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« Je suis attaché à la ruralité, prononce Jean-Claude Leroy en guise d’introduction. Mais moi, j’ai des preuves ! », assure-t-il citant ses racines du Haut Pays d’Artois. « L’histoire de mes ancêtres est liée à la terre. Elle vient de la rencontre de deux mondes, celui de la mine (sous terre) et celui des champs (sur et avec la terre). »
Plus encore, le président du conseil départemental se dit profondément attaché au Pas-de-Calais. Ici, les preuves – s’il en fallait – s’affichent sur les murs de son bureau de la rue Ferdinand-Buisson, du maillot sang et or aux paysages tantôt vallonnés, tantôt marins. Elles se lisent aussi dans les yeux de l’homme lorsqu’il évoque son territoire, « un beau département », évidemment, qui en douterait ?
Son attachement à la ruralité, il l’a transformé – fraîchement élu conseiller général de son canton de Lumbres – en Farda, avec Roland Huguet, pour « permettre au monde rural d’avoir un sentiment d’égalité », traduit-il. Participant à la rénovation des mairies, des écoles, du patrimoine, parfois des moulins, ce Fonds d’aménagement rural et de développement agricole voulait donner aux ruraux « les mêmes chances d’accès au savoir, à la culture, au sport, etc. » qu’aux urbains. Dans les couloirs du conseil départemental du Pas-de-Calais, il se murmure qu’on l’appelait “Saint Farda” à une époque…
Parmi les ruraux, il y a ceux qu’il admire particulièrement, peut-être une question de racines, ce sont les éleveurs. Il fut d’ailleurs un ardent défenseur de l’abattoir de Fruges, se souvient-il. « Le Département du Pas-de-Calais a eu un rôle important dans le sauvetage de cet outil au service de l’élevage », applaudit-il avec le recul. Si les relations étaient parfois « franches » avec le syndicalisme agricole, l’élu appréciait être face à « des gens animés par le même amour pour leur pays, leur territoire ».
La chance de la France est d’être le pays de toutes les agricultures. L’alimentation est une arme aujourd’hui, géopolitise-t-il. De politique agricole en politique agricole, on a fini par produire de plus en plus, analyse l’ancien sénateur qui pense aussi qu’une politique agricole se corrige avec le temps. « Il ne faut jamais de brutalité en agriculture », dit celui qui prônait une « sortie en sifflet du système des quotas laitiers par les quantums ».
« Je rencontrais souvent Edgard Pisani qui disait qu’il faudrait reconnaître un jour le droit fondamental des peuples à se nourrir eux-mêmes. Et il avait raison. » Il faut jouer avec le temps pour changer les modèles, dit celui qui a préféré sa fonction de sénateur à celle de député, justement pour le temps et les débats plus longs. Commencer par transformer les esprits, c’est ce qui se fait dans les écoles. « Quand on voit les écoles agricoles, cela donne de l’espoir ! Il faut accompagner les jeunes qui se lancent. »
Quant aux mobilisations agricoles, elles n’ont pas surpris le président du Pas-de-Calais qui estime que l’on a parfois déconsidéré le métier d’agriculteur. On voit aujourd’hui toute son importance. « Le paysan a bien compris que le changement climatique est là. Tourner le dos à la réalité est se préparer à des lendemains difficiles. » Mais les humains ont cette capacité à s’adapter, parie cet optimiste de nature. On ne peut pas nourrir la désespérance. Comment s’adapter ? La réponse est humaine. Le pari à faire est celui de l’intelligence.
Quant aux inondations, le président du Département souhaite en parler « sans stigmatisation ». Oui, le parcellaire a été modifié, oui les sols ont été artificialisés. Mais « chacun doit retenir sa goutte d’eau. Chacun doit prendre sa part ». S’ils ont perdu leur compétence “eau” – « et c’est une erreur » – les Départements ont celle de l’aménagement foncier. « On doit réfléchir avec le monde agricole et travailler sur le parcellaire, cite-t-il. Ce qu’on a vécu se reproduira. Le problème est devant nous. Il faudra bien s’adapter. »
Curer, pomper, dans un premier temps, oui. « Mais cela ne résoudra pas tout, et nous devons expliquer à la population que travailler sur la durabilité de notre système demandera du temps. Et surtout, ne pas stigmatiser les gens », insiste-t-il.
Les yeux de Jean-Claude Leroy se fixent une nouvelle fois sur les murs de son bureau. Les cerfs-volants de Berck flottent derrière deux enfants dont la fillette lui rappelle avec émotion sa propre fille. « Le jour où l’on prend une décision, il faut regarder par là : l’enfance. »
Louise Tesse