Actualité
17-01-2020

Pollution lumineuse : retrouver le noir de la nuit

Des halos de lumière entourent les villes et villages la nuit, le ciel se vide de ses étoiles. La pollution lumineuse est partout dans notre région peuplée et industrialisée. Ses impacts sont souvent méconnus et pourtant nombreux pour l’Homme, la faune et la flore.

pollution-lumineuse-@-Frédéric-Tapissier
Cette carte qui compile des données sur la pollution lumineuse permet d’avoir une idée de son impact sur le ciel européen. En blanc et en jaune, les zones où l’observation des étoiles est anecdotique ou faible. © Frédéric Tapissier

Depuis le 1er janvier 2020, de nouvelles règles entrent en vigueur sur la prévention, la réduction et la limitation des pollutions lumineuses.

Pour les nouvelles installations d’éclairage, les communes ont l’interdiction d’orienter la lumière vers le ciel. Elles doivent aussi éviter de dépasser la luminosité de 3 000 degrés kelvin (le kelvin permet de mesurer la couleur de la lumière perçue par l’œil humain, ndlr) ou encore d’éclairer les parcs. Des mesures qui s’imposeront en 2025 sur tous les éclairages publics.

Le but : lutter contre la pollution lumineuse encore trop peu prise en compte. Ses conséquences sont pourtant multiples pour l’homme, la faune et la flore.

La nuit n’est pas noire

La pollution lumineuse, c’est une « lumière que l’on peut voir du ciel. Elle est perdue, ne sert à rien mais a un coût », explique Baptiste Faure, ingénieur en recherche écologique spécialisé dans la pollution lumineuse pour le bureau d’études Biotope, basé à Rinxent (62).

La pollution lumineuse est issue de sources d’éclairage multiples et variées, publiques et privées : vitrines, illuminations, enseignes, publicités, parkings, sites industriels… Pour la quantifier, les spécialistes se basent sur les images satellites de la terre et des survols aériens.

Même dans les parcs naturels régionaux, la luminosité est trois à neuf fois supérieure à la lumière naturelle du ciel

Dans la région des Hauts-de-France, très habitée, industrielle et à proximité des plus grandes métropoles européennes, les étoiles se font rares. Quand on circule de nuit, on est happé par ces halos lumineux qui se voient à plusieurs dizaines de kilomètres à la ronde autour des villes ou des sites industriels.

La nuit n’est pas noire. Le ciel se pare de couleurs jaune et orangé presque surnaturelles. « Sur une cartographie satellite, on arrive ainsi à discerner la plupart des villages de la région la nuit », indique Baptiste Faure.

Même dans les parcs naturels régionaux, la luminosité est trois à neuf fois supérieure à la lumière naturelle du ciel. Le parc naturel des caps et marais d’Opale a ainsi lancé son programme. Objectifs : optimiser l’éclairage public et limiter ses impacts négatifs. Une action qui passe essentiellement par la sensibilisation et l’implication des différentes communes et acteurs du territoire.

La peur du noir

« La lumière apporte confort et sécurité. À la sortie de la guerre, où tout était noir, les gens ne se sont pas posé la question », détaille Baptiste Faure.

L’éclairage public se développe. Chaque ville et village veut le sien, alors que rares sont les personnes à sortir entre 23 h et 5 h.

« Les gens qui sont contre l’extinction la nuit évoquent en premier lieu un sentiment d’insécurité. Mais quand on prend le temps de discuter, les freins sont vite levés. » L’une des clés les plus efficaces pour lutter contre la pollution lumineuse est donc la sensibilisation.

pollution lumineuse © Frauke Riether de Pixabay
© Frauke Riether de Pixabay

Lors d’un travail sur Lille, Biotope a ainsi mis en avant que 90 % des habitants étaient prêts à une modification de l’éclairage avec une baisse de puissance des lampes et des détecteurs de présence. 70 % étaient prêts à accepter l’extinction nocturne. 

« L’enjeu énergétique est ce qu’il y a de plus évident pour les gens, il fait appel au bon sens, au gaspillage « , souligne Anne-Marie Ducroux, présidente de l’association nationale pour la protection du ciel et de l’environnement nocturnes (ANPCEN).

Les conséquences sur l’homme…

Les conséquences de la pollution lumineuse sont multiples aussi bien sur la santé que pour la biodiversité. 

L’obscurité de la nuit perturbe notre horloge biologique mais aussi la qualité et la quantité du sommeil, essentielles pour le système immunitaire, la croissance… en diminuant la production de la mélatonine. Or la mélatonine est précieuse pour notre santé. Elle a impact sur le vieillissement, et elle freinerait le développement des tumeurs, stabiliserait la tension.

… sur les animaux

Les humains ne sont pas les seuls touchés. On l’oublie bien souvent, bien au chaud dans son lit, mais la majorité des espèces animales sont nocturnes. 70 % des invertébrés et 30 % des mammifères vivent la nuit.

« Elles ont un système de vision adapté à la nuit et n’ont pas du tout besoin de nos éclairages », précise Anne-Marie Ducroux.

« De nombreuses études scientifiques ont révélé l’impact négatif de l’éclairage artificiel nocturne sur la faune, la flore et plus largement sur le fonctionnement des écosystèmes. Cet éclairage modifie la phénologie ou le comportement de nombreuses espèces et concourt à fragmenter leurs habitats »

Romain Francin, assistant d’étude au parc naturel régional des caps et marais d’Opale

« Ce sont les insectes qui sont les plus touchés, complète Baptiste Faure. Ils sont complètement attirés par la lumière. Il y a un effet d’aspiration sur plusieurs kilomètres à la ronde autour des points lumineux. Des insectes vont voler autour jusqu’à s’épuiser. Ils en oublient de manger, de se reproduire. »

Les vers luisants, que l’on pouvait voir en campagne, ont ainsi presque complètement disparu. Les femelles émettent de la lumière pour attirer le mâle et se reproduire. Mais avec la multitude d’éclairages, le mâle ne retrouve pas la femelle et ne se reproduit plus.

Si les mammifères et les oiseaux sont moins touchés, ils n’en restent pas moins concernés.

« Il a été démontré que chez eux les perturbations induites par la lumière artificielle étaient susceptibles de modifier la reproduction, la migration, la nutrition, le repos ou la territorialité, poursuit Romain Francin. L’éclairage artificiel impacte également la physiologie de ces animaux en ayant un effet négatif direct sur les fonctions immunitaires, le métabolisme et la croissance

Autres animaux touchés : les poissons. « Quand il y a un éclairage dans l’eau ou qui se réverbère, le plancton est attiré et déserte d’autres zones », ajoute Baptiste Faure.

L’éclairage touche également les espèces diurnes en perturbant leur rythme biologique. 

… sur la flore

« Il y a un impact complet sur l’écosystème « , souligne Baptiste Faure. Les effets sur la végétation sont plus difficiles à évaluer, mais se lient à une conjonction de facteurs qui altèrent la qualité de la flore.

« Dans une étude réalisée dans l’Ardrésis (62) pour le parc naturel régional des caps et marais d’Opale, on s’est rendu compte que même si les zones agricoles étaient relativement sombres, il y avait une mauvaise qualité écologique », détaille-t-il.

Seule certitude : des végétaux près de sources lumineuses nocturnes décalent leur cycle de floraison et peuvent faire des fleurs même en plein hiver sur un arbre sans feuille.

Une image digne d’un film sur la fin du monde que l’on peut éviter d’un simple geste : en éteignant les lampes superflues.

Claire Duhar

Partager l'article

faune flore pollution lumineuse

Dans la même rubrique

Actualité

Amandine Cochet : « Les fruits et légumes, bruts et colorés »

Lire la suite...

Actualité

La Saint-Valentin approche ! Dites-lui « Je t’aime » avec Terres et Territoires

Lire la suite...

Actualité

Erasmus Barcelone : huit élèves de la MFR de Rollancourt témoignent

Lire la suite...

Actualité

Un « escape game » éducatif sur les phytos

Lire la suite...

Actualité

Advitam, projet 2030 : se recentrer sur les activités agricoles

Lire la suite...

Non classé

Secteur bio : Après la pluie, vient la bio

Lire la suite...

Actualité

Motion de censure : Comment en est-on arrivé là ?

Lire la suite...

Actualité

Mercosur : dans les rouages du Parlement européen

Lire la suite...

Actualité

Téléthon : Cysoing, des élèves dans la peau d’un médiateur en thérapie génique

Lire la suite...

Actualité

Manifestations à Lille : les normes administratives dans le viseur des agriculteurs

Lire la suite...

Actualité

Logistique agroalimentaire : l’Union fait-elle la force ?

Lire la suite...
Conseil régional : une motion d’urgence pour soutenir les agriculteurs ©HG

Actualité

Hauts-de-France : une motion d’urgence pour soutenir les agriculteurs

Lire la suite...

Actualité

Dossier Énergie 2024

Lire la suite...

Actualité

Géothermie : le petit poucet du renouvelable

Lire la suite...

Actualité

Inondations : l’association Re-création redonne espoir aux habitants de Frencq

Lire la suite...

Actualité

Comment est fabriqué le vinaigre de cidre ?

Lire la suite...

Actualité

Une journée test pour les farines paysannes

Lire la suite...

Actualité

En boulangerie, la résistance des artisans s’organise

Lire la suite...

Agenda

Nord-Pas-de-Calais : le calendrier 2024 des dates et consignes de collecte est disponible !

Lire la suite...

Actualité

Pourquoi la rivière de la Ternoise a été reméandrée ?

Lire la suite...

Actualité

Dunkerque et son port à l’Exposition Universelle d’Osaka 2025 !

Lire la suite...

Actualité

Téléchargez les mesures prises dans votre arrondissement suite aux inondations

Lire la suite...
©HG

Actualité

Innovations alimentaires : qu’est-ce qu’on mange demain ?

Lire la suite...

Grand format

DOSSIER : Gestion des eaux et environnement

Lire la suite...

Actualité

Les contrôles de la Dreal renforcés

Lire la suite...

Actualité

Meilleur pâtissier : Dorothée Leroy, la « pâtissière du confinement »

Lire la suite...
Les chevalements miniers du 9-9 bis, à Oignies, est l’un des symboles de la revalorisation du Bassin minier inscrit sur la liste du Patrimoine mondial de l’Unesco depuis 2012. © J. D. P.

Actualité

Le patrimoine, trésor des territoires

Lire la suite...

Actualité

Logement insolite : formez-vous pour diversifier votre activité agricole

Lire la suite...

Actualité

Une agence pour enrayer le déclin de la biodiversité

Lire la suite...
bouteille plastique lait © bublikhaus - Freepik

Actualité

Économie : Lactalis réduit sa collecte de lait

Lire la suite...

Actualité

Comment la Chambre d’Agriculture se prépare à redresser la barre ?

Lire la suite...

Actualité

Émilie roibet, itinéraire d’une reconversion bien pensée

Lire la suite...

Actualité

Une Cuma qui a le sens de l’accueil

Lire la suite...

Actualité

DOSSIER ÉNERGIE. À la centrale de Lens, le bois devient énergies

Lire la suite...

Actualité

Inondations : après la pluie, se reconstruire

Lire la suite...

Actualité

Inondations : 50 millions d’euros pour les collectivités sinistrées

Lire la suite...

Actualité

À la ferme du Major, « on crée de l’énergie »

Lire la suite...

Actualité

Jean-Marie Vanlerenberghe : « L’attentat à Arras a souligné les failles du dispositif »

Lire la suite...

Actualité

Changer de goût et agir pour le futur

Lire la suite...

Actualité

Retour sur la première édition du championnat international de la frite

Lire la suite...

Actualité

Jean-Paul Dambrine, le patron sensas’

Lire la suite...

Grand format

Quatre lycéennes d’Anchin à la conquête de l’Andalousie

Lire la suite...
Terres et Territoires - Sénat

Actualité

Élections sénatoriales : dans le Nord, plusieurs nuances de rose, plusieurs nuances de bleu : l’éparpillement façon puzzle

Lire la suite...
Terres et Territoires - Sénat

Actualité

Élections sénatoriales : dans le Pas-de-Calais, la droite (presque) unie, la gauche en ordre dispersé et l’éventualité du Rassemblement National :

Lire la suite...

Actualité

Supplément Pommes de terre – mars 2025

Lire la suite...

Actualité

Paul-Marie Claudon, préfet délégué à l’égalité des chances du Nord

Lire la suite...
Alzheimer questions ©storyset

Actualité

La maladie d’Alzheimer en six questions

Lire la suite...

Actualité

Le plessage de haie, une pratique ancestrale

Lire la suite...

Actualité

L’engagement de Corinne contre Alzheimer

Lire la suite...

Actualité

Pour les sols, contre les nématodes : l’atout couverts

Lire la suite...

Ecoutez son histoire !

par Justine Demade Pellorce

<< Gérante de la brasserie Thiriez, Clara parle de son parcours - venue pour 3 mois... il y a 11 ans ! >>

écouter