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Ils sont encore sous le choc et sidérés. Depuis mercredi 8 mars, les salariés de la sucrerie d’Escaudœuvres entretiennent un brasier et bloquent leur outil de travail. “Rien ne sort. Il y a plus de 40 000 tonnes de sucre dans les silos. À 1 000 euros la tonne…” Mercredi 8 mars, on leur a annoncé que Tereos envisageait de fermer cette usine, dans laquelle le groupe a pourtant investi plus de 60 millions d’euros ces dernières années. “C’est incompréhensible”, souffle un salarié.
C’est pour trouver des réponses que le ministre délégué à l’Industrie, Roland Lescure, s’est rendu à Escaudœuvres lundi 13 mars pour rencontrer les élus du Cambraisis, les organisations syndicales et la direction de Tereos.
Après plus de deux heures de discussions, le ministre est resté sans réponse. “J’ai demandé à la direction de Tereos pourquoi – alors que le marché du sucre est porteur, que la coopérative gagne de l’argent et qu’elle se désendette – elle souhaitait la fermeture de la sucrerie. Ce que je peux dire, c’est que j’ai encore des questions. J’ai même indiqué que je pense qu’elle ferait peut-être là une erreur stratégique”, indique le ministre.
“Je n’ai rien contre le fait qu’une entreprise gagne de l’argent, mais ça ne doit pas se faire au détriment des salariés. Pour moi, ce n’est visiblement pas une histoire de rendement (comme l’a justifié Tereos dans un communiqué, n.d.l.r) mais une histoire que je ne comprends pas et qu’il va falloir m’expliquer“, poursuit Roland Lescure.
Alors que François-Xavier Beauvrit, membre du conseil d’administration de Tereos, a déclaré que la coopérative est “consciente des conséquences humaines du projet” et que le groupe “favorisera le reclassement interne”, pour le ministre “on n’en est pas là pour le moment.”
Pourtant, Tereos a indiqué que des discussions en ce sens seront entamées dès le 20 mars et a ajouté que “depuis 2017, nous constatons une baisse des surfaces et donc des rendements d’environ 25 %”. La coopérative en a profité pour annoncer que 500 millions d’euros seraient investis dans les six autres sucreries des Hauts-de-France du groupe.
Le ministre a pu également discuter avec une dizaine de salariés, venus exprès. Dans les rangs, les yeux sont humides. “Ça a été très violent, la manière dont cela a été annoncé”, raconte l’un d’eux. Pour un autre, au delà de la tristesse, la colère : “Tereos parle de reclassement. Mais reclasser où ? On a nos familles ici. Je ne vais pas dire à ma femme de lâcher son travail parce qu’on doit partir ailleurs ! Sucrier, c’est un métier très particulier. Moi, ça fait dix ans que je fais ça, je suis parti du bas de l’échelle et aujourd’hui je suis contremaître de production. Mais si on est reclassé, ça veut dire quoi ? Devoir réapprendre encore tout autre chose ? Se reconvertir à 38 ans ?”
Enfin, un salarié lâche : “monsieur le président de Tereos n’a même pas eu la politesse de venir…” Le ministre répond : “vous avez remarqué vous aussi ?”
Du côté des planteurs affiliés à la sucrerie d’Escaudœuvres en revanche, l’inquiétude est moindre. Si les betteraviers ont affiché leur soutien vis-à-vis des salariés, notamment en venant samedi 11 mars à l’usine, leur avenir est plus clair que celui des sucriers : “La production des 1 500 planteurs affiliés à Escaudœuvres (près de 18 000 ha) sera réorientée vers trois autres sucreries du groupe : Lillers, Boiry et Origny (Aisne)”, indique Guillaume Wullens, président de la CGB Nord-Pas de Calais.
Seule inquiétude : les pulpes. En effet, “environ 2/3 des planteurs affiliés venaient récupérer des pulpes directement à l’usine”, affirment les salariés. Avec cette réorganisation, cela ne serait plus possible. De plus, Guillaume Wullens regrette la méthode et “ce bout d’histoire qui s’en va”. En effet, la sucrerie d’Escaudœuvres devait/devrait fêter ses 150 ans d’ici quelques semaines.
Eglantine Puel
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