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Après un bac pro en cuisine de restaurant, Mélodie Lehoucq a choisi d’enchaîner sur une mention complémentaire en desserts de restaurant : un an de plus dans les cuisines du lycée hôtelier international de Lille (LHIL) mais pas un an de perdu. Car la demoiselle vient de passer quelques mois intenses, à se préparer, psychologiquement d’abord, puis techniquement et mentalement, à porter les couleurs de la région au championnat de France du dessert, dont la finale de la 50e édition s’est tenue début avril à Argelès-sur-Mer. Et si elle a terminé 5e dans la catégorie juniors, elle estime avoir tout gagné.
« J’ai toujours voulu faire de la pâtisserie mais ma moyenne n’était pas suffisante au collège et on m’a mise en cuisine, avant que je ne me réoriente », rembobine Mélodie Lehoucq, un peu plus d’un mois après sa sacrée aventure. « Fière » d’avoir désormais des bases en cuisine, ce qu’elle aime plus que tout c’est la pâtisserie. Parce qu’elle est une “bouque à chuc”, comme on dit par ici ; parce qu’elle en aime la minutie, la précision. « Si on se trompe sur les pesées, on se trompe sur toute la recette », explique celle qui dit aussi apprécier « le côté art éphémère : on exprime sa créativité dans quelque chose qui ne durera pas ».
Un peu perfectionniste sur les bords, confesse-t-elle, c’est logiquement que sa professeure l’a forcée à participer au championnat, quand elle s’est contentée d’en inciter quelques autres. Il faut dire que la jeune fille est du genre travailleuse, et ne se plaint pas (tous les jours) de ses levers à 5 heures du matin lorsqu’elle doit rallier Lille depuis Quesnoy-sur-Deûle, « très mal desservie », où elle vit en garde alternée chez sa mère.
Pas impossible que ce rythme, si soutenu soit-il, imprime encore son quotidien l’an prochain si elle se décide à enchaîner sur une ultime année au LHIL qui ouvre une mention complémentaire en pâtisserie boutique. « Comme mon ambition est d’ouvrir un salon de thé, ça pourrait être pas mal », hésite celle qui pense bon « de se spécialiser dans plusieurs choses ».
Et de raconter comment elle est tombée des nues quand sa professeure a pensé à elle pour le championnat, elle qui manque tant de confiance. « Puis je me suis dit que je n’avais rien à perdre et j’y suis allée. Elle m’a dit que j’avais la créativité et la technicité pour réussir. Elle m’a aussi dit que j’étais la seule à pouvoir porter le concours sur mes épaules. » Les premières sélections internes à l’établissement la mènent en finale régionale.
Début février, la jeune pâtissière doit créer un “dessert sélection” à partir des contraintes de l’édition, à savoir pas de gélatine ni de colorant. Elle doit imaginer la recette, la mettre en œuvre puis réaliser le dressage parfait (fois dix assiettes, en trois heures) tout en racontant une histoire.
Celle de Mélodie s’intitule “Escapade maritime” et veut rendre hommage au littoral et à son écosystème. « Les saveurs principales sont le citron de Syracuse, pour son côté fleuri et sucré, l’argousier, baie qui pousse sur nos littoraux et qui apporte son côté acide, le tout contrebalancé par la rondeur du sésame noir », résume la jeune pâtissière qui travaille le tout en crumble, gelée, crémeux, meringue, biscuit pâte à chou et autre opaline histoire de disputer les saveurs aux textures. Et inversement. Un peu d’astuce aussi quand, pour la touche de bleu qui coiffe son dessert, la jeune femme se lance dans un glaçage à la spiruline.
Le 9 février Mélodie Lehoucq se retrouve lauréate régionale devant le jury présidé par le chef doublement étoilé Christophe Dufossé, deux mois plus tard elle s’engage dans la finale nationale. C’est la cheffe Claire Heitzler qui préside cette fois, une vraie rencontre pour la jeune fille qui se méfie des apparences véhiculées par les réseaux sociaux et ne jure que par le réel.
Cette cheffe-là lui a plu, « parce qu’elle porte des valeurs importantes à mes yeux, comme l’écologie. J’aime beaucoup sa démarche, même si je partage moins son univers. » Et la jeune majeure d’expliquer combien elle préfère la pâtisserie traditionnelle et conviviale à la sophistication. « C’est pourquoi je ne cherche pas à être une grande pâtissière mais une bonne pâtissière », nuance-t-elle avec maturité.
Pour la finale nationale, elle aura 4 h 30 mais aussi un commis à sa disposition pour réaliser son dessert mais également un autre, à créer en instantané à partir d’un panier imposé. « Nous devions notamment intégrer un crémeux pistache mais aussi un agrume que je ne connaissais même pas », en tremble encore la jeune nordiste qui finira cinquième. « Derrière les écoles privées. J’étais dans la course. Je n’ai pas à rougir », relativise celle qui a surtout gagné en technique et en confiance.
« Rien que la gestion des émotions mais sur tout le reste aussi, un concours nous fait évoluer beaucoup plus vite », salue celle qui espère voir les portes s’ouvrir plus facilement dans la suite de son tout jeune parcours, en extras ou si elle se lance dans un dernier apprentissage, avant d’aller voir si les citrons sont plus jaunes ailleurs.
Justine Demade Pellorce