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Alors que les semis de betteraves avaient pris du retard à cause de la pluie, le sujet de l’assemblée annuelle de la Confédération générale des planteurs de betteraves (CGB) du Nord-Pas de Calais était plutôt au réchauffement climatique et ses possibles effets sur la filière à court, moyen et long terme.
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Serge Zaka, agroclimatologue (et chasseur d’orage à ses heures perdues) a ainsi dépeint ce à quoi pourrait ressembler l’agriculture du Nord-Pas de Calais dans quelques décennies.
Premier constat : si la région a souffert de la sécheresse et des canicules de l’été 2022, ce n’est rien comparé au reste de la France, en particulier du Sud.
Il en sera de même dans les prochaines années.
« Si l’on regarde les rendements en blé, par exemple, le Nord-Pas de Calais est l’une des rares régions où il y a une hausse. En comparaison, l’Occitanie n’a eu que des pertes de rendements, sur toutes ses cultures », explique Serge Zaka.
Deuxième constat : il pleut davantage aujourd’hui dans le Nord-Pas de Calais sur une année qu’en 1961.
Mais, « si on regarde la saisonnalité, il pleut de moins en moins l’été ce qui implique des besoins en irrigations plus importants qu’avant dès aujourd’hui et dans le futur ».
Troisième constat : l’hiver, les sols sont saturés en eau mais l’indice hydrique baisse très rapidement l’été et les sols s’assèchent vite.
Conclusion, d’ici 2100, on pourrait potentiellement (si l’on ne fait rien pour ralentir le réchauffement climatique) « avoir le climat actuel de Toulouse, à Lille ».
Autrement dit, « on va vers une méditerranisation du climat en France. Tout remonte ».
Ainsi, dès 2060, « le Nord-Pas de Calais pourrait connaître plus de 20 jours de canicules à plus de 35 °C. Mais encore une fois, en comparaison, le sud de la France pourrait dépasser les 60 jours de canicules… »
Mais quels seront les effets de cette méditerranisation sur l’agriculture dans le Nord-Pas de Calais ? Eh bien, en fonction des cultures, ils ne seront pas les mêmes.
« Pour le blé, par exemple, on constate une très nette augmentation des rendements à partir des années 1960 grâce à la révolution verte. Mais depuis 2000, ça stagne. En effet, les conditions climatiques devraient entraîner une baisse mais le progrès (nouvelles variétés, machines, techniques…) permet de maintenir les rendements, décrit Serge Zaka. Mais ce qui est étonnant, c’est que si l’on fait une projection, le Nord-Pas de Calais devrait connaître une hausse de 5 % des rendements en blé d’ici 2050. En effet, le CO2 (je n’ai pas dit qu’il faut continuer à polluer !) favorise la photosynthèse du blé. Donc, les moissons seront plus précoces. Et étant donné que le blé est une culture d’hiver, dans le Nord-Pas de Calais il sera favorisé car les fortes chaleurs arriveront plus tard. C’est quelque chose qui a pu se vérifier avec la moisson 2022. »
Parallèlement, la betterave connaît une baisse des rendements depuis 2010. Cette baisse devrait se poursuivre jusqu’en 2050 puis stagner. Idem pour la pomme de terre.
Pour la betterave, le nombre de jours au-dessus de sa température optimale de 25,3 °C augmentera.
Il en va de même pour la pomme de terre. Mais sa température optimale étant de 30,6 °C elle sera un peu moins exposée au stress thermique et hydrique qu’impliquent les pics de chaleur.
Il faut ajouter à cela l’augmentation de l’activité des pucerons l’automne, qui sera plus précoce mais qui s’arrêtera aussi l’été car « il fera trop chaud ».
En revanche, « on observe qu’il y aura 23 générations de pucerons par an contre 18 aujourd’hui et qu’en 30 ans on a recensé + 20 % d’espèces de pucerons dans la région, un chiffre qui devrait augmenter ».
« Mais ces cultures ne disparaissent pas ! Le climat dans le Nord-Pas de Calais permettra de les maintenir. Encore une fois, dans d’autres régions de France quand on se projette, certaines cultures disparaissent complètement ! »
Donc, pas de disparitions des cultures traditionnelles du Nord-Pas de Calais, mais de nouvelles opportunités à saisir.
Par exemple, l’agroclimatologue parle d’une filière pistache dans le sud de la France ou d’autres filières à forte valeur ajoutée. Idem pour le Nord avec les vignes mais aussi peut-être la récupération d’autres cultures du sud.
Le fait est que « si la France souhaite rester un leader de l’agriculture mondiale, il faudra changer des choses. Je ne vais pas mentir, mais pour le blé on est “dans la merde” car même si le Nord-Pas de Calais devrait s’en sortir, pour le reste du pays ce ne sera pas le cas. Nous ne serons plus des leaders. Mais ce sont plutôt des pays comme la Russie, l’Allemagne ou la Pologne qui prendront cette place. C’est pourquoi il faut penser à long terme et créer de nouvelles filières. »
Mais l’agroclimatologue reste prudent.
« Si on voulait bien faire, on aurait testé de nouvelles filières sous Chirac, après le premier rapport du Giec. On saurait aujourd’hui ce qui est faisable et on pourrait avancer. On a encore un peu de marge ici. Mais dans le Sud il faut vraiment se lancer car après il sera trop tard. »
Eglantine Puel
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