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L’antenne lilloise de l’association Linkee, qui lutte contre la précarité et le gaspillage alimentaire, a été créée en janvier 2023. Elle a a très vite rencontré son public : les étudiants. Environ 300 d’entre eux venaient chaque semaine récupérer un panier alimentaire… À la rentrée 2023, ils sont passés à 800.
« Quand je vois les prix dans les supermarchés, je me demande comment les étudiants peuvent s’en sortir sans des associations comme la nôtre », soupire Brice Benazzouz, responsable d’activité pour l’antenne lilloise de l’association Linkee. Si Linkee existe depuis 2016, son antenne lilloise a été créée en janvier 2023. Linkee est « la première association d’aide alimentaire aux étudiants. Nous distribuons des paniers alimentaires à tous les étudiants, sans conditions de ressources, et gratuitement ».
Linkee est également présente en Île-de-France, à Bordeaux, Toulouse, Lyon, et souhaite ouvrir d’autres antennes. C’est aussi 7 000 bénévoles (qui sont des étudiants bénéficiaires) et 1,5 million de repas distribués en 2023.
Mais comment fait Linkee pour que ses paniers soient complètement gratuits ? « Nous récupérons les invendus et surplus des professionnels de l’alimentation. On lutte ainsi également contre le gaspillage alimentaire. Cela va du “petit” commerçant comme une épicerie ou une boulangerie de quartier à des plus gros comme des agriculteurs, coopératives agricoles, supermarchés, industriels… Mais aussi les restaurateurs par exemple. »
Résultat : des paniers de 5 à 7 kg contenant des fruits et légumes bios, de la viande et du poisson, des produits secs (pâtes, riz…), des plats préparés… Le tout, en circuit court. « Chaque panier équivaut à environ 11 repas pour un étudiant seul », avance Brice Benazzouz. « La philosophie derrière tout ça, c’est de retirer la charge mentale aux étudiants de “comment je vais tenir ce mois-ci ?”. »
« On trouve aussi dans les paniers quelques produits d’hygiène. Dans ce cas-là, ce ne sont pas toujours des invendus. Par exemple, à Lille, nous travaillons avec l’association Règles élémentaires qui nous fournit des protections menstruelles. Il y a aussi quelques fournitures scolaires. Cette semaine par exemple, la CPAM Douai-Lille, qui avait fait un grand tri dans ses archives, nous a donné deux palettes de classeurs ! »
Si depuis le début de l’année, Linkee Lille distribuait environ 300 paniers par semaine, « ce chiffre n’a cessé d’augmenter, et même durant l’été, pour atteindre les 800 inscrits dès la première semaine de la rentrée ». La preuve pour Brice Benazzouz de la précarité étudiante grandissante.
D’ailleurs, les chiffres ne mentent pas. Selon une étude sociologique commandée par Linkee (réalisée sur plus de 5 000 étudiants à travers la France), 77 % des étudiants ont un reste à vivre de moins de 100 euros par mois, soit 3,27 euros par jour, 1 étudiant sur 2 a commencé à récupérer des colis alimentaires depuis l’inflation, 1 étudiant sur 5 a envisagé ou envisage d’arrêter ses études en raison de ses difficultés financières.
Des chiffres corroborés par ceux de l’association Cop1, qui lutte elle aussi contre la précarité étudiante. Celle-ci indique que, d’après un sondage, près d’un étudiant sur deux (46 %) a déjà sauté un repas à cause de l’inflation. Selon l’étude de Linkee, 54 % des étudiants sautent des repas pour des raisons financières, contre 43% des étudiants interrogés en 2022.
« C’est bien simple, on a jamais vu autant d’étudiants à nos distributions. On a de nouveaux profils aussi, de personnes dont les parents, jusqu’à présent, pouvaient les aider ou bien dont l’aide était suffisante. Ce n’est plus le cas… Les étudiants ont été les oubliés du Covid, ce sont aussi les oubliés de l’inflation. »
Face à une telle augmentation, les besoins augmentent et pour la première fois, Linkee se demande même si elle ne devra pas refuser des gens. « C’est pourquoi on lance un appel. Nous sommes toujours preneurs de nouveaux partenaires. On fait du sur-mesure : toutes les semaines, tous les mois, quand ils ont… On a des commerçants qui nous appellent une fois de temps en temps, on s’adapte ! »
Par exemple, cet été, Linkee Lille a collaboré avec le lycée horticole de Lomme dont la boutique était fermée et qui avait donc sur les bras « des kilos de fruits et légumes chaque semaine ! Ça n’a duré que pour l’été car la boutique est rouverte. On a aussi travaillé avec Accro, qui propose des alternatives végétales à la viande et chez qui nous nous fournissons de manière quasi hebdomadaire. Mais, même si le don est ponctuel, c’est toujours bon à prendre. »
Pour le moment, Linkee Lille ne réalise qu’une distribution par semaine, le vendredi soir devant Science Po Lille. « Nous aimerions ouvrir un second créneau, indique Brice Benazzouz. Avec, on le sait, le risque de ne pas désengorger la distribution de Sciences Po mais de voir 800 autres étudiants venir au nouveau créneau… » L’antenne lilloise aimerait aussi ouvrir des créneaux à Roubaix et Villeneuve-d’Ascq car « on a déjà la demande ».
Mais le but est de continuer de faire cela dans la bonne humeur. « Le fait que cela soit des étudiants qui distribuent à d’autres étudiants, cela permet aussi de rompre l’isolement de certains d’entre eux. Il y a toujours de la musique, d’autres associations, comme Nightline, Emmaüs connect ou encore la CPAM justement et le Crous. »
Pour le fondateur de Linkee, Julien Meimon, « il y a quelque chose de structurel dans la précarité étudiante, qui a été rendu visible avec le confinement car des étudiants s’y sont retrouvés précipitamment. Avant 2020, nous ne faisions pas de distributions directes aux étudiants. Nous aidions plutôt des personnes isolées. Et c’est quand on a vu des étudiants venir vers nous qu’on a identifié le problème et qu’on a décidé de trouver une solution. Mais maintenant, il est temps que les politiques prennent la mesure de ce fléau. »
Opération braderie
Pour la première fois, Linkee, en partenariat avec la mairie de Lille, était sur la Braderie. Concrètement, du samedi soir au dimanche « très tard dans la nuit », plusieurs dizaines de bénévoles sont allées récupérer les invendus et surplus des restaurateurs. Une opération inédite qui a permis de récolter l’équivalent de 900 paniers soit 9 900 repas qui ont ensuite été distribués dès le lundi.
Eglantine Puel