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Attention, le documentaire Les Croquantes, de Tesslye Lopez et Isabelle Mandin, se dévore en 60 petites minutes et une fois le générique passé, difficile de ne pas cogiter. Le film suit le Groupe Femmes, un collectif d’agricultrices né en 2013 quand deux éleveuses se sont rendu compte qu’elles partageaient les mêmes problématiques et difficultés du quotidien et se sont confiées à Émilie Serpossian, l’une des héroïnes du documentaire, voix off et animatrice du Groupe Femmes pendant huit ans au sein du Civam de Loire-Atlantique.
Réunies plusieurs fois par an, ces femmes se forment, apprennent, échangent pendant des journées qui deviennent des moments privilégiés et bienveillants, où la parole se libère. Les caméras des deux documentaristes les ont suivies pendant plus de trois ans, entre 2019 et 2022. D’une première réunion dans laquelle elles abordent la question des règles et de la ménopause ; d’un atelier soudure, à une marche en mars dernier à l’occasion de la Journée internationale des droits des femmes.
Le résultat, réussi et touchant, dresse un constat : aujourd’hui encore, il est difficile d’être une femme en agriculture et l’égalité entre les sexes est encore loin. Le film aborde le sujet par différentes entrées, dont la répartition genrée des tâches : les femmes associées au travail intérieur invisible comme l’administratif, les hommes au travail extérieur visible comme celui des champs. Une des agricultrices s’interroge : « À quel point la répartition des tâches est-elle subie ou choisie ? Et à quel point est-elle reconnue ou non ? »
Le documentaire permet à chacun de mettre des visages sur les difficultés vécues par les agricultrices au quotidien et montre aussi ce que la « force du collectif » peut apporter. « On a évolué ensemble. Il y a eu une montée en compétences des filles, elles ont gagné en confiance et en légitimité », confie Émilie Serpossian.
À l’image d’Élise Williamson, qui s’est lancée en 2017 dans la production de fruits rouges et l’apiculture. « Le collectif nous a permis d’avancer collectivement et il m’a fait avancer individuellement », affirme celle qui l’a intégré en 2019. Pour elle, le documentaire est une véritable réussite : « Mon premier sentiment a été de me dire que le film est réussi d’un point de vue esthétique, il met notre métier en valeur. Il reflète ce qu’il s’est passé dans le groupe. Puis je me suis dit que c’était une première amorce pour réfléchir et faire avancer les choses. »
Depuis la sortie du film en octobre dernier, Émilie Serpossian, Élise Williamson et d’autres agricultrices suivies dans le documentaire participent à un débat après chaque projection. Elles ont déjà réalisé l’exercice une quarantaine de fois aux quatre coins de la France et elles continueront jusqu’à la fin de l’année, en passant par le Nord et le Pas-de-Calais (voir l’encadré ci-dessous).
« Ça nous permet de découvrir d’autres problématiques, comme celles de femmes bergères qui partent en alpage, explique Élise Williamson. Et ça ouvre les discussions avec les habitants, les agriculteurs. » D’autant plus que le public est au rendez-vous. « Jusqu’à présent, on fait des salles pleines, 150, 200 personnes, se réjouit Émilie Serpossian. Et ça fait des petits ! » Des agricultrices, d’ici et d’ailleurs, décident de se réunir, elles aussi, en collectif. Pour rendre à la femme toute la place qu’elle doit avoir dans le monde agricole.
Horaires et lieux à retrouver sur : lesfilmshectornestor.org/Projections-rencontres.
Kévin Saroul
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