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À quelques pas de l’Yser, une mare sert de terrain de jeu aux chasseurs de gibier d’eau. Depuis quelques jours, un tuyau l’alimente, puisant l’eau dans la rivière dont le filet se réduit de jour en jour. « C’est un prélèvement illégal, constate Bertrand Warnez, chef du service de l’office français de la biodiversité (OFB) du Nord. Le drame est que l’on perd sur tous les tableaux puisque la grande surface de la mare favorise l’évaporation de l’eau. » La pompe aspire chaque heure 5 m3 depuis plusieurs jours. Or, depuis le 15 juillet, le bassin de l’Yser est placé en alerte renforcée, ce qui interdit ce genre de pratique.
En déplacement à Bambecque (59) mardi 26 juillet, Hervé Tourmente, sous-préfet de l’arrondissement de Dunkerque, constate les bas niveaux du cours d’eau. Le filet d’eau s’écoule à 15 litres par seconde, contre 80 habituellement. « Nous sommes inquiets pour la ressource en eau et le milieu aquatique », alerte-t-il. L’enjeu en période de crise est de maintenir l’eau potable.
L’écoulement de l’Yser est encore visible mais sans davantage de pluviométrie dans les dix jours, une rupture est à craindre. « On n’a jamais vu aussi peu d’eau à cet endroit à cette époque, alarme Bertrand Warnez. On a un niveau exceptionnel et très précoce de fragilité du cours d’eau et du manque de débit. »
Dans un premier temps, des contrôles sont effectués dans un but pédagogique. « Nous sommes dans une phase d’information et de sensibilisation, remarque Bertrand Warnez. Ces contrôles ont vocation à préserver la biodiversité et la ressource en eau. L’usage de l’eau doit être raisonné et raisonnable. »
Dès ce week-end, les agents habilités à effectuer des contrôles verbaliseront. « La sanction sera une contravention de cinquième classe, passible de 1 500 € d’amende, assortie d’une confiscation des moyens mis en place pour prélever l’eau », détaille-t-il.
Le niveau d’alerte renforcée, déclenché le 15 juillet, induit des restrictions pour les usages de l’eau pour tous les acteurs. Arrosage des pelouses, des espaces verts ou des terrains de sport sont interdits de 8 h à 20 h, remplissage des piscines privées et des plans d’eau ainsi que le lavage des voitures en dehors des centres spécialisés sont interdits. Pour les agriculteurs, l’irrigation des cultures est interdite les mardi, jeudi, samedi et dimanche, de 10 h à 19 h. Quant aux plans d’eau – on en compte 17 000 dans le département du Nord – on ne peut les remplir au-delà de 30 %, « ce qui est déjà une certaine souplesse », souligne Antoine Lebel, directeur départemental de la direction des territoires et de la mer du Nord.
En 2019 et 2020, années de sécheresse également, une vingtaine d’agents sur le terrain au quotidien ont ainsi effectué près de 200 contrôles annuels.
Pour l’OFB, un équilibre est à trouver entre les différents intérêts et usages et ce que la rivière peut supporter. « Là, tout ce qui vit dans la rivière est en souffrance », reprend Bertrand Warnez. S’ajoutent une réduction des habitats disponibles et le manque de dilution de la pollution.
« Globalement, les agriculteurs sont respectueux des arrêtés sécheresse, reconnaît Bertrand Warnez. C’est un milieu très organisé, associé en amont à l’information de l’administration. Les irrigants ont pris les réflexes naturels de s’adresser à l’administration pour demander les autorisations. »
Pour Antoine Lebel, une réflexion sur la définition des usages et des cultures prioritaires est toutefois à engager dans les deux ans avec le monde agricole. « On a un niveau de connaissance insuffisant de ce qui est prélevé, explique-t-il. Il y a une hausse d’usage de l’irrigation dans le Nord, notamment pour la culture de la pomme de terre avec plus de 30 % de surfaces supplémentaires. Il ne faut pas oublier les légumes, qui sont aussi une production historiquement régionale. Les pratiques agricoles devront être encadrées pour être équilibrées. »
La situation hydrologique devrait s’aggraver dans les prochaines semaines puisque les modèles météo n’annoncent pas de pluie pour ces 15 prochains jours sur les Hauts-de-France, prévient Agate météo. Depuis le 1er janvier, tous les postes météorologiques – dont Dunkerque – connaissent un déficit pluviométrique parfois supérieur à 40 % par rapport à la normale.
Louise Tesse
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