Votre météo par ville
Il y a mille façons de découvrir un paysage : le regarder, l’écouter ou, pourquoi pas, le goûter. C’est le parti pris de la visite guidée “Goûtons l’estuaire”, proposée par le pôle patrimoine de l’office de tourisme du Touquet (62). Vendredi 4 août, Isabelle Potdevin, guide-nature passionnée et passionnante, embarquait dans son monde un petit groupe d’intrépides à travers les mollières de l’estuaire.
Autrement connu sous le nom de prés-salés, cet environnement abrite une végétation singulière : des plantes halophiles, c’est-à-dire qui évoluent dans un environnement salé. On distingue les halophiles strictes, qui ont besoin de ce sel pour vivre, des autres, qui se contente de supporter l’environnement hostile (lire aussi notre article sur l’estuaire de la Canche).
Outre l’extrême richesse que cet écosystème abrite, la guide nature rappelle que “les mollières sont très concentrées en biomasse, et captent ainsi beaucoup de CO2“. Des modèles qui intéressent plus que jamais et qui font l’objet d’attention particulière.
Aux salicornes superstars s’ajoutent une multitude d’autres possibilités salées. Des ” repas de fête “, insiste la guide parce que, salées, elles n’offrent pas forcément une perspective quotidienne. Il n’empêche que leur cueillette d’abord*, dans un décor vert et bleu aux fortes notes d’iode, et leur dégustation ensuite, valent le détour. Petit inventaire.
– La smartine. Elle fait partie de la famille des graminées. Avec son important système racinaire, elle retient la vase et marque la limite entre la slikke, cette zone recouverte quotidiennement par les marées, et le schoore, qui n’est, lui, recouvert qu’en cas de fortes marées. Pour la goûter, on enlève l’épi de son fourreau (sans déraciner la plante, évidemment), et on le grignote. Son goût est plutôt sucré, une fois n’est pas coutume, avec des notes de concombre. Une bonne façon de se “rincer ” la bouche entre deux plantes (très) salées, conseille Isabelle Potdevin.
– L’aster maritime. De la famille des pâquerettes, cette plante est aussi surnommée “oreilles de cochon” ou, plus cohérent estime la guide, “oreilles de moutons” chez les Anglo-Saxons. Salée mais avec un véritable arôme, elle est parfaite dans un cake ou avec les moules. Isabelle Potdevin va même jusqu’à remplacer le basilic par cette plante maritime dans les salades de tomates. Celle-ci peut être cueillie jusqu’au 27 octobre de cette année, une date qui change à chaque fois et qu’il convient de vérifier on le répète.
– La sueda maritima, ou soude maritime, est moins salée et possède davantage de mâche avec des petites feuilles croquantes qui lui donnent de faux airs de romarin. Elle peut être consommée dans des salades ou en petits beignets à base de farine de riz, en mode tempura, conseille notre guide.
– L’obione est aussi surnommée “la chips de mer“. Avec ses petites feuilles spatulées croquantes, cet arbrisseau, qui pousse dans le schoore, revêt des reflets argentés brillant au soleil. Isabelle Potdevin conseille de huiler légèrement les feuilles (pas besoin de saler, vous imaginez bien) et de les passer au four une quinzaine de minutes à basse température. “L’idée est de dessécher les feuilles pas de les cuire“, distingue-t-elle. Ses boutons floraux, nombreux, sont à goûter aussi pour l’expérience. Les palais les plus fins y décèlent des notes de poisson ou de crustacés.
– L’atriplex ou arroche maritime a très longtemps été cultivée et consommée à la manière des épinards qui l’ont peu à peu remplacée à partir du Moyen Âge. On la cuisine de la même manière, par exemple à la vapeur, afin d’en garnir des lasagnes.
– Sans oublier l’argousier qui, s’il n’est pas propre aux mollières, se retrouve un peu partout dans les dunes de notre littoral. Un buisson qui donne de petites baies orangées extrêmement riches en vitamine C : “Une dizaine d’entre elles apporte autant de vitamines qu’une orange“, assure Isabelle Potdevin, comme pour se faire pardonner de nous avoir fait manger tant de sel. Une visite qui, décidément, ne manque pas de piquant.
Justine Demade Pellorce