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Cela fait maintenant deux semaines que Béatrice et Éric Casiez ont vendu leur pulvérisateur. Bien plus qu’un symbole, c’est un soulagement pour ce couple en conversion vers le bio depuis le 15 mai, date à laquelle ils ont commencé à conduire leurs cultures selon le cahier des charges de l’agriculture biologique.
« Je n’en avais pas pris conscience auparavant, mais depuis, j’ai l’impression d’être plus zen, reconnaît Éric Casiez. Pour moi, c’était devenu pesant d’aller traiter, je le faisais mécaniquement mais je n’avais plus le goût de cultiver. Maintenant, mon rapport à la culture est différent, ça me repose. » D’autant plus que le couple se sent soutenu par ses proches et amis.
Outre l’abandon des produits phytos, Éric Casiez a dû revoir son assolement. Fini le blé, place aux fourrages. L’éleveur vise l’autonomie alimentaire. « À la place des 16 hectares de blé, j’ai implanté 4 hectares de prairie et 12 d’un mélange de ray-grass et trèfle, illustre-t-il. Pour remplacer le soja présent dans la ration actuelle des vaches, je pourrais acheter du soja bio, mais je préfère m’en passer si j’y arrive. Pour cela, je vais leur donner du méteil. Dès le retour du soleil, je sèmerai 8 ha de triticale et de pois. J’ai également prévu de semer au printemps 8 ha de maïs, en complément. »
Pour le maïs, il n’y aura pas vraiment de surprise, Éric Casiez a déjà conduit la culture en bio cette année. « J’aurai pu encore utiliser des phytos sur le maïs avant le 15 mai, mais je n’en ai pas eu l’envie. J’ai donc essayé de désherber ma parcelle mécaniquement. Je n’ai pas trop mal réussi mais je sais que l’année prochaine, il faudra que je réalise un ou deux faux semis supplémentaires. » Le prolongement d’une démarche engagée depuis plusieurs années pour se passer au maximum du pulvé, en utilisant bineuse, houe et herse étrille.
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Pour le reste, Éric Casiez espère s’appuyer sur les techniciens de la chambre d’agriculture ou de Bio en Hauts-de-France et bénéficier de l’expertise de ses voisins. Seul point noir : le choix plus restreint de variétés et la fourniture des semences bio.
Pour les cultures, c’est tranché et même implanté : toutes les surfaces seront consacrées à l’alimentation des vaches laitières. Mais les agriculteurs ne doivent pas louper leur coup : mi-mai 2021, plus aucun fourrage conventionnel réalisé sur l’exploitation ne doit être présent. C’est la condition pour convertir le troupeau de vaches laitières en bio. « Le but est d’utiliser l’ensilage de maïs et le fourrage récolté cette année, car je peux donner à manger à mes bêtes uniquement des fourrages en deuxième année de conversion, explique l’agriculteur. Pour faire la jointure, j’ai acheté du maïs bio que j’ai conditionné en boudins pour qu’il se conserve. »
L’intensification de l’affouragement en vert n’est pas sans conséquences. L’ensilage de maïs ne prendra plus une part prépondérante dans l’organisation du travail. Il faudra passer davantage de temps à faucher l’herbe. Béatrice et Éric Casiez sont équipés d’une autochargeuse et réalisent déjà ce travail de fauche. Néanmoins, désormais, la surface à récolter sera plus importante. « Mais pas suffisante pour nourrir tout le cheptel, explique Béatrice Casiez. D’autant plus que nous allons perdre une partie de nos surfaces avec l’agrandissement de la zone d’activité de Saint-Pol. Nous allons devoir réduire notre cheptel à une cinquantaine de vaches. »
Cette conversion est un projet qui ne se fait pas sans certaines inquiétudes. Notamment sur le revenu. « On sait que les deux ou trois prochaines années seront compliquées financièrement, déclare l’agricultrice. Heureusement, nous bénéficions d’une aide à la conversion de notre laiterie de 50 €/1 000 litres pour pallier en partie les baisses de volumes livrées.»
D’autres challenges sont à relever : la fréquentation du robot par les vaches. « Nous craignons que sans concentrés pour les appâter, l’utilisation du robot soit obsolète et que cela joue sur la qualité du lait que nous livrerons », avoue Béatrice Casiez. Autre inconnue : l’utilisation des médicaments curatifs qui sera très restreinte. « Nous nous y préparons déjà en réalisant des croisements prim’holstein, montbéliardes et Red Viking, explique Éric Casiez. Pour avoir des vaches plus rustiques. » Bien sûr, ces changements ne se feront pas sans ajustements. Suite au prochain épisode.
Lucie Debuire