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Chalarose du frêne, puceron du peuplier, cécidomyie du douglas… L’apparition de ces ravageurs – bien souvent venus d’autres pays – déséquilibre le développement des essences sensibles. Conséquence : la surmortalité ou le dépérissement anormal de certains arbres. Comment enrayer cela ? C’était le thème de l’une des conférences qui a eu lieu au Salon régional de la filière Forêt-Bois les 1er et 2 octobre à Villers-Châtel (62).
Ce phénomène naturel a toujours existé, rappellent les experts. « Pour qu’un ravageur soit responsable d’une crise, il faut d’abord qu’il soit introduit dans le milieu qui lui corresponde, qu’il s’y reproduise et qu’il s’y établisse avant de se disséminer, explique Benjamin Cano, chargé de mission au CRPF (Centre régional de la propriété forestière) des Hauts-de-France lors de la conférence. Dans 95 % des cas, les organismes ne passent pas ces différentes étapes et restent donc inoffensifs. »
Dans les 5 % de cas restants, les ravageurs peuvent causer de gros dégâts sur les arbres à plus ou moins long terme. « Ces perturbations peuvent apparaître suite à un aléa ou à la conjugaison de plusieurs, développe le chargé de mission. Elles peuvent être de différentes intensités et inattendues. » La vulnérabilité de l’arbre, l’intensité de l’aléa et l’enjeu rendront le ravageur plus ou moins nuisible. D’où l’importance de surveiller les évolutions des arbres et de pouvoir réagir dès les premiers dépassements de seuils (voir encadré).
Chargée de mission à Fransylva (la Fédération des syndicats de forestiers privés de France), Marie Pillon donne quelques exemples de ravageurs (lire ci-contre) : « Dans notre région, la chalarose du frêne, un champignon qui se développe dans les feuilles mortes, a fait de nombreux dégâts et continue de sévir. Ce phénomène est inquiétant, car les frênaies représentent la première essence en France en termes de surface. » Une stratégie générale de gestion des frênaies sera bientôt mise en place au niveau national pour contrer la prolifération de cet agresseur.
Si les ravageurs ont toujours sévi en faisant plus ou moins de dégâts, avec le changement climatique, les aléas et donc les crises risquent d’être de plus en plus nombreux. « C’est un contexte mouvant qu’on ne peut pas prédire, regrette Benjamin Cano. Températures extrêmes et fluctuantes, sécheresses à répétition… Tout cela modifie l’équilibre des arbres. »
Pour cela, la gestion adaptative des bois et des forêts reste la meilleure manière de contrer ces effets de crises voire de les anticiper. Les chargés de mission ont déterminé trois leviers d’actions. Le premier concerne les aléas. « Pour prévenir et éviter la survenance des aléas, des contrôles d’introductions d’organismes pathogènes exotiques sont réalisés lors de ventes de bois hors de nos frontières, explique Benjamin Cano. À l’échelle des forestiers, les coupes peuvent être espacées ou différées afin d’épuiser le parasite. »
« On peut imaginer un temps d’attente de deux ans entre la coupe et la plantation de résineux, illustre Marie Pillon. L’hylobe du pin par exemple, n’a donc plus d’organismes hôtes et sa population décroît. C’est une manière de prévenir le développement de ce ravageur. » Par ailleurs, des travaux préparatoires du sol avant le reboisement peuvent être effectués. « Cela permet un bon développement racinaire des plants, précise la chargée de mission chez Fransylva. Les plants sont moins vulnérables et donc moins sensibles aux sécheresses par exemple. »
Pour lutter contre ces aléas, on peut recourir à la lutte biologique, à des traitements ou des prélèvements d’arbres en souffrance pour bloquer la dissémination des agents pathogènes. « Dans les plans de gestion, il est important de conserver ou de renforcer des services écosystémiques : conserver des mares forestières et les bois mort, entretenir les lisières… », précise Marie Pillon.
Pour réduire la vulnérabilité des essences, les chargés de mission conseillent aussi d’utiliser des plants hybrides et de qualité, d’être précautionneux sur les conditions d’implantation. « Des coupes sanitaires peuvent être effectuées lorsque les arbres sont touchés par l’agent pathogène, explique Benjamin Cano. Mais le meilleur moyen de s’adapter à ces sources pathogènes est de diversifier les essences plantées. Il ne faut pas mettre tous ses œufs dans le même panier. Cela passe aussi par la culture des mélanges d’essences et leur adaptation au contexte pédoclimatique. »
« Raccourcir les durées de cultures, produire du bois de moins gros gabarit ou lever les freins de la commercialisation à l’export ou de certains marchés sont des solutions », explique le chargé de missions au CRPF. À deux conditions : l’adaptation des marchés et de l’aval de la filière.
Lucie Debuire