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S’il y a bien une visite qu’on redoute ici, c’est celle du virus. Et pour l’instant, toute l’équipe de l’Ehpad d’Avesnes-sur-Helpe (59) peut s’en targuer : il n’a pas frappé. Pour cet établissement rural, dépendant du centre hospitalier de la même ville qui accueille des malades du Covid-19, faire rempart contre cette maladie dévastatrice est la première des missions.
Le virus, qui touche près de 60 % des établissements pour personnes âgées dépendantes en Île-de-France, aurait-il un accès moins direct aux Ehpad des petites villes de province ? « En milieu rural, on n’a pas ce souci de surpopulation et de transports en commun bondés. On utilise tous notre voiture », avance, prudemment, Stéphanie Mahut, infirmière coordinatrice de l’établissement.
Les règles pour faire rempart sont les mêmes, en ville comme à la campagne : « L’équipe s’est posée beaucoup de questions. Les agents ont commencé à flipper lorsqu’ils ont compris que les seuls vecteurs qui pouvaient ramener le virus ici, c’était eux. La marche à suivre est la même que pour tous les citoyens : ils font leurs courses si besoin et rentrent vite chez eux. C’est une histoire de confiance ! », souligne Stéphanie Mahut.
À l’intérieur surtout, il a fallu réorganiser entièrement le service pour s’adapter à la nouvelle donne : « Nous avons la chance d’être en lien étroit avec le centre hospitalier. Nous avons le renfort d’autres services, celui d’addictologie notamment qui a fermé… », précise Cindy Murice-Cambraye, responsable administrative.
« Les gens ont pris peur. Comme partout, nous avons des arrêts maladie, mais avec mes collègues cadres on s’échange des soignants, et on a une équipe sur place qui, à la dernière minute, accepte les modifications de planning », confirme la cadre des infirmières. Des bras supplémentaires sont, c’est clair, nécessaires : pour respecter les mesures d’éloignement, les gestes de soins sont beaucoup plus nombreux, car individualisés.
« Avant le confinement, les repas étaient pris dans les parties communes, alors imaginez bien, ce n’est pas la même chose de servir une table de cinq personnes et distribuer à manger à chacun dans sa chambre !, poursuit la responsable administrative. En plus, la structure du bâtiment est assez mal faite. Il faut parcourir des kilomètres de couloirs, sur deux étages, pour la distribution des repas, en allant très vite pour que ça ne refroidisse pas. On garde aussi les plats au chaud pour aller faire manger ceux qui ne peuvent pas le faire seul. On a donc détaché des gens en horaires de jour pour assurer ce nouveau service. Mais, il ne faut pas se leurrer. Malgré tout ça, la réalité est très compliquée. Les soignants font du nursing, ils sollicitent énormément leur dos. »
Deuxième ennemi dans cet établissement d’accueil en temps de confinement : l’isolement. « La vie en Ehpad, c’est du collectif », assure Stéphanie Mahut. Et pour l’instant, à part le ballet incessant des soignants, c’est morne plaine à Avesnes. « Quelque part, les résidants, qui à l’ordinaire se plaignent de leurs voisins, nous disent que tout ça, cette vie ensemble leur manque ! », s’amuse-t-elle.
Alors pour intégrer un semblant de collectif à cette vie confinée en chambre, les soignants ont aussi des pansements : « On s’adapte, l’après-midi crêpes ou gaufres se fait malgré tout, avec un chariot pour les distribuer. Pour Pâques, les équipes ont décoré un chariot pour donner du chocolat et on organise des lotos-couloir : chacun a sa porte avec un animateur au bout du couloir ! », décrit Cindy Murice-Cambraye.
La page Facebook, elle, a été détournée pour pouvoir partager des photos des aînés, privés de visites, avec les familles. Sur les clichés, les sourires persistent. « Les résidants ne sont finalement pas tellement inquiets pour leur vie, résume Stéphanie Mahut, mais plutôt pour leur quotidien, le maintien des animations. » Le bouclier que forment les soignants n’est pas près de céder.
Agathe Villemagne