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Décarboner l’industrie, c’est le double défi – écolonomique si l’on ose – du plan lancé le 8 novembre dernier par Emmanuel Macron, qui visait les « 50 sites les plus émetteurs de France ». Un défi écologique, évidemment, un défi économique également : c’est seulement en parvenant à négocier le virage de la transition que l’industrie française pourra s’assurer un avenir.
Une prise de conscience collective qui n’a pas attendu ce 8 novembre et qui se décline sur le territoire dunkerquois par la constitution, dès 2018, du collectif CO2, récemment renommé « comité décarbonation ». ArcelorMittal « est au cœur du sujet mais fait aussi déjà partie des solutions avec des actions mises en place comme la récupération de la chaleur fatale pour le réseau urbain », rappelle le sous-préfet de l’arrondissement de Dunkerque, Hervé Tourmente. Avec le sidérurgiste, Aluminium Dunkerque, Ferroglobe et Comilog, trois autres industriels du territoire, gros émetteurs eux aussi. À leurs côtés, la chambre de commerce et d’industrie, la communauté urbaine de Dunkerque ou encore le Grand port maritime et l’Ademe.
La nécessité ne fait pas un pli, le terreau existe avec « une collaboration rare » sur le territoire, noteront tour à tour le P.-D.G. d’ArcelorMittal France comme le ministre de l’Industrie, Roland Lescure, en visite lundi 16 janvier. Objectif de sa venue : acter la participation de l’État, à hauteur de 13,6 millions d’euros (un peu plus de 6 millions d’euros sont également fléchés vers l’autre site du géant sidérurgique, à Fos-sur-Mer (13), produisant encore de l’acier et où le projet global de décarbonation est estimé à 300 millions d’euros). Car c’est l’ensemble du processus de fabrication d’acier qu’il s’agit de remettre à plat. « C’est notre responsabilité sociétale », a formulé le P.-D.G. d’ArcelorMittal France, Matthieu Jehl.
« Ce que nous nous apprêtons à faire n’a pas été fait depuis la construction des dernières grandes industries sidérurgiques ou celle des dernières raffineries. » Le P.-D.G. pose l’ampleur de la feuille de route de décarbonation du sidérurgiste. Comme ne manque pas de rappeler le ministre de l’Industrie : « Parmi les 50 sites les plus émetteurs de CO2 en France, ArcelorMittal Dunkerque (Grande-Synthe pour être très précis) est le grand champion ». Et qu’au total sept des 50 plus gros émetteurs se situent dans le Dunkerquois.
Avec une marge de progression énormissime, par rapport aux autres industries, mais aussi par rapport aux autres sites mondiaux du groupe plus avancés dans la décarbonation en raison d’infrastructures plus récentes (notamment les fours électriques, qui viendront remplacer les hauts fourneaux à terme), le site nordiste a logiquement servi de décor au lancement du plan ZIBaC pour « zones industrielles bas carbone ».
Celui-ci, rappelle le gouvernement, « vise à proposer des territoires clé en main pour l’implantation de nouvelles industries décarbonées afin de renforcer l’attractivité du pays » en accompagnant le déploiement, sur les zones sélectionnées, « de l’ensemble des infrastructures nécessaires à la transition écologique de l’industrie : production d’hydrogène, installations de capture de carbone et de transport vers des forages de séquestration souterraine, renforcement des réseaux électriques, mise en place de réseaux de chaleur… »
Une stratégie déjà payante, note le sous-préfet qui rappelle l’installation prochaine de l’usine de fabrication de cellules de batteries bas-carbone Verkor sur le territoire (500 millions d’euros investis, 1 200 emplois directs à l’horizon 2025). Ce lundi, c’est tout symboliquement que le ministre de l’Industrie a donc déclaré « premiers lauréats de l’appel à projet ZIBaC les usines ArcelorMittal de Dunkerque et de Fos-sur-Mer ».
Concrètement pour le site sidérurgique, trois leviers pour réduire l’émission de CO2 qui, comme le rappelle Matthieu Jehl « est un élément de la recette et pas juste la conséquence d’un processus de fabrication. Car le carbone possède un haut potentiel de réduction du minerai de fer. Nous allons donc changer la recette, et modifier les ingrédients mais aussi une partie des casseroles ». En filant ainsi la métaphore culinaire, il affirme que les hauts fourneaux seraient au cœur du problème. Aujourd’hui, sur les trois installations emblématiques, deux sont à l’arrêt. Le dernier devrait tenir jusque 2035-2040, après révision d’usage (un quasi grand carénage), date de la fin annoncée, donc, des hauts fourneaux.
Premier levier : l’adjonction d’acier recyclé dans le processus de fabrication de la fonte qui permet de remplacer grosso modo l’équivalent d’un haut fourneau. C’est 1 million de tonnes de CO2 économisées par an.
Deuzio : alimenter les infrastructures au gaz naturel puis à l’hydrogène et émettre de l’eau (H2O) au lieu du CO2. Pour ça, utiliser une nouvelle recette de fonte et déployer des fours électriques.
Enfin, travailler sur le captage-stockage du CO2 avant de l’enfouir dans la mer du Nord ou de le valoriser en chimie pour la production, par exemple, de combustibles artificiels dits « fiouls verts ». À ce sujet, DMX, un démonstrateur, permet actuellement de tester ce processus de captage puis stockage avant, les études devront suivre, d’imaginer que faire de ce CO2.
L’ensemble des processus et infrastructures visant à réduire les émissions de plus de 50 % devrait être opérationnel pour la fin 2026. L’enveloppe globale a été estimée à 1,4 milliard d’euros et les 13,6 millions annoncés par le ministre lundi 16 janvier visent d’abord à financer les études nécessaires au lancement du chantier pharaonique. Pour que l’État puisse poursuivre ses financements, il faudra encore le feu vert de l’Europe.
Justine Demade Pellorce
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