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Petit gilet ajusté sur un jean, lunettes tachetées sur le nez, Marion Fortoul débarque de sous les serres avec élégance. Elle n’a pas tout perdu de son style parisien et s’en amuse : “J’ai troqué le tailleur contre le tracteur.”
Ce reportage est tiré de notre grand format sur les distributeurs automatiques. À retrouver ici : Distributeurs fermiers, la vente directe sort du casier
“Tu as pris ton café ?”, “Ne reste pas au soleil »… Marion veille sur la quinzaine de salariés et jeunes saisonniers, tout en courant d’un bout à l’autre de l’exploitation qui fourmille… en gardant un œil sur le tracteur, et un doigt sur le portable pour suivre les commandes.
Ancienne RH dans la finance, la jeune femme a gardé son côté “manager” et sa vie à 200 à l’heure en reprenant les 34 hectares de grandes cultures et de choux. Mais, cette fois, ce n’est plus à Paris, c’est à Herlies, et ça change tout.
Sa reprise, en 2017, elle l’a faite avec deux idées en tête : se convertir progressivement au bio et vendre en direct. Citadine dans l’âme et maman débordée, sa principale exigence : que ses produits soient dispos tout le temps. “Comme à Paris ! En fait, j’ai répondu à ma propre demande », indique la jeune femme devant son distributeur installé dans un petit local face à la ferme. Peut-être son plus fidèle collaborateur…
Murs de briques, poutres au plafond, vert bouteille, elle a voulu le lieu chaleureux, comme elle. “Regardez, les hirondelles ont fait leur nid ici », s’amuse-t-elle. Qui a dit qu’une telle machine devrait être forcément aseptisée ? À l’intérieur, près de l’automate, un petit tableau blanc indique le passage de certains clients : “On se dit bonjour, on donne des nouvelles, on demande des produits, on dessine..! », sourit Marion découvrant les mots du jour.
Le contact, pas question pour elle de s’en passer : “Mes clients, je les connais, ils savent que je ne suis jamais loin, ils m’appellent. Certains ont leur petites préférences, alors je leur mets de côté, comme pour ce petit garçon qui ne veut manger que les salades rouges de Marion !” Loin de mettre de la distance, le distributeur, pour elle, est juste un entremetteur.
Et niveau offre, il faut croire que Marion a visé juste. En trois ans, elle est passée d’une soixantaine à près de 150 casiers ! La surface des serres, elle, a triplé pour offrir une plus grande variété maraîchère : courgettes, courges, tomates, salades, radis, navets, poireaux, choux, melons… “On est passés d’un assolement en légumes de 5 à 17 hectares, et j’ai réduit les surfaces en céréales.”
Dernier arrivé au Chant des légumes, un mur de casiers frais, spécialement prévus pour les produits transformés : des kits pour soupe, des carottes râpées, coleslaw, qu’elle commercialise aussi dans la grande distribution.
“Mes clients sont très variés, ça va des ados qui cherchent une petite barquette de tomates cerises pour l’apéro, aux personnes âgées contents de retrouver des légumes avec du goût et ravis de ne plus faire la queue au supermarché. Les plus âgés ont 92 ans. Et enfin, beaucoup de CSP + qui bossent à Lille et sont contents, à 19 heures de pouvoir faire leurs achats rapidement », développe Marion en tapotant sur son portable.
En direct, elle peut savoir quels casiers sont vides pour pouvoir les réalimenter facilement. “C’est un vrai confort, ça m’a permis par exemple samedi dernier, de partir au Touquet avec mes enfants et de confier le remplissage à deux jeunes saisonnières du village !”
Extrêmement présente sur les réseaux sociaux, Facebook notamment, Marion Fourtoul consacre un certain temps à communiquer : “Si l’on me dit, Marion, ta salade à un euro est chère, il est important pour moi de montrer tout le travail, le temps qu’il y a derrière. Je publie beaucoup de photos, de recettes…”
Et le distributeur lui aussi joue son petit rôle pédagogique : “Dans le distributeur, comme ce sont mes légumes, on ne trouvera pas de tomates en décembre, et ça les clients ont fini par le comprendre. Ils attendent impatiemment le mois de juillet pour les savourer. Ici, on réapprend la saisonnalité, c’est hyper important. »
Au delà de l’aspect convivial qu’elle a voulu donner à ses casiers, la jeune cheffe d’entreprise l’avoue aussi, le sans contact peut avoir parfois du bon : “Je suis tombée un jour sur une dame, en pleurs, qui s’est servie au distributeur et qui est repartie très vite. Je suis restée à distance. Le lendemain, elle m’a remerciée de l’avoir laissée faire ses courses seule à ce moment-là.”
Astiqué et désinfecté en permanence par les équipes, le distributeur a aussi passé avec brio l’épreuve du confinement, en rendant les colis disponibles, sans contact physique avec le client. Le Chant des légumes a-t-il aussi connu son petit succès pendant cette période ? “C’était juste surréaliste », indique simplement Marion. Une bonne note de plus sur la partition.
Agathe Villemagne