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« Regardez : là, sur le Kursaal, le drapeau européen ! » Lundi 10 juillet, 15 heures. Une cinquantaine de personnes se félicitent de l’apposition, sur la salle de spectacle dunkerquoise, d’un panneau indiquant que l’Europe a participé à son financement. Quelques élus et employés locaux, quelques autres de la Région en tête desquels Daniel Leca, notamment vice-président aux questions européennes. Surtout, des membres de la Commission européenne qui viennent voir, les pieds dans le sable ou presque, comment sont concrètement utilisés les fonds européens.
Tout le monde le regrette, les citoyens sont encore trop peu informés des actions concrètes de l’Union européenne dans leur quotidien. « Nous sommes pourtant de bons élèves, utilisant 99 % des fonds à disposition. Mais souvent, les élus locaux ne jouent pas le jeu en n’indiquant pas la participation européenne sur un panneau ou en ne la mentionnant pas lors de l’inauguration », regrette une salariée de la Région en charge de ces questions. « L’enjeu électoraliste », glisse-t-elle encore avant d’énoncer le pendant de cette opacité : la difficulté, pour les élus locaux eux-mêmes, d’avoir accès aux informations, d’avoir connaissance des subventions auxquelles ils peuvent prétendre. Le mille-feuille.
De leur côté, les représentants communautaires ont eux aussi besoin de séances de travaux pratiques. C’est dans cette optique que la Région Hauts-de-France a souhaité mener l’assemblée sur le terrain. L’instance, qui administre et fait l’interface de l’Europe sur les territoires, porte aussi cette nécessaire œuvre de pédagogie.
Alors, pourquoi Dunkerque ? « Pourquoi pas », commence doucement Xavier Dairaine, directeur de projets à la Communauté urbaine de Dunkerque (CUD). Celui qui a notamment porté le passage à la gratuité des transports en commun (lire plus loin), est l’un des guides de la journée. Il poursuit : « Dunkerque porte de grandes ambitions de développement territorial, économique et de neutralité carbone. Tout ça avec des contraintes historiques, la ville s’est littéralement reconstruite après la Seconde guerre mondiale – rappelons qu’il ne restait alors que 350 habitants. La ville lutte contre l’eau, des terres comme de la mer. Il faut naturellement beaucoup d’aides pour assurer ces grandes ambitions dans ce contexte », pose le directeur.
Pour la balade, nombre de ces représentants régionaux ou communautairse semblent étonnés du décor et de l’ambiance estivale, évoquant Cannes en blaguant ou s’autorisant une petite séance photo en mode touriste sur deux principaux chantiers cofinancés par l’Europe et permettant à la deuxième ville du Nord de s’inscrire dans la thématique de « la ville maritime face aux enjeux climatiques et environnementaux ».
Les digues, pour commencer, qui doivent protéger la ville des risques de submersion marine actuels mais aussi futurs. Des aménagements réalisés à l’aune des projections d’augmentation du niveau de la mer d’un, deux, voire trois mètres. La digue des alliés pour commencer, principal ouvrage de protection contre la mer (rappelons qu’un vaste réseau de wateringues vise, lui, à protéger les terres des inondations dans cette région de polder en canalisant, régulant et rejetant le surplus à la mer lors des marées basses).
Rénovée en 2017 par le Grand port maritime (GPM) de Dunkerque, elle a été rétrocédée en concession à la CUD. Une plage a été aménagée devant : 1,3 million de mètres cubes de sable injectés qui offrent un premier niveau de protection à la digue qui avait cédé en 1954 lors des grandes inondations. Cette fois, le cœur en béton de l’édifice porte à 1/100 000e le risque de céder. « Un projet de territoire littoral au long cours », estiment les guides du jour.
La digue de mer a, elle, aussi été complètement réaménagée, toujours avec le soutien de l’Europe : quatre kilomètres qui protègent la ville autant qu’ils portent une vocation touristique et de cadre de vie. Le cordon dunaire créé en amont a notamment permis de monter des murs de protection de 60 cm, quand ils auraient dû atteindre 1,20 m sans : beaucoup moins pratique pour profiter de la vue depuis les terrasses.
De retour dans le bus qui les conduit à travers les divers aménagements urbains, les visiteurs du jour ne remarquent pas le panneau en partie effacé qui, orné de douze étoiles, qualifie Dunkerque de « Commune d’Europe ».
Ils visent un pôle d’échange multimodal, aménagement parmi bien d’autres du réseau de transport en commun. En passant à la gratuité, une forte volonté politique, le réseau a aussi été prolongé, amélioré, densifié : c’est finalement ce qui a coûté le plus cher.
Xavier Dairaine, alors en charge du projet pour la communauté urbaine de Dunkerque, détaille : « Les recettes de billetterie atteignaient 4,5 millions d’euros, soit 12 % du budget. Faible (c’est 23 % en moyenne au national et ça peut atteindre 50 %), notamment parce que nous étions des pionniers de la tarification solidaire. En passant à la gratuité, nous avons augmenté de 30 % le nombre de kilomètres de réseau, augmenté la cadence : un coût de 12,5 millions d’euros. Si vous additionnez ces deux chiffres, vous avez un “coût de la gratuité” de 17 millions d’euros. Somme financée par deux sources : le choix d’annuler la construction d’une salle de spectacle, qui aurait coûté 10 millions d’euros par an à la CUD, et le versement transport (dû par les employeurs, ndlr) passé de 1,05 % à 1,55 %, soit 5 millions d’euros de recette annuelle. En parallèle 65 millions d’euros ont été investis dans l’aménagement de l’espace public dont 11 millions issus des fonds Feder. » L’Europe, quoi.
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Justine Demade Pellorce