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En cette fin d’été, les allées se colorent derrière les serres des Pépinières de Landas. Sur 1,5 hectare, dont 2 500 m² de serres, le bien nommé Vincent Rosiers et Séverine Slembrouck cultivent depuis 2009 un million de plants chaque année. Bientôt, les deux cogérants, associés au “bureau” comme à la vie, fourniront 60 000 plantes sauvages et vivaces qui s’en iront verdir le village olympique et celui des médias en Seine-Saint-Denis. L’un de leur client a, en effet, remporté l’appel d’offres concernant le lot des “plantes vivaces et graminées”.
À quelques mois de la cérémonie d’ouverture des Jeux, les graines ont – évidemment – déjà germé, et une première livraison en région parisienne aura lieu mi-octobre. D’ici là, les plants – dont les pots sont en partie 100 % biodégradables, c’était un argument de taille – poussent au milieu des vivaces (70 % des cultures de la pépinière) et plantes de saison, des géraniums aux chrysanthèmes en passant par les légumes et les pensées.
Lorsqu’ils ont repris les rênes de l’exploitation voici 14 ans, diplômés de l’école horticole de Lomme et armés d’une solide expérience de huit ans de l’autre côté de la frontière belge, Vincent Rosiers et Séverine Slembrouck ont rapidement fait évoluer l’activité. Dédiée à 100 % à une clientèle de “gros” au départ, elle s’est rapidement équilibrée avec la vente au détail. Le couple emploie désormais quatre salariés à plein temps, auxquels s’ajoutent six saisonniers qui viennent prêter main-forte l’été, et deux ou trois lorsque revient le printemps.
Si l’une est la quatrième génération à produire des plantes vivaces, l’autre est issu d’une famille ouvrière. Tous deux citadins, ils se sont installés dans la campagne orchésienne pour y faire pousser vivaces en tout genre et compagnie, fuyant la pression foncière de la métropole lilloise.
“Il restait une serre sur place, se souvient Vincent Rosiers. On a réaménagé des aires de culture, acheté des serres qu’on a remodernisées.” En 2014, ils rejoignent Horticulteurs et pépiniéristes de France, un groupement de 260 membres qui certifient vendre au minimum 70 % de plants issus de leur production. À Landas, ce taux dépasse les 80-85 %.
Puis en 2019, ils obtiennent la certification HVE (haute valeur environnementale, ndlr), gage de qualité pour la clientèle de “gros” et de plus en plus demandé par les mairies. Cette même année, ils creusent un bassin de récupération des eaux de pluie et deviennent autonomes en la précieuse ressource. Mais les professionnels craignent que 2022 se renouvelle. Tandis que la sécheresse sévissait, “on était tout juste avec un seul bassin“, s’inquiète Vincent Rosiers.
Au bassin de 1 200 m², s’ajoutera en 2024 un second, plus petit, de 500 à 600 m², qui récupérera l’eau des toitures des serres, remises jusqu’à présent dans les fossés l’hiver lorsque les cuves sont pleines. Car le changement climatique se fait bel et bien sentir : “Les périodes d’arrosage sont plus importantes qu’avant, constate le pépiniériste. Cette année en février, il a fallu arroser, ce qui était inconcevable avant.” L’investissement est certes “très cher“, mais il assurera un avenir aux plantes.
Les variétés ont évolué, aussi, en 14 ans. Vincent Rosiers est à l’écoute des demandes des clients, parfois au détriment de certaines plantes. Comme le surfinia, “produit à outrance avant, il est passé de mode aujourd’hui : il attire beaucoup les pucerons, demande beaucoup d’entretien“. L’interdiction d’utiliser des produits phytosanitaires par les collectivités et particuliers a fait pencher la balance et “impacte le choix des plantes“.
Et puis le changement climatique, encore lui, fait migrer certaines variétés qui poussaient jusque-là au sud de la Loire et commence à arriver. “Mais je dis toujours de rester prudent, on n’est pas l’abri d’hivers rigoureux”, avertit-il.
Les deux pépiniéristes voient aussi aujourd’hui arriver “beaucoup de demandes de nouveaux clients“. “Mais pour y répondre, il y a deux freins, cite le gérant. Le foncier et l’emploi.” Car impossible actuellement de s’agrandir, il n’y a point de terres disponibles.
Quant au recrutement, ce vaste sujet, ici aussi on peine à embaucher. La faute, pour Vincent Rosiers, à la méconnaissance du métier. “Les formations se vident, il n’y a presque plus d’apprentis ou de stagiaires.” Un métier passion, hyper saisonnier, décrit-il, “qu’il pleuve, qu’il vente, on travaille à l’extérieur, et si le dimanche la plante a besoin d’être arrosée, on ne va pas la laisser mourir de soif“.
Les professionnels tentent de faciliter les conditions de travail à coups de mécanisation performante. En 2021, ils ont investi dans une machine à rempoter, qui permet d’accélérer la cadence : de 8 000 à 9 000 pots par jour, elle atteint aujourd’hui 5 000 pots à l’heure.
Le métier est varié, argumente encore le pépiniériste : du suivi de culture – distancer les plantes, les tuteurer, les pincer, les ébourgeonner, pour les chrysanthèmes par exemple – à la commercialisation.
Et puis, il est valorisant lorsqu’il fleurit des villages olympiques. Avant cela, Vincent Rosiers et son équipe avaient déjà embelli le nouveau centre d’entraînement du PSG, chuchote-t-on. En Seine-Saint-Denis, le village vivra bien après la cérémonie de clôture des Jeux de Paris. Il se transformera, une fois les sportifs rentrés à domicile, en logements dessinés par des architectes paysagers, entourés de verdure, de plantes mellifères et de carrés potager. Dont une partie proviendra, et on s’en souviendra, des Pépinières de Landas.
Louise Tesse