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« Notre région a la chance d’avoir vu beaucoup de nouveaux brasseurs indépendants s’installer, mais depuis deux ou trois ans, la situation est de plus en plus compliquée. Qu’on travaille bien ou non, des éléments extérieurs pèsent sur nous et 10 % des indépendants envisagent de fermer cette année », pose Julien Macrelle. Le délégué régional du Syndicat national des brasseries indépendantes (SNBI) se défend de catastrophisme et imagine même ce chiffre gonfler par les fermetures non envisagées encore. « C’est vraiment dommage pour un milieu aussi dynamique, où il se passe des choses et où une filière est en jeu avec la volonté de travailler les ingrédients locaux : le houblon, ici dans les Flandres, mais aussi les céréales pour le développement desquelles les brasseurs ont leur rôle à jouer » (et on passe sur la Cité de la bière qui fera mousser le territoire très bientôt, ndlr). En cause, une hausse exorbitante des charges doublée de plusieurs injustices structurelles que le syndicat dénonce plus que jamais.
La hausse du prix du verre d’abord, expliquée par le covid, puis la guerre en Ukraine et la hausse du prix de l’énergie (qui pèse évidemment sur ces petites entreprises mais qu’il est plus compliqué de chiffrer tant la situation peut varier avec des productions allant de 100 hectolitres à 70 000 par an, ndlr) – on connaît la chanson – a conduit au quasi-doublement du coût d’une bouteille, de 30 centimes à 50. Une hausse que les plus jeunes affaires ne peuvent assumer, faute de trésorerie suffisante. « Le SNBI a demandé une médiation avec ces entreprises (verrières, ndlr) il y a un an, et après s’être fait balader de réunion en réunion pendant un an, rien », regrette Julien Macrelle qui évoque la deuxième étape : « Nous en avons appelé à l’État, demandant une aide exceptionnelle pour venir supporter cette hausse aberrante. On parle de la survie d’entreprises. » En contact avec des conseillers de conseillers élyséens, remplacés depuis, les choses étaient au point mort quand les brasseurs indépendants ont décidé d’alerter l’opinion, il y a deux semaines. « Nous avons notamment été poussés par la base au moment où les agriculteurs, et en particulier les viticulteurs, ont obtenu des choses qui nous paraissent difficiles à encaisser alors qu’ils ont déjà beaucoup plus d’avantages que nous, déplore le brasseur installé à Bailleul. Les viticulteurs ont notamment obtenu 230 millions d’euros (80 millions d’aides et 150 millions de prime à l’arrachage, ndlr), nous chiffrons notre aide exceptionnelle à 20 millions. »
Ils sont plus nombreux, certes, mais des différences de traitement nourrissent l’injustice entre les secteurs. « Nous demandons un rééquilibrage », formule Julien Macrelle. Deux points : « La possibilité de servir les boissons sur le site de production avec dispense de licence, comme le font les viticulteurs ou les cidriers, et le rétablissement d’une vraie justice fiscale. » Les producteurs de boissons fermentées doivent s’acquitter d’un droit d’accise, une taxe sur l’alcool qui vient financer en partie les actions de la Sécurité sociale. « Normal », dit le brasseur qui ne comprend pas, toutefois, la différence de coût : « La bière est taxée 13 fois plus que le vin. » Il s’explique : « Le vin est taxé 4 centimes le litre, sachant que le vin tire globalement à 13° d’alcool. Eh bien la bière est taxée à 4 centimes le litre… Par degré d’alcool ! Soit 13 fois plus. » Pour la petite brasserie Bellenaert, ça ferait une différence de 20 000 euros par an, pas négligeable rapporté à un chiffre d’affaires de 300 000 euros.
Une demande d’aide exceptionnelle pour faire face à la crise, comme d’autres ont pu l’obtenir, et l’appel à rééquilibrer, et ainsi rendre plus juste un système à deux vitesses : voilà pour les demandes du SNBI qui a désormais « des interlocuteurs à l’Élysée », relate Julien Macrelle.
Justine Demade Pellorce