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Tout le documentaire, réalisé avec pudeur, justesse et délicatesse par Delphine Prunault, pourrait tenir en une phrase : « L’avancée des droits des agricultrices est une longue marche gagnée à tous petits pas ». Oui, le chemin a été très long pour ces femmes taiseuses et travailleuses qui, jusqu’à une période récente, n’avaient presque que le droit de se taire.
Michou Marcusse, 91 ans se remémore ses quatre années de cohabitation sous le toit de ses beaux-parents « où je n’avais le droit de rien faire, où je servais de bouche-trou » et de cette libération quand elle a repris, avec son mari une métairie abandonnée. Féministe avant l’heure, cette figure emblématique de la FNSEA est l’une de celles qui avec Thérèse Debatisse et Anne-Marie Crolais, ont fait entendre la voix des femmes en agriculture, qui ont repoussé et brisé les carcans de la tradition très patriarcale et souvent machiste du milieu agricole.
Il leur en a fallu du temps pour faire reconnaître le nom d’agricultrice qu’un Bernard Pivot avait du mal à prononcer sur le plateau d’Apostrophe en 1982. Il en a fallu des manifestations pour que soit inscrit dans la loi le statut de conjoint d’exploitation, la retraite complémentaire ou le congé maternité à laquelle elles n’avaient pas droit ! D’ailleurs ce n’est qu’en 2019 qu’elles obtiendront que ce congé soit égal au droit commun : 16 semaines. Ainsi que le confie Anne-Marie Crolais : « Un vieux tracteur de 30 ans était mieux assuré que moi en cas d’accident » . La relève est là.
Il a aussi fallu convaincre les hommes, les maris, les compagnons et les collègues syndiqués masculins qu’elles pouvaient faire aussi bien sinon mieux qu’eux. La présidente de la FNSEA, Christiane Lambert, traduit bien l’état d’esprit dans lequel les femmes doivent se mettre pour prendre leur place : avoir un « tempérament de battante pour casser les codes et le plafond de verre ». Anne-Marie Crolais renchérit : “ Les places ça se gagne. Est-ce qu’on veut gagner ? Un homme ne laissera jamais le pouvoir », glisse-t-elle. Les jeunes générations disent merci aux pionnières qui ont défriché le terrain à Michou Marcusse, à Marie-Paule Méchineau, à Marie-Hélène Tanguy et bien d’autres.
Ce sont ces exemples qui ont réussi à faire passer les agricultrices de l’invisibilité sociale à une reconnaissance pleine et entière de leur statut. Ce sont aussi leurs combats qui ont permis aujourd’hui, aux jeunes générations, de ne pas attendre qu’on leur donne la parole. « Je n’ai pas été empêchée de parler, ni de me former. Mon mari me considère comme son égale », intervient Cécile de Saint-Jan, jeune agricultrice bretonne, qui se bat aussi pour valoriser le métier : ” Quand une fille se présente pour un stage à la ferme, c’est forcément oui ! », rit-elle. Ce documentaire qui ne tombe pas dans le pathos, décortique à travers ces témoignages, les ressorts, les convictions et les batailles qui ont permis d’approcher l’égalité femmes-hommes en agriculture. Le combat n’est pas encore terminé. Mais la relève est là !
Moi agricultrice – Un documentaire de Delphine Prunault – Diffusion mercredi 23 février à 20h30 sur lcp-an. Rediffusion samedi 26 février à 11h00, mercredi 2 mars à 00h30. Replay sur lcp.fr.
Christophe Soulard
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