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Point mort, ou presque. En une semaine, les récoltes n’ont que très peu avancé, la faute à la pluie, toujours elle, qui s’invite bien trop souvent dans ces journées de juillet. « Pas seulement depuis dix jours, depuis longtemps », rectifie Maxime Thuillier. Même l’accalmie annoncée cette fin de semaine ne semble pas rassurer le directeur céréales d’Unéal qui en vient à citer Saint-Thomas. « On espère battre deux jours cette semaine, jeudi et vendredi, mais on a eu tellement de déconvenues qu’on préfère rester prudents. » Il ne croit que ce qu’il voit, tel Saint-Thomas, donc.
Oubliée l’avance prise à la sortie d’hiver, le retard s’accumule. « C’est bien simple : en 2023 à la même époque, les escourgeons étaient rentrés, le reste attaqué, on en était à 15 % de collecte, toutes céréales confondues. Là, on en est à 4 % », pose-t-il mathématiquement. 40 % des escourgeons ont été battus, 5 % des colzas et les blés sont figés à zéro pointé. La quantité n’est pas là, et la qualité… « pas là non plus. »
La récolte des escourgeons devrait se conclure avec des rendements aux alentours de 70 quintaux, « si la pluie cesse, et si on arrive à finir », insiste Maxime Thuillier. Ni le PS (poids spécifique, ndlr), ni la qualité ne suffiront. Résultat : « On va devoir retravailler le grain : trier, nettoyer, éliminer les grains maigres et les impuretés ». Chez Ducroquet Négoce, les rendements seront « très hétérogènes, de 50 à 100 quintaux en prenant les extrêmes avec une moyenne autour de 75 quintaux », prédit le responsable de l’entreprise, Henri Ducroquet. Soit, calcule-t-il, 15 à 20 quintaux de moins qu’en 2023, ce qui est « conforme à nos attentes : on savait que les rendements seraient moindres avec la pluviométrie annuelle. » Il a plu de l’emblavement à la récolte, lâche-t-il placidement.
Le colza est la culture d’hiver qui devrait « limiter la casse, toutes proportions gardées », avance prudemment le directeur céréales d’Unéal. Car pour l’heure, ce qui a été battu reste anecdotique. Les rendements devraient avoisiner les 30 à 35 quintaux, contre 37 en 2023, « qui n’était déjà pas une bonne année. » Même son de cloche chez Ducroquet, « surpris en bien », même si « on sait pertinemment que les moyennes ne seront pas bonnes puisque certaines parcelles – noyées – décrochent. »
Quant au blé, Maxime Thuillier n’a plus vraiment envie d’écouter les échos à son sujet remontant du sud de Paris. Il se murmure un rendement à 65 quintaux, un mauvais PS et un bon taux de protéine dilué par le rendement.
Déjà, l’année 2016 se rappelle aux souvenirs, mauvais, on s’entend. Et comme en 2016, « c’est la catastrophe chez nous, alors que les moissons se passent bien ailleurs », rappelle Maxime Thuillier. « On avait fini à des blés payés 140 € aux agriculteurs. Les marchés baissent. Mais on n’en est pas encore là », se reprend-il. En attendant, « on moissonne des marchandises humides. On a déjà démarré deux séchoirs alors qu’on est au début de la collecte : on n’a jamais vu ça ! »
Henri Ducroquet ne s’attend pas non plus à des miracles, et espère simplement « limiter la casse ». « Comme d’habitude, on prendra ce que Dame Nature voudra bien nous donner, philosophe-t-il. On a vocation à s’adapter : on est complètement météo-dépendants ! » L’expert suit les cours jour après jour, heure après heure. « Le marché est baissier depuis quelques mois, avec un pic en juin mais on revient depuis aux prix les plus bas connus depuis un an », résume-t-il, aspirant à ce que les prix, ne s’effritent pas davantage. Depuis un an, le négociant recommande aux agriculteurs de « sécuriser leur revenu et accompagner à la vente sans attendre la récolte. » 40 % ont d’ailleurs opté pour ce choix, gage de davantage de sérénité pour le responsable de l’entreprise. « En décortiquant les prix de revient, les marges à l’hectare étaient plutôt confortables : on a sécurisé cette marge et c’était raisonnable. »
Chez les producteurs biologiques, les mauvaises conditions de semis à l’automne se sont soldées par une baisse des surfaces implantées en région, qu’Hélène Plumart, conseillère en grandes cultures chez Bio en Hauts-de-France, estime, avec des pincettes, entre 5 à 10 %. Puis, la pluie a rendu moins efficace le désherbage mécanique, rendant plus difficile l’accès aux champs et n’évitant pas la repousse de la plantule. Bilan : « Les parcelles sont un peu sales, ce qui va aussi impacter le rendement », regrette Hélène Plumart. Et le double tranchant en bio : le marché est, depuis des mois, en berne. « Déjà cet hiver, on voyait la demande en cultures, notamment en blé, baisser. Le questionnement était double : ce que je mets par rapport au marché, et ce que je mets par rapport aux conditions climatiques. »
En 2023, les prix payés aux producteurs étaient très faibles, poursuit-elle. Le marché des céréales est un peu reparti mais « malheureusement, on note un gros taux de déconversion à hauteur de 3 % des fermes et 7 % des surfaces en Hauts-de-France », souligne Hélène Plumart qui « craint pour l’an prochain, tant que l’équilibre entre offre et demande n’est pas revenu ».
Certains producteurs qui n’ont pu semer à temps ont opté pour des cultures d’été : sarrasin, lentilles, maïs, tournesol, voire soja. Dans tous les cas, la conseillère de Bio en Hauts-de-France rappelle que la diversification des productions et la contractualisation sont à privilégier pour sécuriser au maximum la saison. L’espoir viendra peut-être de l’orge brassicole, un des marchés bio qui se développe et qui, voici un mois, était très beau aux champs, aux dires d’Hélène Plumart. Cela n’empêche que qualité et quantité ne seront pas forcément au rendez-vous.
Louise Tesse