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Si la question amène son lot d’incertitudes, un fait est certain : le climat évolue de plus en plus rapidement. C’était, dans les grandes lignes, le constat d’une conférence dédiée aux impacts du dérèglement climatique sur les cultures, organisée par la chambre d’agriculture du Nord-Pas de Calais à l’occasion de la Journée technique fruits et légumes, qui a eu lieu le 14 septembre dernier à Lorgies (62).
Selon les projections les plus pessimistes, « si on se base sur les normales de température de Lorgies, nous aurons, entre 2041 et 2070, les températures de Rennes. Si on se projette encore plus loin, de 2071 à 2100, on atteindrait celles de Bordeaux », énonce Fabien Dutertre, conseiller climat à la chambre d’agriculture du Nord-Pas de Calais. Par rapport à une période de référence allant de 1976 à 2005, la température annuelle moyenne des Hauts-de-France augmenterait de 2 °C d’ici un quart de siècle.
Toujours selon le scénario le plus pessimiste, dit du « laisser-faire » – sans effort de réduction des émissions de gaz à effet de serre – les périodes de gel dans l’ensemble des Hauts-de-France, qui ont déjà diminué de 30 % en 50 ans, pourraient encore baisser pour atteindre 9 à 26 jours annuels sur la période 2041 à 2070, contre 12 à 35 actuellement. Le nombre de jours estivaux, dont la température maximale dépasse 25 °C, a doublé depuis les années 1950 et atteindrait 16 à 60 jours dans un futur lointain, contre 7 à 33 jours actuellement.
« La zone la moins touchée sera sur la portion côtière. Dès qu’on entrera dans les terres, on sera confronté à une hausse significative », indique Fabien Dutertre. En ce qui concerne les précipitations annuelles moyennes, les modèles ne projettent pas d’évolutions significatives, seule une légère intensification sur l’Artois et le Boulonnais.
Quels impacts auront ces changements sur les productions légumières ? Il faut, pour répondre à cette interrogation, se pencher sur les « indicateurs agro-climatiques », c’est-à-dire les indicateurs qui permettent de suivre une évolution climatique induisant un effet, négatif ou positif, sur une culture et sur sa phénologie (ou sur le développement d’un bio agresseur). On peut citer, parmi ces indicateurs agro-climatiques, le nombre de jours sans pluie, le déficit hydrique, les vagues ou les pics de chaleur, les jours de gel, le nombre de jours à forte évapotranspiration potentielle (ETP)…
Afin d’illustrer ces enjeux, Mathilde Arrouzé, ingénieure chez Agro-Transfert au sein du projet Réseau, expose un cas pratique : le pois de conserve. Elle rappelle d’abord les différentes sensibilités du pois durant son cycle : une sensibilité à l’excès d’eau et au gel entre les phases de semis et de levée, une sensibilité au stress thermique après la levée, puis une sensibilité aux températures supérieures à 25 °C pendant la période de floraison « qui peut impacter le rendement en nombre de gousses et de grains », insiste Mathilde Arrouzé. Durant le remplissage, le pois est sensible au déficit hydrique ainsi qu’au stress thermique, qui peuvent « induire des problèmes de calibrage ».
Toujours selon ce scénario du laisser-faire, avec une période de référence allant de 1975 à 2005 et des projections « futur lointain » de 2055 à 2085 : en tenant compte de l’augmentation des températures uniquement, les pois semés le 15 avril pourraient voir leur cycle se réduire de 9 jours et passer à 62 jours, contre 71 aujourd’hui. Avec des semis précoces en mars, le cycle, bien qu’il perde 13 jours, reste relativement long, puisqu’il passe de 92 jours actuels à 79 dans un futur lointain. « Cela peut être bénéfique pour la culture, car un cycle plus long permet plus de biomasse et donc un rendement plus intéressant », commente Mathilde Arrouzé.
Idem, les semis précoces permettraient d’éviter un certain niveau de stress thermique ainsi que des chaleurs tardives, amenées à se répéter dans un futur lointain. En ce qui concerne le bilan hydrique moyen, il baisse de 31 mm par rapport à la période de référence pour des semis en avril et de 11 mm pour des semis en mars. Reste le risque du gel, qui entretient la réticence des agriculteurs vis-à-vis des semis précoces, et, qui, malgré une forte diminution de sa fréquence dans un futur lointain, restera toujours présent.
Mathilde Arrouzé lance quelques pistes : jouer sur les propriétés du sol, notamment sur le réservoir hydrique grâce à des techniques de conservation du sol (couverture végétale et réduction de travail). Utiliser le système de culture et les cultures en elle-même, en adaptant les dates de semis, travailler sur le système racinaire et le matériel végétal, et la génétique des espèces…
Les sélectionneurs variétaux ont, dans ce sens, un rôle important à jouer : « Ils sont confrontés à quatre exigences, détaille Ghislain Mascaux de la chambre d’agriculture du Nord-Pas de Calais. Les variétés doivent générer un rendement optimal dans un contexte climatique particulier, et non plus maximal, doivent être résistantes aux maladies, aux aléas climatiques et doivent rester qualitatives, en termes de goût, pour le consommateur. » Le développement de nouvelles variétés prenant jusqu’à dix ans, un agriculteur dans le public s’enquiert : « À peine sorties, elles seront déjà dépassées par les évolutions climatiques ! » Certes, confirme Fabien Dutertre, mais elles pourront être utilisées par des régions plus au nord : « Travaillez avec vos analogues climatiques ! Voyez comment fonctionnent Rennes et Bordeaux et anticipez. »
Marion Lecas