Votre météo par ville
“C’est un sujet dont peu d’agriculteurs mesurent l’importance, résume Jacques Blarel, de la chambre d’agriculture du Nord-Pas de Calais. Et pourtant…!” Vendredi 13 août, lors d’un webinaire organisé par la chambre d’agriculture des Hauts-de-France, le ton n’était pas alarmiste, mais presque.
Sujet du jour : le futur Sdage (Schéma directeur d’aménagement et de gestion des eaux) 2022-2027 du bassin Artois-Picardie, soumis à consultation publique depuis avril et jusqu’au 1er septembre.
Pour donner votre avis sur le prochain Sdage, rendez-vous avant le 31 août, date de la clôture de l’enquête publique, sur www.registre-numerique.fr/agissonspourleau/deposer-son-observation. Une liste d’arguments est disponible sur le site de la chambre d’agriculture des Hauts-de-France. Ne pas oublier d’écrire dans votre avis si vous êtes favorable ou défavorable, pour éviter qu’il ne soit classé dans le mauvais registre.
Document de planification qui vise à répartir équitablement la ressource en eau d’un bassin, le Sdage, propre à chaque Agence de l’eau, est actualisé tous les six ans. Celui qui est en cours de rédaction sera approuvé fin 2021 pour une application début 2022.
“Il est primordial que la profession s’intéresse à ce document souverain”, insiste Jacques Blarel. Car, sans surprise, les préoccupations du monde agricole ne coulent pas de source pour les instances de gestion de l’eau. “Les chambres d’agriculture ont émis un avis défavorable au projet de Sdage en cours et ont formulé un avis différent, poursuit Jacques Blarel. Si ces remarques sont appuyées lors de la consultation publique, on espère que ça permettra de modifier le contenu du Sdage…”
Parmi les mesures qui laissent la chambre perplexe, l’obligation, concernant les réseaux de drainage, de réaliser une expérimentation des dispositifs d’exutoire pour tous les projets, les nouveaux comme les renouvellements. “C’est très contraignant, estime Jacques Blarel, nous demandons que cela se limite aux nouveaux projets, et pas aux renouvellements.”
Le futur schéma imposerait à une personne ayant un projet sur une zone humide, qu’il ne peut pas contourner, de la restaurer ailleurs à hauteur de 150 % de la zone perdue. “Si on doit aller dans un Sdage voisin, la surface monte à 200 %. Dans tous les autres cas : 300 % minimum. Il nous paraît impossible de respecter ces contraintes, alors qu’aujourd’hui la loi sur la biodiversité de 2016 prévoit déjà une obligation de résultat mais pas de moyens. Une dérogation est, par ailleurs, prévue pour les bâtiments d’élevage et des annexes. Notre souhait serait de l’étendre aux activités d’horticulture et de maraîchage.”
Autre point important : les captages prioritaires. Les collectivités doivent engager des opérations de reconquête de la qualité de l’eau (Orque) et des programmes d’actions suite à des diagnostics multipressions. Si elles ne le font pas, des ZSCE (zones soumises à contraintes environnementales) seront mises en place en 2024. “La profession partage la nécessité de protéger les captages, rappelle Jacques Blarel. Elle soutient les démarches de protection basées sur le volontariat. Mais les agriculteurs ne doivent pas supporter le manque de mobilisation de certaines collectivités !”
Autre disposition du futur Sdage : la définition de volumes disponibles par usage. Agriculture, industrie, eau potable… “Cela nous gêne, car en parallèle, l’Agence a engagé une étude pour définir les territoires en tension vis-à-vis des ressources en eau, qui va préciser sur quels territoires à moyen terme on devra partager la ressource en eau.”
Sans surprise, la zone autour de Lille aurait des problèmes de quantité d’eau à court terme. Mais un certain nombre d’autres territoires sont aussi concernés. “Au final, la moitié du bassin Artois-Picardie serait en tension à moyen terme. Si la ressource est inférieure au besoin, serait mis en place un programme de gestion des prélèvements. Nous proposions de ne pas mettre de Sdage là où il n’y a pas de problème de quantité d’eau. Le document voudrait aussi limiter la durée de vie des autorisations de prélèvement d’eau. Là encore, nous voudrions modifier ce point et faire admettre que la durée de l’autorisation couvre au moins celle de l’amortissement des frais avancés pour mettre en œuvre le forage en question.”
À lire aussi notre grand format sur le sujet :
Sécheresse : que faire quand l’eau se tarit ?
“Ici, reprend Bruno Haas, de la commission environnement et climat de la chambre d’agriculture régionale, la seule réponse à la préservation de l’eau est de limiter les prélèvements dans la nappe. Mais les enjeux sont importants et les solutions multiples. En Israël, par exemple, l’eau a plusieurs vies : 80 % de l’eau qui irrigue les champs est de l’eau potable qui a été utilisée puis recyclée dans l’agriculture… En France, nous avons des géants du traitement de l’eau. On doit bien être capable de la traiter pour pouvoir la réutiliser…”
“L’agriculture est vue comme la seule activité qui fait fuir de l’eau, conclut Laurent Poinsot, de la chambre d’agriculture de l’Aisne. C’est un vrai combat de communication. Car l’eau, on la retrouve dans nos productions ! Partout où on est en tension, il faut qu’on travaille à la résilience. Mais partout ailleurs, le problème n’est pas la carence, c’est un problème d’excès non régulés !”
Lucie De Gusseme