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Depuis 2015, la journée nationale de lutte contre le harcèlement scolaire se déroule chaque premier jeudi qui suit les vacances de la Toussaint.
Au lendemain de ce jeudi 9 novembre 2023, Sabine Van Heghe, ancienne sénatrice du Pas-de-Calais (PS), qui a mené la mission d’information sur le harcèlement à l’école et le cyberharcèlement, revient sur ce combat.
Elle a été déléguée par le Sénat, tous groupes politiques confondus, et a duré six mois, d’avril à octobre 2021. Nous avons auditionné l’ensemble des acteurs en lien avec le harcèlement scolaire : les parents de victimes, les professeurs, les associations, mais aussi les représentants de la justice, de la police et des réseaux sociaux. Ces six mois ont donné lieu à un rapport dans lequel nous avons dégagé 35 propositions, pragmatiques et facilement applicables, qui ne nécessitent pas de passer par la loi, mais simplement par une décision ministérielle et un processus réglementaire.
Aucune de nos préconisations n’a vu le jour ! Notre rapport a pourtant été remis en main propre au ministre de l’Éducation nationale de l’époque, Jean-Michel Blanquer, puis à son successeur, Pap Ndiaye.
Même les déclarations de Gabriel Attal, à la rentrée dernière, qui sont certes bienvenues, ne font jamais référence ni à notre rapport ni au programme pHARe (un plan global de prévention et de traitement des situations de harcèlement mis en place obligatoirement depuis 2021 dans les écoles et collèges et depuis 2023 dans les lycées, ndlr). On se contente de superposer des « mesurettes » les unes aux autres. Pourquoi ? À quoi notre travail a-t-il servi, alors que 20 jeunes continuent de se suicider chaque année ? Dans les établissements où tout se déroule bien, c’est toujours le fait de l’équipe pédagogique, qui s’est saisie d’elle-même du problème sur la base du volontariat. La lutte contre le harcèlement à l’école doit être le fait de tous. Elle n’est à mon sens pas suffisamment prise au sérieux. Personne ne devrait avoir peur de parler, qu’il s’agisse des enfants ou des chefs d’établissement.
L’une de nos préconisations voulait par exemple exclure le « climat social » de la grille de notation des collèges. Car il arrive que des chefs d’établissement ne disent rien par crainte que leur notation ne baisse. D’autres minimisent, évoquent des « chamailleries » ou ne voient tout simplement pas ce qui se passe. Il faut former les professeurs à la détection des signaux faibles, il faut clairement identifier des ambassadeurs, à qui les enfants pourraient se confier. Soyons clairs : je ne jette surtout pas la pierre aux enseignants, qui sont surchargés. La solution est évidemment de renforcer les effectifs, avec un personnel médico-social, du personnel chargé d’écoute. Toute la chaîne doit être impliquée.
Nous avons eu des drames à déplorer, malheureusement nous ne sommes pas meilleurs qu’ailleurs. J’ai toutefois, à la fin de mon mandat, mis en place une table ronde. Elle est d’ailleurs toujours d’actualité et réunit tous les services de l’État en charge de la question : la police, la gendarmerie et l’Éducation nationale. Nous avons décidé d’un certain nombre de mesures : une lettre d’avertissement aux enfants, une convocation des parents au commissariat – ça marque ! – une expérimentation sur un accueil spécifique en service de police pour les jeunes victimes de harcèlement.
Nous tiendrons prochainement une réunion pour faire le point sur la mise en œuvre de ces mesures. Mais cela montre que localement, on peut aussi décider de prendre le problème à bras-le-corps.
Très peu. Lorsque nous avons auditionné les responsables des réseaux sociaux, nous avons compris que tout était très compliqué. Comment vérifier, comment sanctionner ? Le respect de la vie privée sur internet impose différents obstacles.
L’Union européenne doit s’en mêler afin de contraindre les réseaux sociaux. Dans les textes, ça commence à bouger. Dans les faits, rien ne se passe. Il manque de la volonté et des moyens.
Propos Recueillis Par Marion Lecas
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