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Née à Hénin-Beaumont (62), Brigitte Delanghe a travaillé dans la banque, de 1970 à 1979, avant de reprendre l’activité de ses beaux-parents : vente de fruits et légumes sur les marchés. La sexagénaire y voyait là une continuité : la banque ou les fruits et légumes, ça restait du commerce et le commerce, elle adorait ça !
Début des années 80, la jeune mère de famille passe son permis poids lourd. Et tant pis si ses collègues la regardent bizarrement quand elle arrive au bureau dans son camion école, elle, se sent à sa place. Pendant 27 ans, le couple fait les marchés et Brigitte Delanghe se spécialise dans la confection de corbeilles de fruits à offrir. « Ça ne se faisait pas beaucoup à l’époque. Dans le camion il y a une partie fragile où on ne peut pas trop marcher, on l’appelle le col-de-cygne : j’avais décidé d’y installer des étagères pour mes corbeilles », se souvient-elle avec un enthousiasme non altéré. « Il m’arrivait d’en confectionner plus de 500 sur le mois de décembre, ça devenait de la folie », se remémore celle qui obtiendra la plus haute distinction possible grâce à ses talents de composition.
Une passion du végétal qu’elle aura assaisonnée d’une bonne part d’administratif. « J’ai vite été attrapée par l’Union nationale des fruits et légumes et d’autres associations qui ont mis à profit mon habitude de la paperasse. Et le lundi, quand je ne travaillais pas, je remplissais les formulaires… J’ai participé aux toutes premières conventions collectives, j’ai été présidente de la toute première association de détaillants de fruits et légumes, Le Fruitier. »
Abonnée à Air Inter, elle va à la rencontre des commerçants de France pour promouvoir la jeune charte du Fruitier, et va jusqu’à représenter la filière à São Paulo, au Brésil.
Brigitte Delanghe a vu la filière se professionnaliser en même temps qu’avec son mari, ils se sont peu à peu dirigés vers un remisage du camion pour ouvrir un magasin spécialisé. Nous sommes en 2005 et ils « osent acheter un terrain en face du McDo’ et de Cora », à Courrières (62). Le couple se partage un temps entre les marchés et le Fruitier de Courrières avant de se consacrer exclusivement au magasin qu’ils tiendront jusqu’en 2017, date de la cession de leur activité. Brigitte Delanghe n’a depuis rien perdu de son ardeur à défendre le métier de primeur. C’est qu’elle porte un col bleu-blanc-rouge qui l’oblige, en quelque sorte.
Ça remonte à 2010 quand les fruitiers et primeurs rejoignent le prestigieux concours de Meilleur ouvrier de France (MOF) et que le métier lui demande de s’y coller. « Je ne voulais pas, moi. J’étais cool, j’avais déjà obtenu des trophées pour mes réalisations de corbeilles et je donnais même des cours à ce sujet pour la fédération des fruits et légumes. » Loyale, elle finit toutefois par accepter.
C’est alors que sa maison se remplit de livres sur les végétaux. Des livres sur l’arboriculture, sur l’agriculture en tapissent chaque recoin. Le moindre temps libre est consacré à un apprentissage encyclopédique. En 2010 elle est finaliste, avec trois autres collègues. En 2011 elle est lauréate. «Un bonheur et un grand soulagement : je n’aurais pas pu le refaire une troisième fois », analyse la désormais MOF primeurs. Qui n’a pas arrêté de composer pour autant.
« Le 1er mai, je réalise le buffet à l’Élysée avec mes collègues », explique-t-elle. Une date symbolique où, outre la remise du muguet au Président, un buffet mettant à l’honneur l’ensemble des produits de Rungis est dressé au cœur de la République. Brigitte Delanghe s’occupe des découpes de fruits et légumes, des compositions.
À chaque année, un nouveau défi. « Comme cette fois où il a fallu proposer des mises en bouche végétales sans supports. J’ai choisi de servir un taboulé de légumes dans des feuilles d’endives », sourit-elle au souvenir de cette mise à l’honneur de la perle du Nord.
Mais elle s’éclate tout autant quand elle va faire un cours de découpe d’ananas dans un Ehpad, s’émerveille face aux « artistes cuisiniers » qui font exploser les produits sans artifices, ne se lasse pas du dernier week-end d’août où « l’ensemble des ambassadeurs de France sont conviés au château de Saint-Cloud pour une piqûre de rappel des bons produits français », participe aussi volontiers au jury de l’assiette Gourm’hand, concours de cuisine pour personnes handicapées organisé chaque année à Bailleul (59). « On n’a pas assez d’une carrière pour faire le tour de la question », pose tranquillement Brigitte Delanghe. Qui en aura fait une bonne partie tout de même.
1979. Elle quitte la banque pour vendre des fruits et légumes sur les marchés avec son mari.
2006. Elle ouvre son magasin, Le fruitier de Courrières.
2011. Elle remporte le concours de Meilleur ouvrier de France catégorie primeurs. Depuis, elle intervient dans les concours de Meilleurs apprentis de France (MAF) primeurs.
Justine Demade Pellorce
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