascq, du musée de la Piscine de Roubaix ou encore de la nécropole de Notre-Dame de Lorette. « On peut tout à fait imaginer des parcours touristiques complets qui feraient escale dans ces différents lieux et à la Cité de la bière », estime Luc Foutry. De son côté, le chef de l’Âme au vert affirme que sa Pévèle « a la cote » : « Il suffit de voir notre densité de population. Les gens ont envie de reconnecter avec la nature depuis le confinement, et la Pévèle leur offre un bon compromis, entre ville et campagne », conclut-il. Mieux : entre Lille et campagne.
Outre la localisation avantageuse de la Pévèle-Carembault, l’autre point fort de la candidature de
ce territoire repose sur le lieu proposé : le site de l’ancienne usine Agfa-Gevaert, de plus de 15 hectares, racheté en 2021 par la communauté de communes. « Le choix a été fait de privilégier la requalification de ce site historique plutôt que d’artificialiser des terres agricoles », rapporte Luc Foutry qui fait état d’un « travail continu » afin de redonner vie au bâtiment. Lors d’un appel à candidature aux entreprises souhaitant s’y installer, pas moins de 51 ont répondu positivement. 17, finalement, ont été sélectionnées. Preuve que l’endroit a le vent en poupe et est déjà bien « innervé ». La communauté de communes, avec le cabinet d’architectes Saison Menu, y a déjà modélisé le restaurant, un espace muséal, un espace d’animation ainsi qu’un hôtel de 40 chambres.
Outre la Pevèle-Carembault, la Flandre intérieure est candidate pour accueillir la Cité de la bière avec l’ancienne usine Nordlys, à Bailleul ; la Sambre-Avesnois avec la friche industrielle de Desvres, à Landrecies, et Arras avec un site au cœur de la Citadelle (lire aussi notre édition du 7 juillet). Le gagnant sera désigné en fin d’année. Retrouvez notre carte interactive sur notre site internet.
Marion Lecas