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Reconnaissable entre mille, le panneau aux lettres western se dresse dans le ciel gris au-dessus du parking vide. En bordure de Bours (62), le Kes West vit ses derniers jours avant sa soirée de fermeture le samedi 14 décembre. Le « plus grand complexe de la nuit au nord de Paris » ne sera bientôt plus. Avec lui, c’est tout une époque qui disparaît…
L’histoire commence dans un monde sans réseaux sociaux, avec « Papi Paul », l’aïeul des gérants des lieux. Agriculteur par la force de choses, celui-ci
est mordu de musique. Avec son orchestre, il anime les bals dès les années 50.
« Vers la fin des années soixante, il s’est mis à son compte et a monté l’orchestre des King Mitchell avec ses trois enfants, dont mon père, Jean- Philippe, déroule avec humour et fierté Jérémy Leroy, gérant du Kes West avec ses deux sœurs Lydie et Cathy. Ils animaient les ducasses de village dans tout le Ternois ! »
Au début des années 80, Jean- Philippe Leroy prend son indépendance.
« Avec ma mère, ils ont continué à animer des bals, mais avec une sono mobile. » C’est alors la folie du disco. En 1983, ils investissent dans le
Melody, un gros chapiteau pourvu de banquettes en cuir et de tables basses. En 1985, il cède la place au Rock Star, plus grand et plus cosy. Mais aussi plus gourmand en logistique et en main-d’œuvre…
Un jour, le maire de Bours, commune où réside la famille Leroy, leur parle d’un terrain vague comportant une ancienne bascule à betterave. « C’était à la fin de l’année 1985. Mes parents l’ont acheté et y ont monté le Rock Star. »
À l’époque, Jean-Philippe et Élisabeth Leroy ont encore des contrats à honorer pour animer des fêtes dans le Ternois, si bien que jusqu’à septembre 1987 il n’ouvre pas tous les week-ends.
« On mettait une affiche sur la porte disant : “on est fermés, retrouvez-nous à Troisvaux !” Et les gens venaient… », s’amuse encore Lydie Leroy. « Fin 1986, reprend Jérémy Leroy, à l’époque où mes parents ont cherché un nouveau nom, il y a eu une grosse tempête aux îles Key West, en Floride. À l’époque, c’était tendance de donner des noms américains… »
Jean-Philippe est accroché par ce nom. Mais il est déjà pris par un bar au Touquet. Alors il enlève le Y et le remplace par un S. « Il n’avait jamais fait d’anglais… », rit son fils. La légende du Kes West peut alors commencer…
D’abord dans des préfabriqués puis dans des bâtiments en dur imbriqués les uns dans les autres. Les salles et les ambiances s’additionnent, toujours plus exotiques et extravagantes. « On est dans le Pas-de-Calais, il faut faire un peu rêver les gens… » Marilyn, Dixi’s, Paradisio, Carré Rouge, West Saloon…
Jérémy Leroy, gérant du Kes west avec ses soeurs Lydie et Cathy.
© DR
L’histoire du Kes West est trop riche pour la résumer en une page. « Le monde de la nuit est un secteur où l’on ne peut pas rester sur ses acquis », s’accordent le frère et la sœur. « Le monde change depuis quelques années, soupire Jérémy Leroy, qui se défend d’être nostalgique. Il y a trente ans, si vous vouliez faire des rencontres il fallait sortir en boîte de nuit. Aujourd’hui, les gens ont les réseaux sociaux, et une multitude de loisirs. Il faut qu’on s’adapte. »
En vendant ? « Non ! se récrie-t-il. Pas question que ça sorte de la famille. » Car le complexe s’apprête à vivre une autre vie. Le Versus, un bar déjà en service mais indépendant du Kes West, restera ouvert. Le 360 — ancien Technoland — devient une salle de spectacle, inaugurée par Jean-Marie Bigard au mois de novembre.
La Paradisio ouvrira pour des événements ponctuels comme prochainement le 31 décembre 2019. La famille Leroy envisage de privatiser le reste pour des entreprises ou des événements familiaux. Avec une certitude. « Nous avons fait partie de la vie des gens pendant 33 ans…Nous allons continuer. Mais si on le fait, il faut le faire bien. »
Lucie De Gusseme