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Titulaire de la chaire d’études « Modèles entrepreneuriaux en agriculture » sur le campus havrais de l’EM Normandie, une école de commerce, Roland Condor, fils d’agricultrice, pense qu’ouvrir le monde agricole à d’autres disciplines permet d’en avoir une meilleure vision.
Pour passer mon doctorat en sciences de gestion, j’ai présenté une thèse sur les stratégies des petites entreprises dans le monde rural.
J’ai été plus ou moins repéré par l’EM Normandie qui m’a embauché dès que j’ai eu mon doctorat, en tant qu’enseignant-chercheur.
En 2013, j’ai créé une première chaire sur l’entrepreneuriat en partenariat avec CerFrance pour trois ans. Mais l’EM Normandie a fait une sorte de diagnostic interne car elle voulait trouver un moyen de se démarquer des autres.
On s’est posé la question : quelle est notre valeur ajoutée ? En discutant avec d’autres collègues, on s’est aperçu qu’il n’y avait pas de recherches françaises sur l’entrepreneuriat agricole.
Or, étant implanté en Normandie, qui est une région agricole, cela semblait coller et tous les ingrédients étaient réunis : CerFrance était partant pour nous accompagner, ainsi que la Région et la chambre d’agriculture. La chaire a été créée en 2018.
La chaire travaille sur quatre grands thèmes : la méthanisation agricole (sous l’angle de l’acceptabilité et la performance énergétique des unités), les circuits courts (comment mieux les structurer pour mieux approvisionner la restauration collective), la digitalisation de l’agriculture (lire notre édition du 21 avril) et depuis un an environ sur les crédits carbones (est-ce qu’ils peuvent avoir un intérêt économique pour les agriculteurs).
Pour cela, je suis accompagné de deux assistants de recherche qui sont 100 % dédiés à ces travaux et à l’EM Normandie, nous fonctionnons par groupe de travail avec d’autres chaires.
Par exemple, dans le cas de la digitalisation de l’agriculture, nous avons réalisé une étude avec la chaire « digitalisation et innovation dans l’organisation des territoires ».
Parallèlement, je fais moi-même de la recherche, évidemment, mais j’ai aussi pour rôle de coordonner les partenaires et co-construire avec eux nos sujets de recherches.
Je m’occupe aussi du volet pédagogique en regardant comment je peux mettre un peu d’agriculture dans les programmes et je gère aussi le volet événementiel en faisant des tables rondes, des conférences…
Le fait d’ouvrir le monde agricole au monde du commerce a un double intérêt : cela permet de faire connaître l’agriculture et ça permet d’ouvrir de nouveaux champs de réflexions.
Dans une école de commerce, il y a plein de départements différents : ressources humaines, transitions écologiques, marketing, économie…
Ils peuvent tous avoir des liens avec l’agriculture et inversement. On peut très bien imaginer un sujet de recherche sur les problèmes de recrutement dans l’agriculture, par exemple.
Il y a donc un véritable travail de veille pour repérer les problématiques agricoles. On veut éviter l’effet « rat de laboratoire » et garder toujours un lien avec l’extérieur. La pluridisciplinarité et l’enquête de terrain permettent cela.
Entre ce que j’ai connu petit et maintenant, il y a un monde. Ma mère avait 15 vaches… Aujourd’hui, c’est presque impossible de vivre avec seulement 15 vaches !
Cela dit, je crois que le modèle des très grandes fermes n’a pas vraiment d’avenir en France car il y a beaucoup de résistances de la part de la société et un peu du monde agricole.
Parallèlement, j’émets des doutes sur le modèle des microfermes urbaines parce qu’économiquement, ce n’est pas viable. Je crois que l’avenir se trouve dans « les fermes du milieu ». Des exploitations avec 50 à 80 vaches, dans la bio comme dans le conventionnel d’ailleurs.
Il y a 10 ans c’était impensable pour la bio d’avoir des exploitations avec autant de bêtes. Mais je crois qu’il y a une forme de retour à du pragmatisme et une volonté de trouver des modèles durables dans le temps mais aussi écologiquement.
Aujourd’hui, on propose des modèles alternatifs à la bio qui sont acceptables socialement et économiquement, je pense à la HVE par exemple…
Je crois que ce qui se joue avec ces « fermes du milieu » c’est de trouver le juste équilibre entre productivité et transition écologique.
1994. Il entre à l’université de Rouen pour faire une licence AES (administration économique et sociale).
2002. Il obtient son doctorat en sciences de gestion et est embauché à l’école EM Normandie.
2013. Il crée une première chaire dédiée à l’entrepreneuriat.
2018. Il devient titulaire de la chaire « modèles entrepreneuriaux en agriculture ».
Propos recueillis par Eglantine Puel