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« Vous avez besoin de légumes, ils ont besoin de travail. » C’est sur ce constat on ne peut plus terre à terre que s’est bâti le réseau Cocagne. Depuis 30 ans, il implante des fermes maraîchères bio en insertion à travers la France. Petit dernier de la famille, celui de Sin-le-Noble (59), géré par l’Alefpa (Association laïque pour l’éducation, la formation, la prévention et l’autonomie), s’est installé sur une zone en transition de la banlieue de Douai, l’écoquartier du Raquet, en mai 2019.
Ici, les tunnels de tomates anciennes côtoient le plus grand boulodrome d’Europe, la maison du développement durable et un centre aquatique sur une surface de 144 hectares en plein boom. Bientôt les rejoindront de nombreux logements collectifs.
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Si les artichauts, rhubarbe et oignons poussent sur cette parcelle agricole de près de cinq hectares certifiée bio, c’est bien la croissance des jardiniers qui est la plus impressionnante. « Ils sont 20 aujourd’hui, détaille David Greber, chef de culture. Ils étaient 13 l’année dernière. » Des hommes et des femmes de 18 à 60 ans qui retrouvent le chemin de l’emploi en travaillant la terre. Longtemps éloignés du monde du travail et en situation de précarité, ils resteront ici avant de s’envoler vers un nouvel emploi. Le temps de bâtir un projet professionnel, de reconstruire une dignité parfois écorchée… et de se faire les bras !
« En ce moment, on est très occupés à désherber », lance le chef d’exploitation, certification bio oblige. « Nous avons aussi mis des bâches et du paillage pour gérer l’enherbement, mais le travail manuel est malgré tout indispensable. » Sous les filets, les carottes tentent de résister aux nuisibles. Les tunnels, bricolés à partir de gaines électriques par le MacGyver de l’équipe servent, eux, à résister au petit gibier gourmand… « mais aussi aux animaux à deux pattes ! », sourit Jean-Louis Poillion, directeur et fondateur du Jardin de Cocagne. Ces légumes sont des biens précieux.
Alors que la valorisation de la production se développe (une centaine de paniers est vendue chaque semaine dont 20 paniers solidaires), la nécessité d’un lieu de stockage et de vente se fait grandissante. De même qu’un vestiaire ou une salle de pause font défaut. Mais plus pour très longtemps car, d’ici une grosse année, un bâtiment flambant neuf poussera face aux terres cultivées. Il comprendra également une salle de réunion et espace de vente… Au-delà des classiques fonctions de bâtiment agricoles, cet espace de 120 m2 deviendra surtout un tiers-lieu dédié à l’alimentation.
Cette place à vivre(s) pourra accueillir des habitants du secteur, dont les familles bénéficiaires des paniers solidaires (financés par les Jardins de Cocagne et le CCAS de la commune) pour participer à des ateliers. « Ce lieu sera adapté pour faire des ateliers de la terre à l’assiette, indique Jean-Louis Poillion, les participants pourront mettre les mains dans la terre, découvrir comment les légumes poussent, mais aussi les récolter et les cuisiner. Il est urgent de réapprendre à bien manger. »
Ce projet d’envergure est largement soutenu par France relance, dans le cadre de son plan de soutien aux associations de lutte contre la pauvreté, à hauteur de 317 000 €. « Ce projet répond au besoin d’aide alimentaire via les paniers solidaires proposés à moindre coût aux familles en difficulté, mais il va plus loin dans la lutte contre la pauvreté, car il aide aussi à retrouver le chemin vers l’emploi. Il véhicule des valeurs très profondes, celle du travail de la terre, de la fierté de récolter ce qu’on a semé. Ce bâtiment va être un puissant accélérateur de développement pour vendre plus de produits et développer plus d’emplois », détaille Rodolphe Dumoulin, commissaire à la lutte contre la pauvreté auprès du préfet régional.
Objectif : produire 350 paniers à terme. La communauté d’agglomération du Douai a annoncé, elle aussi, qu’elle participerait au projet avec un soutien de près de 90 000 €. C’est à elle qu’adviendra également la délicate tâche de baptiser ce nouveau lieu. Bouillon de cultures ?
Agathe Villemagne