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Oui, c’est bien lui le garçonnet à la chevelure orge présent sur l’étiquette de la bière. Aymeric Hubo en rigole d’ailleurs encore : « Un jour, j’ai retrouvé une photo de mon grand-père et moi sur un tracteur. C’était pendant la moisson. Pour lui rendre hommage j’ai décidé d’insérer ce beau souvenir d’enfance sur les étiquettes de ma bière ! »
Il faut dire que l’histoire est belle et inspirante : amoureux des lieux et des paysages verdoyants des Sept Vallées, Aymeric Hubo rêve d’exploiter les 30 hectares de terres de ses grands-parents retraités, Gérard et Jacqueline Alisse. Il s’imagine y faire pousser de l’orge pour fabriquer sa propre bière, directement à la ferme.
Mais avant de se lancer et d’embrasser pleinement l’aventure brassicole, ce père de (bientôt) trois enfants prend le temps de mûrir son projet. Titulaire d’un BTS agricole gestion et maîtrise de l’eau, il travaille cinq ans en tant que chargé d’études dans la conception des châteaux d’eau et apprend le métier de brasseur en expérimentant avec des amis. « Au début, j’ai commencé à faire de la bière avec des copains. On faisait ça dans des seaux. Mais j’avais du mal à brasser en une seule journée. Mon organisation n’était clairement pas au point. Je devais me lever tôt, comme les boulangers ! »
En 2017, le projet se concrétise avec la création d’une microbrasserie artisanale qu’il nomme brasserie du Bois de la Chapelle, en référence au nom d’une de ses parcelles cadastrales, à Torcy, où il cultive six hectares d’orge. Après une campagne de financement participatif réussie (environ 4 000 euros récoltés), il décide de se faire accompagner par plusieurs structures de la région, dont la BGE Côte d’Opale, la Mission locale du Boulonnais et Initiative Ternois Artois 7 Vallées.
Côté commercialisation, la stratégie est une fois encore mûrement réfléchie. Afin de se différencier, Aymeric Hubo décide de ne vendre ses bières qu’en circuits ultra courts (60 km à la ronde maximum). À ce jour, seule une trentaine d’épiceries fines, de cavistes et de magasins fermiers ont ainsi le privilège de pouvoir proposer à leurs clients la Blonde Créquoise, l’Ambrée St Bertulphe, la Blanche de Fruges ou encore l’Antidote, dernière création en date.
En 2019, Aymeric Hubo vend 60 hectolitres de bière, un record pour une deuxième année d’existence. Le jeune brasseur comptait bien réitérer au cours de l’année suivante, mais le covid en a voulu autrement. « 2020 a été une année blanche pour moi. Les gens se sont tournés vers des produits de première nécessité et n’achetaient que des petites bouteilles de 25 cl. En plus les cavistes étaient fermés, donc je n’ai pas pu écouler mes bières… »
Déterminé, Aymeric Hubo décide pourtant d’investir pour automatiser sa production. « Embouteillage, encapsulage, nettoyage des bouteilles : avant 2020 je faisais tout à la main ! Aujourd’hui je suis beaucoup mieux équipé. »
La même année, Aymeric décide de diversifier son activité. Il s’associe avec son oncle, Arnaud, et son père, Vincent, afin de développer une petite activité d’élevage sur la ferme. Une vingtaine de charolaises et de salers pâturent aujourd’hui sur 24 hectares et sont engraissées pendant trois ans. « On travaille avec le collectif du Haut Pays, à Reclinghem, pour la découpe de la viande. Le boucher s’occupe de découper et nous on emballe », précise le jeune homme. Des tournées sont ensuite organisées chez des particuliers dans les secteurs de Lens, Arras et de la Côte d’Opale.
Et Aymeric y trouve son compte : « Les deux activités, la bière et l’élevage sont hyper complémentaires. On vend plus de bières en été. Et l’hiver on s’occupe des bêtes. En plus, on utilise la paille de l’orge pour la litière des vaches ». Les bovins ont même le droit à une friandise toute particulière : « On utilise les résidus du brassage de notre bière, qui s’appelle la drèche, pour nourrir nos bêtes. C’est un cercle vertueux ! »
Si la brasserie du Bois de la Chapelle a bien grandi depuis sa création en 2017, Aymeric ne compte pas s’arrêter en si bon chemin. Au programme de 2024 : la création d’une bière à base de fruits et l’élaboration d’un saucisson fermier. Et pour vendre ses nouveaux produits, pas question de changer de stratégie : « On ambitionne de développer les évènements locaux. J’aimerais que sur chaque marché ou fête locale, on soit présent à la buvette ! »
Comme chaque année au printemps, un évènement réunissant entre 200 et 300 personnes aura d’ailleurs lieu sur la ferme de la vallée de la Créquoise. Des festivités qui devraient réjouir le grand-père d’Aymeric, ancien occupant des lieux, qui s’apprête à souffler ses 90 bougies.
Julien Caron