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Ils sont une dizaine de candidats à avoir répondu à l’invitation de la section Artois de la FDSEA du Pas-de-Calais mardi 25 juin. Soit la moitié des invités à participer au débat, tous candidats aux législatives sur les 2e, 3e et 11e circonscriptions du département. Dans la cour de sa ferme, à Feuchy, petite commune de la ceinture arrageoise – encore six exploitants agricoles -, où “ce que (s) es grands-parents ont réussi à racheter de terres agricoles d’un côté, le développement urbain leur a grignoté de l’autre“, Vincent Carré, 41 ans, raconte. Son quotidien d’éleveur de vaches laitières qui “ne veu (t) pas vivre comme (s) es parents ou (s) es grands-parents” avant lui. Les contraintes et les normes, le manque de rémunération ou de considération. Jean-Paul Dallene, représentant la FDSEA sur ce secteur, lui souffle encore quelques sujets : le renouvellement des générations et puis, “c’est pas la Scarpe qui passe au fond du jardin ?” On devine la suite.
Sur les huit candidats de la 2e circonscription (Arras), quatre ont répondu présent : Alexandre Cousin (Nouveau Front populaire), Mabrouka Dhifallah (LR), Alban Heusèle (RN) et Agnès Pannier-Runacher (Ensemble). Et dans ce petit groupe, deux interlocuteurs ont les connaissances et un point de vue – naturellement divergent – sur les questions agricoles. Parce que l’une d’elle n’est autre que la ministre déléguée auprès du ministre de l’Agriculture du gouvernement Attal, Agnès Pannier-Runacher, et que l’autre est éleveur de chèvres mais aussi conseiller municipal à Arras et conseiller régional écologiste : Alexandre Cousin.
Au casting encore, pour la 3e circonscription (Lens), la présence de Bruno Clavet (RN), celle de Jacques Duquesne (UDI) et de François Queste (Ensemble). Pour la 11e enfin (Hénin-Carvin), le candidat UDI Dorian Lamy et le RN Christopher Szczwek.
Sur le fond, les animateurs du “débat” distribuent un guide des bonnes pratiques version FDSEA, une vingtaine de pages recensant les revendications avec, en page de garde, un panneau de l’Assemblée nationale… retourné, what else ? Les thèmes sont ensuite égrainés et les candidats qui veulent, ou peuvent le plus souvent, se positionnent.
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Et ça commence par la souveraineté alimentaire : “Il faut les outils et les moyens […] le GNR, les phytos, les semences […]” résume Jean-Paul Dallene qui rappelle combien la France a eu chaud au début de la guerre en Ukraine. “Clauses miroir“, “pas de retraits sans solutions“, entend-on encore avec une pensée particulière pour les endiviers, les betteraviers mais aussi les producteurs de plants de pommes de terre. “C’est pourquoi nous avons investi un milliard d’euros dans la recherche. La production d’endives de l’an prochain pourra en bénéficier“, chiffre la ministre déléguée qui assurera pendant deux heures le service après-vente d’un gouvernement qui devrait avoir volé en éclat dans quinze jours. “Par contre s’agissant du Bonalan (la principale molécule utilisée pour traiter les endives et chicorées), il est acté qu’il contient des polluants éternels et qu’il est un perturbateur endocrinien“, retoque Agnès Pannier-Runacher qui “espère que le comité national (en charge du suivi des phytos, ndlr) soit maintenu quelle que soit l’issue de l’élection“. Le matin même, la signature de la ministre déléguée figurait au bas de la tribune publiée par Le Monde et qui rassemblait plus de 220 noms “demandant qu’un accord de désistement soit passé avant le 30 juin pour faire barrage au RN, le 7 juillet“.
Il est ensuite question de l’agriculture biologique, en crise, dont le candidat écologiste rappelle “le désarroi d’une filière abandonnée”. L’éleveur de chèvres appelle à “une vraie reconnaissance du travail“, à “aller plus vite vers l’abandon des pesticides“. Il place l’agriculture de conservation des sols (ACS) comme l’une des pistes et pose la question des haies et autres pâtures. Ouh là là, doucement l’ami. La candidate LR préfère “une transition progressive pour ne pas faire peur : une transition écologique lente“, explicite-t-elle.
Jean-Paul Dallene, qui ne cessera de réclamer “du pragmatique, pas du dogmatique“, écoute la réponse de la ministre déléguée : “La première chose qui impacte le revenu des agriculteurs est le dérèglement climatique, on ne peut pas attendre“, alerte-t-elle, taclant ceux qui n’ont toujours pas intégré le danger en tournant la tête vers les candidats RN. L’un d’eux évoque les agriculteurs “qui croulent sous les normes” et “qui sont fliqués par des drones” sans proposer de solution, un candidat centriste lance la piste d’un guichet unique : “Ça existe déjà“, lui opposent les autres en chœur. On reparle d’Egalim, “toujours pas assez respectée“. “Il faudrait imposer Egalim, imposer la traçabilité, imposer…“, ânonne la candidate LR.
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PLOA, installation, foncier et compensations, ZAN, eau : les problèmes sont énoncés, les maigres solutions avancées avant que le sujet des retraites n’arrive sur la table. On essaie de comprendre, on n’est pas d’accord avec les calculs quand : “Et tous ceux qui n’ont jamais travaillé là, ils vont la toucher la retraite. Ils ont tout ce qu’il faut et ils nous emmerdent“, lance, à tort, une ex-agricultrice. “Je n’aime pas qu’on tape sur les plus précaires, une bonne partie de la population souffre et ce n’est pas en tapant sur l’autre que ça ira mieux“, tempère Alexandre Cousin. “Assistanat“, ponctue Mabrouka Dhifallah dans son coin.
Un coup de “chien qui se mord la queue” plus tard, Dorian Lamy suggère “qu’aucune retraite ne soit inférieure au SMIC et qu’elles soient indexées à l’inflation.” “Et comment on finance ?“, interroge la ministre déléguée. “Ça, on verra“, balaie-t-il. Comme pour tout le reste, on verra. Si les agriculteurs comme le reste de la population donnent leur vote à l’obscurantisme ou au progrès ; si les promesses arrachées survivent à la fin annoncée du macronisme. On verra.
Justine Demade Pellorce
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Il n’a pas caché sa proximité avec “un autre syndicat agricole“, à savoir la Confédération paysanne, et s’il a répondu présent à l’invitation de la FDSEA, Alexandre Cousin (NFP) a pu regretter que l’invitation à débattre n’aie pas été plus ouverte, en termes d’hôtes. Et il aurait eu raison, s’il avait réellement été question d’un débat. Or l’exercice tenait davantage lieu d’occupation de terrain et de rappel des revendications portées par le syndicat majoritaire à l’issue des mobilisations hivernales. Des tracteurs sur l’autoroute et des panneaux retournés qui avaient conduit à des engagements du Gouvernement que le syndicat ne voudrait pas voir tomber aux oubliettes alors que le pays est à l’arrêt durant une campagne électorale sortie du chapeau et dont l’issue est plus incertaine que jamais.