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Elle est originaire de Cousolre, au cœur de l’Avesnois, et sillonne la France rurale depuis 2012 pour TF1. Il est né à Pérenchies, dans un bassin ouvrier, et depuis Bonjour Monsieur le maire sur Europe 1 (1959-1974) ou Le petit rapporteur sur TF1 (1975-1976), on ne le présente plus. Mais Céline Blampain et Pierre Bonte n’ont pas que le Nord et le journalisme en commun.
Tous deux partagent la même obsession : prendre la défense de « Ces petits villages qu’on assassine ». C’est le titre de leur livre, paru le 5 mars aux éditions Le Passeur. « Un cri d’alarme pour toutes ces petites communes forcées à fusionner, explique Céline Blampain. On a l’impression que personne ne prend la parole pour défendre tous ces territoires abandonnés par la classe politique… »
Les deux auteurs l’affirment : ils n’ont rien contre les fusions de communes en soi… « Quand elles sont souhaitées par la population », insiste la jeune journaliste. C’est l’un de ces mariages forcés qui a provoqué la rencontre des deux nordistes d’origine.
En 2016, Céline Blampain fait un reportage sur la fusion – imposée – de 13 communes rurales dans l’Yonne. « Un immense gâchis : concentration de l’activité dans les bourgs principaux, régression de l’accès aux services publics, pression sur des élus qui étaient contre le projet… J’ai envoyé une tribune au Monde pour exprimer ma colère. »
Sa complainte paraît sur le site du journal le 26 janvier. À l’autre bout de la souris, Pierre Bonte se retrouve dans le texte. « Il m’a dit que malgré notre différence d’âge, il aurait pu en écrire chaque mot », confie Céline Blampain, 32 printemps, quand son coauteur en compte 87. « Nous avons la même sensibilité des gens du Nord, qui est aussi une forme d’humanité », opine Pierre Bonte. Ils se rencontrent, gardent contact et, en 2018, dessinent le projet d’un livre.
Avant de donner une série d’exemples sur la vivacité dont font preuve les communes de France pour se réinventer, le duo s’emploie dans la première partie de son livre à démonter la croyance selon laquelle concentrer les communes génère des économies.
En toile de fond de ces décisions, sans surprise : la politique d’austérité et la baisse considérable des dotations de l’État aux communes. « On nous dit que la concentration fait faire des économies, s’emporte Céline Blampain. C’est faux. Les communes rurales ne coûtent pas plus cher que des entités urbaines. Car leur principale ressource, c’est un bénévolat qui n’est jamais chiffré. Il faut payer beaucoup de fonctionnaires pour remplacer tous ces bénévoles. La fusion des régions, par exemple, n’a à ce jour pas fait ses preuves en matière d’économies. »
Selon un rapport de la Cour des comptes paru en septembre 2019, celle-ci aurait en effet coûté 200 millions d’euros au lieu des 10 milliards d’économies visés. L’enquêtrice cite également une étude de la DGCL parue en 2017. Celle-ci prouve que le nombre d’agents des communes pour 100 habitants passe de 0,6 dans les communes de 200 à 500 habitants (en équivalent temps plein) à 2,1 dans celles de 20 000 à 100 000 habitants.
« Ceux qui nous gouvernent ne connaissent pas le monde rural, analyse Pierre Bonte, grand témoin de la désertification des campagnes. Ils sont nés en ville, ont été élevés hors sol, et n’ont de la campagne qu’une expérience de vacanciers. La politique générale est de considérer que l’urbanisation est un phénomène inéluctable et qu’il faut donc la favoriser. Ils n’ont pas compris qu’ils étaient en train de dévitaliser la France rurale. Ils se sont laissés convaincre par les têtes pensantes de l’administration que les 3 000 communes de France sont un vestige d’une époque révolue. »
Et pourtant… « De la famille à la nation, il y a différents échelons d’appartenance. La commune est l’un des maillons les plus forts de cette chaîne. »
« On utilise souvent l’Allemagne pour faire passer l’idée que les communes françaises sont trop nombreuses, reprend sa consœur. Mais Outre-Rhin, l’État est fédéral et les régions ont un vrai pouvoir. En France, l’État centralise tout. Les communes sont des contre-pouvoirs. Si vous supprimez cette démocratie de proximité, vous renforcez l’État au détriment des citoyens. C’est un pas en avant vers un sentiment de confiscation du pouvoir. Et quand la population ne se sent plus écoutée, la commune est le dernier rempart contre le populisme. »
Lucie De Gusseme