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Dans le Nord-Pas de Calais, ils ne sont qu’une poignée à cultiver le safran, une épice aussi appelée “or rouge” notamment en raison de sa couleur et de son prix de vente qui s’élève à plusieurs dizaines de milliers d’euros pour un kilo.
Parmi eux se trouvent les travailleurs de l’établissement et service d’aide par le travail (Esat) Le Jardinet, au Cateau-Cambrésis (59) et l’entreprise adaptée Challenge, basée à Caudry (59).
Ces deux structures font partie de l’association pour adultes et jeunes handicapés du Nord et emploient des personnes qui ont toutes une reconnaissance de travailleurs handicapés.
Leur production a commencé il y a maintenant trois ans. Sur les 10 hectares que possède l’Esat, une partie est vouée à l’activité de maraîchage.
“Un service que nous avons relancé il y a quelques années avec l’objectif de fournir des aliments de qualité aux cuisines centrales, détaille Fabrice Masse, directeur adjoint des deux structures. Mais nous avions encore de la surface, alors nous nous sommes mis à faire des plantes aromatiques, comme de la menthe poivrée, de la mélisse ou encore de la sauge. Et nous avons investi dans 34 000 bulbes de safran que nous avons plantés fin 2020″, détaille le directeur.
Un pari risqué puisque personne n’y connaissait rien dans cette culture qui demande un investissement de plusieurs milliers d’euros.
“Avec le moniteur d’atelier maraîchage et le reste de l’équipe, nous nous sommes renseignés, nous avons lu des articles, regardé des reportages et tutoriels sur le sujet. Chacun a ses petits secrets de fabrication qu’il garde précieusement, et c’est normal. Il a donc fallu procéder à de nombreux essais”, sourit le directeur adjoint.
“On a commencé par faire deux plantations à trois semaines d’écart avec l’espoir de pouvoir étaler la récolte, ça n’a pas marché… Tout a fleuri en même temps. Puis, au moment de la floraison, nous nous sommes rapidement rendu compte que dès que la fleur s’ouvrait, nous n’avions que quelques heures devant nous pour récupérer le stigmate. Pour l’émondage, un travail long et minutieux, nous avons essayé plusieurs techniques : à la main, à la pince à épiler, aux petits ciseaux… Finalement, c’est à la main que cela fonctionne le mieux… Bref, nous avons affiné notre savoir-faire au fur et à mesure. Si nous sommes encore en phase d’apprentissage, nous sommes parvenus à établir notre propre méthode de production de safran”, se réjouit Fabrice Masse.
L’équipe a même fabriqué son séchoir qui sert également aux plantes aromatiques.
Les tâches sont bien réparties entre les deux structures : les travailleurs de l’Esat s’occupent de la plantation, de l’entretien de la culture et de la récolte ; les salariés de Challenge, eux, interviennent après pour l’émondage, le séchage et la commercialisation.
En 2021, sur les milliers de bulbes plantés, 354 grammes de safran ont été récoltés. En 2022, la récolte a été moins bonne, elle s’élève à 192 grammes.
“On ne sait pas l’expliquer, indique le directeur adjoint. On se demande si des lapins ne sont pas venus manger les fleurs. Mais nous avons aussi vu que, de manière générale, la saison avait été moins bonne pour les producteurs de safran. Ce sont les mystères de la nature…”
Un safran que les équipes de l’Esat et de Challenge ont également décidé de faire analyser par un laboratoire spécialisé afin d’en connaître la qualité : “Cela se fait par une méthode qui se base sur trois critères : la couleur, la saveur et l’arôme”, précise Élise Fernez, responsable des activités à Challenge.
Et bonne nouvelle, leur safran se place en catégorie, en d’autres termes, il s’agit d’un safran haut de gamme.
“C’est une fierté pour toute l’équipe”, sourit Élise Fernez. Même si les produits de luxe, ça les connaît puisque, pour l’anecdote, la dentelle de la robe de mariée de Kate Middleton, l’épouse du prince William d’Angleterre, est passée par les mains des salariés de l’entreprise adaptée.
Aujourd’hui, l’équipe en est à l’étape de commercialisation de son produit. “Nous avons décidé de créer notre propre marque, nous venons de déposer le nom, Les fées du Jardinet, à l’Institut national de la propriété intellectuelle (Inpi), indique Fabrice Masse. Nous travaillons sur le packaging et la plaquette commerciale. Puis nous allons aller démarcher les restaurants étoilés et haut de gamme de la région.”
Car pour vendre leur safran, c’est bien la qualité exceptionnelle de son produit que les deux établissements ont décidé de mettre en avant :“C’est notre principal argument de vente. Il n’est pas question de mettre en avant le handicap de nos travailleurs et salariés”, insiste Élise Fernez.
D’ici plusieurs mois, il devrait donc être possible de déguster le safran 100 % made in Cambrésis sur les tables des grands restaurateurs !
Hélène Graffeuille
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