Votre météo par ville
Pas une antenne à l’horizon, pas la moindre patte. Les locaux de Nutri’Earth, installés au MIN de Lomme (59) sont a priori classiques… Et pourtant, la mission qu’affiche la start-up n’a rien d’ordinaire : il s’agit d’un élevage d’insectes destiné à produire une gamme de poudres alimentaires.
Alors, c’est où Fort-Boyard ? « L’élevage se situe derrière les bureaux », sourit Thomas Dormigny, cofondateur, en glissant dans sa combinaison.
Dans la première pièce, celle de la reproduction, des milliers de petits coléoptères, des ténébrions meuniers, se délectent de carottes bio. « C’est leur friandise, nous récupérons les légumes moches et cassés auprès d’agriculteurs bio du coin », détaille Thomas Dormigny.
Objectif de cette première étape : contrôler les naissances et éviter de se faire envahir. Une femelle pond 900 œufs toutes les trois semaines ! Ce qui est recherché, c’est d’élaborer un aliment à base de ces larves.
Ces dernières, une fois à maturité au bout de trois mois, seront plongées dans de l’eau froide pour être endormies. Puis ébouillantées pour être enfin déshydratées et broyées. Dans l’élevage d’insectes, on ne rigole pas avec le bien-être entomique.
Pour les trois fondateurs de Nutri’Earth, Thomas Dormigny (au milieu sur la photo) grossiste dans l’agroalimentaire, Charles-Antoine Destailleur (à droite), juriste en droit des affaires, et Jérémy Defrize (à gauche), docteur en physiologie des insectes, beaux-frères puis amis, l’insecte est une incroyable bioressource. « Il a une forte valeur nutritionnelle. Il est riche en fer, en calcium et en protéines », illustre Thomas Dormigny.
Mais pas seulement. « Il est aussi capable d’accumuler naturellement des nutriments supplémentaires rares, comme la vitamine D3 nécessaire pour bien vieillir. » Cet élément, qui fait souvent défaut chez les personnes âgées, se trouve dans les abats de poisson et dans l’ensoleillement. Concrètement, c’est cette vitamine qui permet de fixer le calcium sur les os.
D’où l’idée de Nutri’Earth : proposer un aliment sous forme de poudre d’insectes. Ajouté à des produits de grande consommation, il permettrait d’apporter les éléments nécessaires au bien vieillir.
Réservé aux professionnels de l’agroalimentaire, le produit fini occulte le goût, l’odeur et la forme de l’insecte. «On n’est pas dans Koh Lanta », rassure Thomas Dormigny.
En 2017, les trois hommes lancent leur projet et intègrent l’incubateur Euralimentaire. Après deux années de R&D, la start-up maîtrise son procédé naturel qui permet aux insectes d’accumuler les nutriments rares, une étape confidentielle qu’elle protège soigneusement grâce à deux brevets.
Après l’incubation à Euralimentaire, la première levée de fonds d’un million d’euros leur permet de prendre leur envol et de s’installer au MIN de Lomme. Deux études scientifiques sont lancées. À terme, elles doivent rendre compte de l’efficacité de leur aliment sur la santé des consommateurs.
D’ici deux ans, si leurs « business angel » répondent encore à l’appel, les trois hommes espèrent pouvoir installer leur élevage à échelle industrielle, couplé à un data center.
« L’idée, que nous appliquons déjà à CIV France, un hébergeur informatique à Sainghin-en-Mélantois (59), (où est située une partie de l’élevage, ndlr) est de profiter de la chaleur fatale qu’il dégage pour chauffer notre élevage d’insectes », détaille le cofondateur.
Car, si elles ont l’avantage de ne consommer aucune eau, leurs petites bestioles aiment avoir chaud et réclament 26°C constants. “Nous essayons d’avoir un impact environnemental moindre“, souligne Thomas Dormigny.
La première production de l’aliment Nutri’Earth, partira d’ici peu en Suisse. Pour la France, les trois associés attendent l’autorisation de Novel Food qui protège les habitants de l’Union européenne des aliments encore peu connus. Simple formalité, ils en sont persuadés.
Agathe Villemagne