Votre météo par ville
« Avant que la commune ne mette ça en place, j’avais déjà l’idée de planter des haies dans la continuité de ce qui existe déjà avec les bois en fond de pâture. Mon idée était de créer une limite entre les champs et les pâtures pour protéger les bêtes des intempéries, favoriser la biodiversité. Et pour l’aspect paysager aussi : je préfère voir des haies plutôt que la route en contrebas. »
Régis Winckel, installé en polyculture élevage depuis 2010 mais au charbon depuis 17 ans et le décès précoce de son père, n’avait pas besoin d’arguments pour se lancer dans l’opération de plantation citoyenne lancée par sa commune, Houtkerque (59). Convaincu de l’utilité multiple des haies, le trentenaire sait désormais qu’une matinée de travail aura suffi pour planter 500 pieds sur 250 mètres linéaires de pâture. « Sans ça, je me serais renseigné auprès d’un pépiniériste, j’aurais demandé à quelques copains. Sûr, j’en aurais mis moins. » Et ça lui aurait coûté plus d’argent, de temps et d’énergie. Car là, mis à part l’engagement à entretenir les haies plantées, l’opération n’a rien coûté à l’agriculteur.
« L’environnement est le fil rouge du mandat », pose Sabine Caron. La conseillère municipale en charge de l’agriculture et de l’environnement, aussi fille d’agriculteurs, précise : « Nous avons lancé le projet “1 000 habitants, 1 000 actions nature”. Cela passe par des balades nature, la mise en place d’écopâturage, des ateliers de compostage ou de tri des déchets… tout ce qui peut sensibiliser les habitants. Et nous voulions aussi embarquer avec nous le monde agricole. »
Au printemps dernier, une réunion, animée par Samuel Bever, maire d’Houtkerque, Stéphane Dieusart, vice-président de la Communauté de communes de Flandre intérieure, et Sabine Caron, l’élue en charge de l’agriculture, comptait pas moins de 17 agriculteurs présents sur les 23 installés sur la commune, en élevage ou en polyculture mais aussi en maraîchage… À l’ordre du jour : les préoccupations des agriculteurs – zones inondables, gestion des fossés, des ponts de champs -, mais aussi cette proposition de planter arbres et arbustes sur leurs parcelles. Deux avaient levé le doigt : Régis Winckel et Matthieu Thoris. Le premier est installé à Houtkerque, le second est Winnezeelois mais a des terres sur la commune. La première séance de plantation citoyenne s’est déroulée samedi 10 décembre chez Régis, la suivante est programmée ce samedi chez Matthieu, qui complétera ses haies et en plantera une nouvelle en bord de champ.
Chez Régis, pas moins de 500 arbres et arbustes ont été offerts par les Jardins du cygne, association d’actions sociales et environnementales basée à Arnèke (59) qui accompagne, notamment, les agriculteurs dans la plantation de haies. Outre les plants, l’association a fourni conseils en pagaille et quelques paires de bras. Les essences plantées sont naturellement locales : aubépine, charme, cornouiller, noisetier, saule… Les 20 euros d’adhésion à l’association ou encore les 100 euros de prestation pour la matinée ont été pris en charge par la commune.
Samedi 10 décembre à 9 h, il faisait frais, mais beau et les volontaires se sont vite réchauffés. « Un temps idéal finalement, sans boue qui nous colle aux pieds. Pour débuter la matinée, Pierre Gillot et Alix Allard, des Jardins du cygne, nous ont donné quelques conseils sur la préparation du sol, puis nous nous sommes répartis, bêche à la main, le long de la pâture pour creuser les 500 trous », explique Sabine Caron.
Dans la troupe de bénévoles, quelques élus, des membres des Jardins du cygne, une association de chasseurs, l’agriculteur et quelques-uns de ses amis, mais aussi des habitants de la commune, convaincus par l’utilité de l’opération. « Ils se réjouissent de ce retour aux paysages de leur enfance, où chaque champ était planté de haies », relaie l’élue.
De son côté, l’agriculteur salue le mélange de mondes peu habitués à se côtoyer. C’est aussi l’un des objectifs de cette opération. « Les agriculteurs peuvent se sentir seuls, ils sont aussi parfois critiqués par des habitants qui ne connaissent pas leur quotidien, ne comprennent pas leurs contraintes. Ici nous faisons ensemble, et l’apéritif barbecue proposé par Régis à l’issue de la matinée de travail a permis à chacun d’en apprendre plus sur les autres », salue la conseillère municipale.
Seul bémol de l’opération, la présence de nombreux chevreuils dans le bois voisin la parcelle. Et si leur ballet a réjoui les planteurs amateurs samedi, il faudra surveiller leur appétit au printemps, et « peut-être opter pour une clôture électrifiée », pense l’agriculteur. Un moindre mal.
Pour lui, outre le bénéfice direct de cette haie gratuite, l’opération, parce qu’elle est portée par la commune, pourrait inciter d’autres que lui à planter à leur tour. « Je suis convaincu des atouts des haies, y compris contre l’érosion des sols, pour le maintien des berges ou pour limiter la végétation dans les cours d’eau, et plus il y en aura, plus je serai content. Pour une fois que nous ne sommes pas dans des processus réglementés et imposés (il pense à la PAC, ndlr) ; pour une fois qu’on nous propose de faire quelque chose comme ça nous arrange, pourquoi se priver ? », lance rhétoriquement Régis Winckel.
Justine Demade Pellorce
Lire aussi : Agroforesterie : Tous les atouts du peuplier