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Dans la trousse du docteur Fesneau : pas moins de 60 millions d’euros, en plus des 10 précédemment annoncés, dispensés en urgence pour résoudre la crise actuelle que traverse la filière bio française. Le ministre précise que ces aides directes sont destinées à éviter la poursuite des déconversions, indiquant que les modalités d’octroi de cette aide seront fixées à travers des échanges avec les professionnels. Il ne perd pas de vue la poursuite de l’incitation à la conversion à l’agriculture biologique : « Notre objectif d’atteindre 18 % des surfaces françaises en bio en 2027 reste d’actualité ».
En traitement de fond, sur le long terme, Marc Fesneau veut stabiliser le marché de la bio. Il rappelle que la production a connu une croissance à deux chiffres pendant plusieurs années, boostée notamment par la crise du covid et une demande en hausse, suivie d’un effondrement des achats par les consommateurs.
L’inflation récente et l’augmentation de l’offre – conversions opportunistes – ont mis à mal les producteurs qui n’écoulent plus leurs marchandises. En témoigne Stéphane Dreumont, exploitant dans l’Oise, qui a laissé l’accès à son champ de poireaux aux habitants plutôt que devoir les jeter. « Le marché de la bio est jeune, connaît une crise de croissance, qui ne remet pas en cause nos certitudes : le bio reste une filière d’avenir où offre et demande doivent s’équilibrer », assure le ministre de l’Agriculture.
Marc Fesneau veut engager 120 millions d’euros de commandes publiques pour atteindre les objectifs de la loi Egalim, à savoir 20 % de produits bio dans la restauration collective : établissements scolaires, résidences de personnes âgées, etc. Selon le ministre, l’État doit s’appliquer à lui-même ce qu’il exige des autres et il croit en l’exemplarité et en un effet d’entraînement. « J’invite les collectivités locales à s’investir dans les plans alimentaires territoriaux et à passer commande auprès des producteurs bio pour alimenter les cantines scolaires notamment. » Le ministre veut croire que la commande publique aura un effet stabilisateur sur le marché. « Cela représente un soutien par la demande d’environ 120 millions d’euros », assure le ministère. Encore faudra-t-il revoir certains marchés publics, ou certaines clauses d’entre eux et faire en sorte que l’alimentation biologique ne provienne pas de pays étrangers. Car il est interdit de privilégier les produits bio français au détriment des autres.
À cela s’ajoute la volonté de développer la communication autour du bio que le ministre espère porter à 3 millions d’euros grâce à des fonds issus de France Stratégie. « Il faudra expliquer au consommateur l’intérêt du bio, particulièrement s’il est local, et sortir de la logique bio = cher, il y a autre chose à dire ! »
C’est donc un ministre particulièrement volontariste qui a été reçu dans l’Oise ce mercredi 17 mai, chez Michaël Mos, éleveur laitier bio à Bonnières et installé hors cadre familial en 2022. Cette visite s’est déroulée en présence de la préfète de l’Oise Catherine Seguin, des représentants de l’État et de la profession agricole : syndicats, chambre d’agriculture, Bio en Hauts-de-France, représentants des collectivités et député de la circonscription.
Michaël Mos a présenté son exploitation et répondu aux nombreuses questions du ministre. « J’ai eu l’impression que le ministre était particulièrement au courant de la situation de l’agriculture bio. Je me suis senti écouté pendant la visite de mon exploitation et soutenu, comme mes collègues agriculteurs bio lors des annonces qu’il nous a réservées. Il reste bien entendu à voir l’application concrète de ces mesures », témoigne l’agriculteur à l’issue de cette visite ministérielle. « Je suis heureux de voir que des exploitations bio continuent de grandir, même si je sais que la majorité des producteurs rencontrent de réelles difficultés. Cela me conforte dans l’idée de poursuivre le soutien à l’agriculture biologique », confie le ministre.
Si les annonces du jour ont semblé satisfaire les participants, beaucoup s’interrogent sur leur mise en œuvre, à l’instar de Brice Guyot, représentant bio à la FNSEA : « Les critères d’attributions des aides d’urgence ne doivent pas laisser des producteurs sur le côté. Quant aux aides liées à la commande publique, elles vont être longues à s’appliquer. Les contrats en cours de la restauration collective et leurs méthodes de préparation des repas ne peuvent pas être changés du jour au lendemain ».
L’échec de la filière bio serait l’échec de tous et d’abord celui de la puissance publique, selon les mots mêmes du ministre.
Pierre Poulain Et Dominique Lapeyre-cavé