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Avec le Covid-19 et le confinement, les marchés des matières premières agricoles ont perdu tous leurs repères. État des lieux.
Si les ventes en grandes et moyennes surfaces (GMS) des produits laitiers ont progressé de 18 % pendant le confinement, la fermeture de la restauration hors domicile (RHD) a entraîné une chute de 75 à 80 %. Conséquence : une offre supérieure à la demande et des producteurs contraints de trouver des plans B. C’est le cas, aussi, des producteurs de fromages AOP, dont les ventes se sont écroulées.
Sur les marchés, cette situation a entraîné une baisse du prix du lait de 20 à 30 €/1 000 litres. Le prix repart aujourd’hui légèrement à la hausse. Les cotations du beurre et de la poudre de lait, elles, se stabilisent. « Cette reprise des cours est le résultat de plusieurs facteurs, analyse Gérard You, chef du service conjoncture laitière à l’Institut de l’élevage. La météo sèche et chaude a entraîné un ralentissement de la lactation, d’une part. D’autre part, les réformes de génisses ont été en hausse, réduisant ainsi la production de lait. » À cela s’ajoute l’incitation plus ou moins forte des collecteurs et du Centre national interprofessionnel de l’économie laitière (Cniel) à la réduction de la production, qui a joué sur le marché.
Les marchés se maintiennent en céréales. « Avec le déconfinement et les annonces d’un plan européen de relance, les marchés financiers ont rebondi », analyse Agritel. La sécheresse, qui s’annonce dans l’Est de l’Europe, et les rendements revus à la baisse ne jouent pas encore sur les prix. Il y a peu de demande pour le moment de la part des pays tiers. Toutefois, les exportations d’orge et de blé se poursuivent à un rythme soutenu.
Du côté du colza, les cours sont à la hausse. Le marché du soja est également maintenu avec une importante demande chinoise.
C’est la dégringolade sur le marché du sucre avec une chute de près de 25 %. La tonne de sucre brut est passée de 450 $ il y a deux mois, à 340 $. La Confédération des planteurs de betteraves (CGB) affirme « que les prix n’ont jamais été aussi bas depuis 12 ans. » En cause : les cours de l’éthanol. Entraîné dans la chute du prix du pétrole, l’éthanol ne coûte plus rien aujourd’hui. Alors forcément, les sucreries favorisent la production de sucre. Toutefois, un déficit de production de betteraves dans l’Union européenne est prévu pour cette campagne. « La prime du blanc est toujours à plus de 100 €/t, ce qui est bon signe pour le sucre européen », indique la CGB. Mais la prudence est de mise dans un marché mondial sous pression.
Les cours de la viande bovine se maintiennent malgré une légère baisse des achats de viande en GMS. Si la tendance tend à se tasser, la consommation de viande hachée reste en hausse de 17 %. Une situation qui a tendance à déséquilibrer le marché des autres morceaux. Toutefois, les aides européennes au stockage privé devraient soulager le marché. La réouverture des fast-foods laisse entrevoir une hausse de la demande et donc des cours. Concernant la viande de veau, les opérateurs espèrent que la Pentecôte dynamisera le marché.
En un mois, les cours du porc ont dégringolé de 2,2 %. La demande est affaiblie en France avec la fermeture de la RHD. En réponse, l’activité dans les abattoirs a ralenti et l’offre a diminué de 5,4 %. « Le marché de la charcuterie se maintient malgré les changements de débouchés brutaux, indique l’Institut du porc (Ifip) dans une note du 12 mai. Les achats de cette marchandise en GMS restent soutenus. » Au niveau de l’exportation, le marché européen est bouché et ceux des pays tiers sont instables. Toutefois, on note une forte demande de la Chine, liée à la baisse des exportations américaines en mal de main-d’œuvre. L’Europe pourrait donc se refaire une place dans le jeu du commerce international.
« Les cours des petites filières chair (canard, pintade, poulet de Bresse) sont fortement mis à mal par la fermeture des circuits de la RHD », annonce FranceAgriMer dans sa note d’avril. Face à cette situation, les périodes de vides sanitaires ont été allongées. En poulet de chair, les abattages de début d’année 2020 avaient commencé en baisse. À l’inverse des dindes et canards. Les exportations et importations de ces viandes étaient en recul. La filière œufs a, elle, dû revoir sa stratégie. La demande de la GMS s’est maintenue à un niveau élevé alors qu’en industrie, elle a été fortement réduite. Les exportations semblent pour l’instant peu affectées par la crise du Covid-19. Cependant, la détection de foyers d’influenza H5N8 en Europe centrale, ainsi que les volumes ne trouvant pas de débouchés, sont sources de nombreuses incertitudes pour la suite.
Les cours du mouton sont en hausse alors que l’offre est en baisse avec moins d’importations et moins d’agneaux français disponibles. Les deux premières semaines du ramadan (qui a débuté le 23 avril) ont dynamisé le marché. Toutefois, début mai, les abattages étaient en recul. L’Institut de l’élevage a du mal à analyser la situation : « On s’attendait à ce que certains agneaux surnuméraires soient retenus en fermes pour ne pas alourdir le marché, mais ça ne semble pas être le cas. »
Du côté du lait de chèvre, la collecte repart à la hausse après un repli en avril. Avec le confinement, certains débouchés se sont taris. Les éleveurs ont dû stocker à la ferme ou jeter le lait. Depuis, on constate une timide reprise des fabrications de fromages. Le manque de marchandise entraîne aujourd’hui une envolée des prix.
Lucie Debuire