Votre météo par ville
À 22 ans, Antoine Sénéchal vit sa deuxième vie. Ou quasi. Le jeune homme, originaire de Tincques (62), a hérité de la cardiomyopathie hypertrophique de son père. Sauf que, lui, l’a développée sous une forme sévère.
« J’ai été sous surveillance depuis ma naissance et la maladie s’est déclarée en 2009 », situe le jeune homme.
Dès lors, la paroi intérieure de son cœur commence à s’épaissir. Une maladie dégénérative qui peut mener, dans les cas de formes sévères, à l’obstruction et aux arrêts cardiaques qui vont de pair.
Il est d’abord suivi au centre hospitalier de Lens jusqu’à ses 16 ans, où on lui implantera notamment un défibrillateur. Antoine Sénéchal est ensuite redirigé vers l’institut cœur poumon du CHU de Lille.
« Là, quand ils ont vu mon dossier, ils ont su vers quoi nous nous acheminions », se souvient-il.
À savoir une greffe. Quand les équipes médicales commencent à évoquer le scénario avec lui, Antoine l’accepte très vite ce qui n’est pas toujours le cas.
« Beaucoup ont du mal à se faire à l’idée. Il y a toujours un temps d’explications, puis d’intégration. »
S’ensuivent les examens psychologiques et médicaux. Tout le corps est observé à la loupe. Prises de sang complètes, examens systématiques visent à vérifier qu’il n’y a pas d’autres problèmes à régler avant la greffe.
Pour se donner plus de chances, parce que le traitement antirejet qui suivra affaiblira fortement les défenses immunitaires. Autant dire que les périodes épidémiques, covid en tête, sont des phases très tendues pour les greffés.
Dans le cas d’Antoine Sénéchal, six mois s’écoulent entre la décision de se diriger vers une greffe et son inscription effective sur la liste. Il a alors 17 ans et peut, de fait, bénéficier de la liste pédiatrique. Trois petites semaines plus tard, il est greffé.
« Il me restait alors deux à trois ans d’espérance de vie », raconte le vingtenaire.
Il se souvient du compte à rebours dès l’inscription sur la liste d’attente, de l’espoir à chaque fois que le téléphone sonne.
Sur cette renaissance, avec le cœur d’un autre, pas d’état d’âme pour Antoine. Il va bien, la greffe a pris alors que le rejet est l’un des principaux risques.
Psychologiquement ça va. Physiquement aussi, même s’il doit l’admettre : cette opération, et le traitement antirejet qu’il devra suivre à vie, sont lourds.
« Quand j’étais malade je rêvais d’exploits une fois guéri, de défis, de semi-marathons. » Le jeune greffé doit se rendre à l’évidence, la reprise du sport est plus laborieuse qu’imaginé, il va falloir s’accrocher.
Mais son principal combat désormais, c’est de parler du don d’organes et de tissus humains (peau, cornée), de cellules, ou encore de moelle osseuse.
« Savez-vous où se trouve cette dernière ? », interroge celui qui sait qu’on ignore, comme beaucoup.
« Elle se recueille par simple prise de sang, sur le principe du don de plasma, après un traitement de deux ou trois jours. On peut s’inscrire comme donneur entre 18 et 35 ans et être appelé, une fois maximum, jusqu’à 60 ans en cas de compatibilité avec une personne malade », explique le jeune vice-président de France Adot 62, fédération d’associations qui œuvrent dans chaque département pour informer et sensibiliser à la question.
La moelle osseuse permet de soigner les personnes atteintes de maladies graves du sang comme les leucémies. Un beau bénéfice comparé au coût, encore faut-il le savoir.
C’est toute l’idée de la plantation d’arbres, le 14 mars, à la MFR Rollancourt (62) ou le 31 mars prochain au parc 3M de La Couture (62). Des « arbres de vie » qui symbolisent le cycle continu de l’existence et visent à honorer la mémoire des donneurs et à faire parler du sujet.
Mi-mars, la MFR a reçu le premier label de « MFR ambassadrice du don d’organes » de France et La Couture sera la première « ville ambassadrice » à la fin du mois. « Un panneau sera apposé en entrée de ville, ce qui donnera une belle visibilité au sujet », pense Antoine Sénéchal qui rappelle : « Le taux de refus de don d’organes est de 40 % dans la région, contre 33 % en moyenne au national, alors que lorsqu’on les interroge, les gens ne sont que 22 % à se déclarer opposés. »
Un delta entre la volonté et la prise de décision finale, par les familles, qui se comprend. « Quand on n’en a pas parlé avant, c’est une décision très compliquée à prendre pour un parent », reconnaît Antoine qui précise : « Depuis 2017 on peut s’inscrire sur une liste de refus de don, sinon c’est le consentement présumé qui vaut, c’est-à-dire ce que la famille imagine être la position du potentiel donneur. » D’où l’enjeu de la communication et, dans l’idéal, d’un petit papier explicitant la position vis-à-vis du don glissé avec la carte Vitale. « Si vous êtes donneur, dites-le ! », exhorte le jeune greffé.
Car les équipes ont six heures devant elles pour transplanter l’organe d’une personne en mort cérébrale (suite à une « mort violente » en général : accident, suicide, AVC…). Une course contre la montre qui compte le prélèvement, le transport puis la transplantation. C’est pourquoi chaque minute pèse au moment de la décision. « Un donneur peut permettre à sept personnes de vivre grâce à ses organes », calcule le jeune homme.
Justine Demade Pellorce
Lire aussi : Le monde agricole uni pour une bonne action