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Ils sont au pied du mur… de leur bâtiment de stockage. Les producteurs de pommes de terre européens n’ont plus le choix. Il faut trouver des solutions face à l’interdiction du chlorprophame, plus connu sous le nom de CIPC. Cet anti-germinatif est appliqué lors d’une longue conservation des tubercules.
Ce sujet était sur toutes les lèvres des producteurs de pommes de terre, réunis le 19 décembre à Arras (62) pour la journée du comité technique de la pomme de terre. Depuis juin, date à laquelle l’homologation du CIPC n’a pas été renouvelée, les jours sont comptés. La France applique un délai de grâce qui s’écoule jusqu’au 8 août 2020. Il est donc encore autorisé pour la campagne 2019-2020, mais en août, plus question d’en appliquer pour la prochaine récolte.
« Une réduction de la limite maximale de résidus temporaire (LMRT) du CIPC va être appliquée, explique Sophie Szilvasi, experte référente nationale pommes de terre à la direction générale de l’alimentation. Un délai de grâce concernant les résidus devrait être voté en juin. Il est possible que la LMRT de 10 mg/kg s’étende jusqu’à décembre 2020. Ensuite, le taux résiduel autorisé risque d’être réduit à 0,3 ou 0,5 mg/kg. »
Le nettoyage des bâtiments qui ont accueilli du CIPC est donc à prévoir. « Pour respecter la LMRT prochaine, il faudra nettoyer tous les recoins des bâtiments “contaminés“, préconise Michel Martin, ingénieur pommes de terre chez Arvalis-Institut du végétal. Les espaces de ventilation, les gaines, tout doit être lavé. Le nettoyage à haute pression peut suffire mais dans certains cas, il est bon d’ajouter un détergent. Quant aux palox qui stockent les pommes de terre, en les laissant à l’air libre à l’extérieur, l’élimination des résidus de CIPC se fera naturellement. »
Outre ce grand ménage de printemps, des aménagements de bâtiments seront à prévoir. Car les nombreuses solutions pour contrer l’utilisation du CIPC se font par thermonébulisation. Cela consiste à créer un brouillard dense de très fines particules chargées de produit anti-germinatif. Une technique qui nécessite une étanchéité totale des bâtiments, et donc des travaux dans la majorité des constructions.
« Pour cela, il faut être équipé d’une machine capable de réaliser ce brouillard, explique Laurent Ternynck de la société UPL. L’utilisation de ces appareils n’est pas anodine, il faut avoir un Certiphyto à jour, porter des équipements de protection individuelle et suivre une formation à l’utilisation de ce matériel. »
Avant d’épandre des produits alternatifs pendant le stockage, il y a l’application de l’hydazide maléique, en végétation. Ce produit est déjà utilisé pour éviter les repousses de pommes de terre dans les champs ou pour un stockage jusqu’à décembre. « Ce produit sera sûrement nécessaire lorsque l’utilisation du CIPC ne sera plus autorisée, précise Michel Martin. Mais il ne sera pas suffisant si le stockage est prolongé, il faudra compenser avec d’autres produits. »
Parmi ceux-ci, il y a l’éthylène, une substance naturelle et autorisée en agriculture biologique. D’autres peuvent se tourner vers l’huile de menthe qui s’utilise aussi avec une ventilation homogène du bâtiment. Son effet curatif, applicable sur des pommes de terre déjà germées, peut être un atout mais le léger goût en bouche qui subsiste ne convient pas aux industriels.
La dernière solution réside dans le produit Dormir. À base de DMN, la substance est très volatile et demande de la surveillance car il ne peut pas être appliqué sur des pommes de terre germées. Si les solutions de stockage existent, le coût de ces produits reste supérieur à celui du CIPC. Une nouvelle équation à résoudre.
Lucie Debuire