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La coursive est lumineuse et apaisante. Laya et Voyou, deux chats, parcourent à pas de velours les différentes pièces composant l’ancien corps de ferme. Une salle de détente, une salle informatique ou encore une pièce dédiée aux activités artistiques ont pris leur quartier dans l’ancien corps de la ferme Sénéchal.
À Vieille-Chapelle, dans le Pas-de-Calais, cette exploitation agricole a été transformée en centre d’accueil de jour pour les personnes autistes. Une prouesse réalisée main dans la main avec le maire de la commune, Jean-Michel Desse, et l’association Sourire d’autistes, présidée par Geneviève Serrure.
Un projet rendu possible grâce à Georges Sénéchal, qui a légué à la commune sa ferme à son décès en 2007. Le donateur de 103 ans avait toutefois posé une condition : que celle-ci devienne une œuvre sociale. Après plusieurs années de travaux, le pari est aujourd’hui réussi.
La ferme Sénéchal est ainsi devenue une « plateforme expérimentale d’accompagnement coordonné », comme le définit Geneviève Serrure. La maison accueille depuis le mois d’octobre, de jour, en dehors du circuit médical conventionnel et à tour de rôle, une quarantaine de jeunes adultes atteints du spectre de l’autisme.
Un lieu alternatif imaginé par la présidente de l’association : « Lorsque ma fille Florine a eu 20 ans, son parcours au sein de l’institut médico-éducatif (IME) s’est arrêté comme pour tout jeune autiste à cet âge. Après, il n’y a plus rien. Pour continuer malgré tout l’accompagnement, les jeunes adultes sont placés dans des foyers d’accueil médicalisés (FME). Mais ces structures ne conviennent pas à tout le monde et les places manquent. »
Geneviève et son mari se mettent en quête d’un endroit plus inclusif et à l’écoute des besoins des personnes autistes. « Nous avons décidé de créer notre propre solution, poursuit Geneviève Serrure. C’est-à-dire proposer un lieu où l’on puisse favoriser l’autonomie et l’épanouissement. Faire en sorte que ces jeunes puissent s’intégrer activement dans la société. »
En 2008, une réunion publique est organisée à Vieille-Chapelle pour élire le projet social qui permettrait de réaliser la promesse du défunt. Après un vote, l’association Sourires d’autistes est retenue.
En état de délabrement avancé, la ferme doit être entièrement réhabilitée avant d’accueillir ce projet. Sur les photos exposées dans l’ancienne grange, la végétation est telle qu’on ne distingue plus les murs de la ferme. « Un arbre avait poussé à l’intérieur de ce qui ressemblait au salon », glisse l’édile.
Un travail titanesque, en trois phases, s’étalera sur près de sept ans. « La toiture a été refaite, détaille Jean-Michel Desse, mais aussi les jointements des briques externes et internes, les huisseries, les portes charretières. »
Entre-temps, la ferme Sénéchal a été labellisée Fondation du patrimoine dans les années 2010 puis retenue dans le loto du patrimoine huit ans plus tard. « Depuis 18 mois, la dernière phase des travaux concerne essentiellement l’aménagement intérieur et extérieur de la ferme », ajoute le maire. Au total, 2,2 millions d’euros ont été engagés, majoritairement financés par des subventions de la Région, du Département et de la Communauté d’agglomération de Béthune-Bruay, Artois-Lys Romane.
Aujourd’hui, la Maison des autistes dispose de « quatre coordinateurs de parcours », dont un psychologue et une infirmière, pour accompagner les jeunes adultes, dès l’âge de 16 ans. Grâce à de nombreuses activités artistiques et pratiques : apprendre à bricoler, cuisiner, s’occuper de son chez soi, à fréquenter une piscine, à connaître Pôle emploi… les jeunes autistes développent des compétences qu’ils pourront transposer plus tard dans leur vie en société.
Si le but est de les intégrer dans des « espaces de droits communs », « la société doit aussi venir vers eux ». À ce titre, Geneviève Serrure a plusieurs projets pour la ferme. Dès le mois de mars, la Maison des autistes va rentrer dans un modèle d’économie sociale et solidaire (ESS). « Nous allons mettre en location la grange pour des réunions de travail d’entreprise, par exemple. Nous avons également aménagé un gîte pour six personnes et un espace de coworking », poursuit la présidente. Et sur les deux hectares légués en même temps que le corps de ferme, trois pavillons pourront loger 18 personnes d’ici 2023.
De quoi soulager des parents qui n’ont souvent pas d’autre solution que de placer leurs enfants en Belgique. « Dans le secteur, à part les services d’accompagnement médico-social pour adultes handicapés, il n’y a pas grand-chose. »
Laurène Fertin
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