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En décembre 2023, la MSA du Nord-Pas de Calais, souhaitant adapter l’offre d’actions sociales et sanitaires sur les territoires, commandait une étude au cabinet Exaeco. La question générale : c’est quoi être un jeune en ruralité ?
Cette étude a permis de déterminer quelques grandes préoccupations des jeunes ruraux : améliorer l’accompagnement des victimes de violences et les aider dans leur reconstruction ; lutter contre la reproduction des inégalités de genre ; développer la prévention des troubles de la santé mentale ; requestionner la problématique de la mobilité ; créer de nouveaux cadres d’ouverture sur le monde ou encore sortir des contraintes pour se former selon les envies.
Les acteurs locaux, associations, CCAS, travailleurs sociaux, etc., se sont ainsi penché sur ces préoccupations et se les sont réparties. Objectif : tester, à petite échelle, des solutions pour répondre à ces enjeux, pendant trois mois.
Première préoccupation : celle de l’orientation “par dépit”. En effet, l’étude révèle que bon nombre de jeunes ruraux font des choix d’orientation en fonction de la proximité géographique et non en fonction de leurs envies, talents, passions. C’est Brigitte Catteau, travailleuse sociale à la MSA, sur le territoire des 7 vallées, qui a décidé de s’emparer de ce sujet avec son équipe. “C’est un problème que nous avons constaté sur notre territoire. Avec notre partenaire Familles rurales, nous avons donc imaginé un nouveau parcours d’accompagnement, à destination des 4e-3e“, raconte-t-elle.
Pour la première étape de ce parcours, l’idée était de “travailler sur les envies et talents des jeunes. Pour cela, nous avons imaginé plusieurs temps forts : un escape game, et deux ateliers”.
L’escape game, consistant à résoudre une énigme en découvrant 10 métiers, a eu lieu début avril et a rencontré un vif succès avec “à notre grande surprise, 19 participants”.
Un premier constat s’impose : pour les élèves de 3e, “on arrive un peu tard mais pour les 4e c’est plutôt le bon moment pour se poser ces questions d’orientation”. Deuxième constat, pour l’atelier qui devait suivre, “personne n’est venu et ce malgré des relances auprès des parents et des jeunes… Nous pensons donc que pour le prochain atelier, prévu bientôt, nous demanderons des inscriptions et nous appellerons directement les jeunes”.
Sur le long terme, “l’idée est de réaliser un questionnaire auprès de jeunes dans un collège et d’en faire une restitution en juin afin d’entamer des activités à la rentrée 2024″.
Liée à la première préoccupation, la problématique du manque d’ouverture sur le monde des jeunes ruraux a été choisie par Nicolas Dautreppe, responsable animation de la communauté de communes du Cœur de l’Avesnois.
Le but était de s’appuyer sur les équipements culturels du territoire pour organiser, en projet final, une sortie à Lille. Mais rapidement, le groupe déchante : “On s’est dit que si on voulait toucher le bon public, il fallait qu’on lui parle directement. Donc, nous sommes allés dans des collèges et lycées présenter ce que l’on fait et on a remis un questionnaire aux jeunes pour comprendre pourquoi ils ne nous connaissaient pas.”
Sans grande surprise, la raison est simple : “Nous ne sommes pas sur les bons canaux d’informations ! Les parents nous connaissent parce qu’on est sur Facebook mais les jeunes sont sur TikTok, il faut qu’on s’adapte.”
L’utilisation des réseaux sociaux va également donner du fil à retordre à Yolande Dhalleine, travailleuse sociale à la MSA dans le secteur de Radinghem. “Nous avons décidé de travailler sur la citoyenneté. Pour cela, nous nous sommes rendus au lycée agricole de Radinghem et nous avons discuté avec une classe de Seconde en production agricole, une classe de Terminale STAV (sciences et technologies de l’agronomie et du vivant) et une classe de Terminale SAPAT (services aux personnes et aux territoires). L’idée était qu’ils puissent évoquer des sujets de citoyenneté qui les questionnent puis que l’on décide ensemble de ce qui peut être organisé dans le lycée en rapport avec ces sujets”, décrit Yolande Dhalleine.
La classe de seconde a ainsi d’elle-même parlé d’ouverture sur le monde et de sa volonté d’organiser un voyage scolaire pour découvrir des exploitations agricoles en Europe. “Les SAPAT, exclusivement des filles, ont parlé de l’égalité femmes-hommes et ont pensé monter un collectif pour aller sensibiliser leurs camarades sur la question avec des témoignages de victimes.”
Mais les travailleurs de la MSA ont été surpris par la troisième classe : “Est venu le sujet de “la fierté d’être français”. On a essayé de pousser un peu le questionnement et des propos très durs, flirtant avec le racisme et la xénophobie, ont été prononcés. Quand on leur a demandé d’où ils tenaient les informations qu’ils donnaient, la réponse était univoque : TikTok. Cela nous a confirmé le besoin de travailler sur la citoyenneté, l’éducation aux médias et peut-être aussi, sur la nécessité de rappeler les conséquences de tels propos.”
Cela étant dit, “nous nous sommes aussi aperçus que travailler en classe comme cela facilite la prise de parole, incontestablement. C’est un bon format pour faire parler et donc écouter les jeunes”.
Autre solution testée, par l’association À petits pas : se faire rencontrer des jeunes “jeunes” et des jeunes “moins jeunes”. Autrement dit, “organiser des rencontres entre des jeunes que nous avons aidés il y a quelques années et des jeunes que nous accompagnons actuellement”, explique Cécile Pruvost, animatrice de l’association. Ce projet, prénommé “Si on se donnait rendez-vous dans dix ans”, est en réalité pratiqué par l’association, mais de manière ponctuelle.
“Ces rencontres ont vraiment des impacts sur les jeunes, à différentes échelles. Pour les jeunes “moins jeunes”, cela leur permet de transmettre ce qu’ils ont vécu et de donner des conseils. Pour les jeunes “jeunes”, voir des personnes issues du même territoire qu’eux, qui sont partis au Cambodge, sur l’île de la Réunion, etc., ça les fait sortir de leurs préjugés et ça leur prouve qu’ils ont le pouvoir d’agir mais aussi qu’on a le droit à l’erreur et que les parcours de vie ne sont pas forcément linéaires. Et puis bien sûr, tout cela ruisselle sur les habitants du territoire puisque ces jeunes vont ensuite œuvrer pour ce territoire.”
En conclusion de ces récits, tous s’accordent pour dire “qu’il faut rencontrer les jeunes pour comprendre leurs besoins et surtout pour trouver les bons moyens de communiquer avec eux. Il nous faut aussi du temps. Pour accompagner des jeunes, il faut du temps long, quelques mois ne suffisent pas”.
Eglantine Puel