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Interview de Marc-André Selosse, professeur au Muséum national d’histoire naturelle de Paris

24-02-2022

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Marc-André Selosse donne une conférence, le 1er mars, à Saint-Omer, au titre évocateur : « Connaître, aimer et soigner nos sols : de la méconnaissance à la régénération ».

Marc-André Selosse © ARCHIVE NCN / MICHAŁ ŁEPECKI

Professeur au Muséum national d’histoire naturelle de Paris, Marc-André Selosse y dirige une équipe de chercheurs. Le biologiste, spécialisé en botanique et mycologie, explique sa démarche, qu’il viendra partager le 1er mars à Saint-Omer (62), lors d’une conférence-débat*.

Comment est née votre passion pour les sols ?

Je suis entré dans le sol par le champignon. Mon intérêt pour les sols vient de mon intérêt pour les microbes du sol, et notamment les champignons, que je cueillais dans les forêts, quand j’étais en cinquième. Mais ce qu’on voit à la surface n’est que la partie visible de l’iceberg. Les champignons vivent surtout dans la terre. J’ai continué de creuser. La vie microbienne dans le sol est devenue mon sujet de thèse. Depuis, je suis enseignant-chercheur dans ce domaine.

Que comprend-on au niveau du sol ?

Les matériaux qui composent le sol sont fabriqués par ce qui se passe au-dessus et par ce qui se passe dedans. S’intéresser aux sols, c’est comprendre ce qu’ils contiennent et comment ça fonctionne. Ça débouche sur la connaissance de la façon dont une plante se nourrit et se développe. On peut même parvenir à trouver des moyens pour quelle pousse mieux.

Pourquoi faut-il « soigner » nos sols. Sont-ils malades ?

Entre l’agriculture conventionnelle et les sols, c’est la grande méprise. L’avantage de l’agriculture conventionnelle, c’est la fin des famines. Ses effets délétères sont connus : l’agriculture conventionnelle tape dans le capital, le sol, pour augmenter les intérêts, les récoltes. Ce système n’est pas durable et ne va pas nous permettre de transmettre des sols de qualité à nos enfants.

À quoi pensez-vous ?

Le labour augmente l’érosion. Le sol disparaît 10 à 100 fois plus vite sur une terre labourée que sur une terre qui ne l’est pas. Les sols de la Beauce disparaissent, désormais, aussi vite que les sols alpins. Le labour est tellement ancré dans les pratiques agricoles qu’on n’imagine pas faire autrement. Pourtant avec le labour, on a inventé une pratique qui n’est pas logique écologiquement, en laissant des terres à nu. En Amérique précolombienne, il n’y avait pas de charrue, donc pas de labour et pourtant on a nourri des cités très peuplées. Demain on peut envisager une agriculture sans labour.

Quelles sont les autres menaces ?

Les engrais minéraux et les pesticides mettent en péril les organismes du sol et la structure même des sols, ce qui menace, à terme, la fertilité de la terre. L’engrais appelle l’engrais, qui appelle le pesticide. C’est un mécanisme insidieux qui rend la terre de moins en moins fertile. Un exemple : les rendements ont diminué de 6 % dans la Corn Belt (ceinture de maïs) dans le Midwest des États-Unis. Enfin, ceux qui tuent les sols, ce sont les citadins en les artificialisant. Tous les sept ou 10 ans, on perd l’équivalent d’un département en terre fertile.

Que faire ?

D’abord, il n’est pas encore trop tard. Il est temps d’écouter ceux qui pratiquent différemment. Il faut favoriser les pratiques agricoles protégeant les sols. L’agriculture conventionnelle coûte cher, notamment à cause des intrants. Ainsi, la PAC est le premier budget de l’Europe. Il faut être prêt à payer pour une agriculture plus respectueuse des sols : agriculture sous couvert, permaculture, agriculture de conservation… L’objectif étant de ne jamais laisser les sols nus.

Quelles recherches menez-vous actuellement ?

Au Muséum national d’histoire naturelle, on travaille sur les champignons du sol qui s’associent aux racines des plantes pour leur donner leur sucre. On parle alors de champignons mycorhiziens. Les deux vivent en symbiose. L’exemple le plus connu, c’est la truffe. Mais, il en existe des tas d’autres : sur la betterave, la carotte… Il faut favoriser les engrais organiques, car le fumier est compatible avec les champignons.

Êtes-vous optimiste pour l’avenir des sols ?

On ne connaît pas plus de 1 % des microbes du sol. Toutefois, le peu que l’on connaît nous permet de savoir qu’on peut faire mieux. La vie invisible du sol est extraordinairement complexe et riche.  

Propos Recueillis Par Hervé Vaughan

Lire aussi : Sols : Une web télé pour creuser la question

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