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Le 1er mai 2020 est une date clé pour Béatrice et Éric Casiez. Ces agriculteurs, basés à Ostreville (62), vont cocher une case dans leur déclaration PAC, aux conséquences importantes sur le court et moyen terme : celle où ils s’engagent à convertir leurs productions de céréales et de lait en bio. Un changement qui n’est pas anodin dans une carrière. Le couple va donc suivre un parcours de deux ans avant de pouvoir être « bio ».
Pour comprendre la démarche de ce couple, retour en arrière. Installés en 1997 dans le Ternois, Béatrice et Éric Casiez produisent alors 337 000 litres de lait sur 27 hectares. Au fil des années, le couple saisit des occasions et agrandit l’exploitation. L’élevage compte à ce jour une centaine de vaches laitières qui leur procure 1,1 million de litres de lait chaque année. « Nous avons deux robots, explique l’éleveur. Et notre stabulation est en caillebotis intégral. » Environ 55 hectares sont cultivés, dont 40 hectares en surfaces fourragères.
« En une vingtaine d’années, nous avons fait évoluer notre élevage vers un système de plus en plus intensif », constate l’éleveur. C’est ce qui a poussé le couple à revoir sa copie. “Nous réfléchissions depuis longtemps à passer vers un élevage plus extensif, ajoute Éric Casiez. Notre réflexion a abouti sur une conversion en bio. Mais il aurait pu nous mener vers un autre système.”
« À coté de cela, en production végétale, je tends à me passer des produits phyto, ajoute-t-il. D’ailleurs, je désherbe mécaniquement mes maïs depuis dix ans. » Pour cela, Béatrice et Éric Casiez ont investi, avec un voisin, il y a plusieurs années, dans une bineuse. Ils s’appuient également sur le matériel dédié au bio de la Cuma dont ils font partie. Pour les amendements d’engrais, c’est un peu la même chanson : le lisier des vaches suffit, pas besoin d’azote minéral. Pour la conversion au bio de la production végétale, au niveau technique, Éric Casiez ne se fait pas de bile.
Ce qui empêchait ces deux agriculteurs de passer le pas, c’étaient les robots, l’aménagement de la stabulation et la localisation des prairies. « Dans notre cas, les robots se trouvent à l’opposé de la sortie vers les prairies, déclare Éric Casiez. C’est donc assez compliqué de faire sortir les vaches. De plus, les caillebotis ne sont pas autorisés en bio au-delà de 50 % de la surface. »
Qu’importe, le projet du bio trotte dans la tête de ces deux agriculteurs depuis bien trop longtemps. Il y a cinq ans, Éric Casiez, qui fait partie du groupement technique et économique de son Geda, accompagné d’un conseiller de Bio en Hauts-de-France, a fait ses calculs. « En réduisant ma production de lait et en favorisant le pâturage, je me suis rendu compte que mon EBE ne changerait pas, s’exclame l’éleveur. Il y a un an, nous avons refait nos calculs et la superficie en caillebotis de la stabulation correspondait aux normes du cahier des charges. Nous avons donc décidé de nous lancer dans l’élaboration de notre projet. »
Leur conversion passera par une désintensification de la production : réduction drastique du nombre de vaches laitières et alimentation à base de plantes fourragères. « Nous allons réduire notre cheptel à 60 vaches et passer à une production de 8 000 l/vache au lieu de 12 000 actuellement », explique l’éleveur.
Le couple a pour objectif de valoriser le fourrage produit sur la ferme. Il faudra donc modifier la ration des prim’holsteins. En été, elle sera basée sur de l’herbe complémentée avec du méteil en grain au robot. En hiver, l’herbe restera la base de la ration, qu’elle soit enrubannée ou ensilée. Elle sera enrichie, selon les approvisionnements, en maïs, en soja bio, en méteil ou peut-être en pulpes de betteraves bio. « En diminuant la production de lait, j’espère avoir moins de problèmes sanitaires et avoir des vaches laitières en meilleure santé”, avoue l’éleveur.
Il n’y a qu’en fourniture de paille que ce n’est pas encore rodé. « Il faudrait que je trouve un agriculteur bio prêt à échanger sa paille bio contre mon fumier », explique-t-il. Ayant des prairies tout en longueur, il est difficile de faire sortir les vaches. Les éleveurs récoltent donc l’herbe des prairies temporaires pour les apporter à l’auge encore fraîche. Une technique qui sera amplifiée avec le passage au bio.
Tout n’est pas encore défini mais Béatrice et Éric Casiez ont le temps pour tout mettre au clair. Les éleveurs adapteront leurs techniques selon les résultats qu’ils obtiendront. « Nous resterons des agriculteurs bio intensifs », relativise Éric Casiez.
La conversion au bio dure deux ans pour les cultures mais seulement six mois pour l’élevage. « Nous ne livrerons pas de lait en conversion avant l’automne 2021 », annonce-t-il. Cela laisse un peu de temps pour peaufiner leur projet. Mais avant, il faut cocher LA case. La suite au prochain épisode.
Lucie Debuire