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Lorsqu’on pousse la porte d’OG Boulangerie à Villeneuve-d’Ascq (59), on pénètre dans une boulangerie pas tout à fait comme les autres. Derrière cette entreprise florissante se cache l’histoire de trois passionnés de pain, rassemblés autour d’un même objectif : proposer une alternative savoureuse et saine aux produits de boulangerie conventionnels. « C’est simple, ici on ne produit que des choses qu’on donnerait à manger à nos enfants ! », explique Pierre Conjaud, l’un des trois associés.
L’idée de cette boulangerie artisanale atypique est née il y a une quinzaine d’années dans l’esprit de Pierre Conjaud. À l’époque, il souffre de problèmes cutanés : des plaques sur le visage qui disparaissent miraculeusement après l’élimination du gluten de son alimentation. « Un jour ma femme m’a dit : “et si tu lançais une boulangerie sans gluten pour aider les personnes qui ont le même problème ?” », se souvient-il. Mais Pierre Conjaud n’est pas boulanger. Qu’à cela ne tienne, il se forme en autodidacte, puis rejoint l’Institut national de boulangerie-pâtisserie, à Rouen, en 2017.
La première pierre est posée. Il cherche un binôme. C’est alors qu’il rencontre Jérôme Roger en 2018, en pleine reconversion professionnelle. Problème : à l’issue de sa formation en boulangerie, Jérôme Roger découvre qu’il est lui-même intolérant au gluten et aux produits laitiers. Un comble pour un boulanger ! Cette contrainte devient cependant une opportunité : ensemble, ils se lancent dans l’élaboration de recettes de pains et de pâtisseries adaptés à leurs besoins, montrant que l’on peut allier santé et gourmandise.
Le duo se transforme en trio avec l’arrivée de Thierry Decoster, qui leur propose de s’installer dans ses locaux à la Ferme du Sens, un pôle de consommation écoresponsable à Villeneuve-d’Ascq. Ce lieu, partagé avec des entreprises comme la Biocoop Saveurs et Saisons ou la Brasserie Moulins d’Ascq, leur offre une vitrine idéale pour développer leur activité.
OG Boulangerie ouvre ses portes en mars 2020, en plein cœur de la pandémie de Covid-19. Contre toute attente, le succès est immédiat. « On ne s’attendait pas à un tel engouement, admet Pierre. On a dû embaucher très vite pour faire face à la demande. » Aujourd’hui, l’entreprise compte sept salariés et la boulangerie a trouvé sa clientèle.
150 à 200 pains sans gluten sont produits chaque jour. Leur particularité ? Tous sont cuits dans des moules ronds, en forme de « O », symbolisant le zéro de « zéro gluten ». Et le fournil est séparé de la boutique par une grande vitre, rendant l’ensemble du déroulé de fabrication visible des clients. « On voulait que les clients voient le fournil et les produits en train d’être confectionnés, explique Pierre Conjaud. La transparence fait partie de l’ADN de notre boulangerie. »
Du mardi au samedi, OG Boulangerie propose une gamme variée : pains aux graines, à la châtaigne, noisette-raisin, et même des pains burger sur commande. Mais ce n’est pas tout. Les pâtisseries, elles aussi, sortent des sentiers battus. Millefeuilles vanille, tartelettes au citron meringué ou au chocolat et à la noisette, choux à la vanille. La boulangerie innove en confectionnant également des spécialités sans gluten ni produits d’origine animale, comme une pâte feuilletée végétale, utilisée pour la confection de croissants et de millefeuilles 100 % végétaliens. Pierre Conjaud se félicite de la popularité croissante de la brioche sans gluten, devenue un incontournable du week-end.
Tous leurs produits sont fabriqués avec des matières premières bio et locales, telles que des fraises bio de Phalempin ou encore de la farine de riz provenant de l’entreprise nordiste Vivien Paille, à Valenciennes. « Chaque année, on utilise environ huit tonnes de farine de riz et six tonnes de farine de sarrasin », détaille Pierre Conjaud.
En termes de distribution, 80 % des ventes se font sur place. Le reste est réparti entre des ventes en magasins, notamment dans les Biocoop de la région, et un partenariat avec le Fournil Bio, également implanté sur le site. Victime de son succès, l’entreprise s’apprête à ouvrir un stand dans les Halles de Wazemmes à Lille, un des marchés les plus populaires du Nord (lire notre édition du 26 juillet).
Les trois associés envisagent à plus long terme de développer le snacking salé, une activité complémentaire qui représente presque la moitié du chiffre d’affaires de beaucoup de boulangeries aujourd’hui (lire notre article en page 4). Cela permettrait à OG Boulangerie de diversifier son offre « tout en s’adaptant aux nouvelles tendances de consommation ».
Selon Pierre Conjaud, cet engouement pour les produits d’OG Boulangerie reflète une évolution des mentalités, en particulier chez les jeunes consommateurs : « On a beaucoup de jeunes, entre 25 et 35 ans. Il y a une vraie préoccupation pour des produits bons pour la santé et surtout végétaux », souligne-t-il. Cette tendance se confirme dans les statistiques : environ 1,5 % de la population française est aujourd’hui atteinte de maladie cœliaque, une pathologie auto-immune et intestinale liée à l’ingestion de gluten. À cela s’ajoutent 15 à 20 % des Français qui se disent sensibles au gluten, souffrant de troubles digestifs ou de fatigue après en avoir consommé, même en petite quantité.
« L’une des raisons de cette intolérance au gluten est l’industrialisation massive de notre alimentation, précise Pierre Conjaud. Depuis les années 50, les méthodes de production du blé ont été modifiées pour obtenir ce que l’on appelle des blés de force, conçus pour avoir une teneur en gluten plus élevée, rendant la pâte plus facile à travailler dans des environnements industriels. » Résultat : un pain plus résistant, mais aussi plus riche en gluten, rendant cette protéine omniprésente dans les produits transformés. « Aujourd’hui, le gluten est partout : même dans des aliments comme les yaourts ou la charcuterie. »
Pour OG Boulangerie, cette prise de conscience représente une occasion unique de se positionner comme un acteur incontournable de la boulangerie alternative. Et comme l’affirme Pierre Conjaud : « C’est seulement le début de notre aventure. Nous sommes en plein développement ! »
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Julien Caron