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En un mot : le « ras-le-bol ». Voilà pourquoi huit cents agriculteurs et cinq cents tracteurs, ont manifesté, mardi 22 février à Lille. « France veux-tu encore de tes paysans ? », pouvait-on lire, entre autres, sur les banderoles. Les motifs de mécontentements sont nombreux et connus : ils portent les noms de PAC (politique agricole commune) de ZNT (zone de non-traitement) tout ce que les agriculteurs dénoncent sous l’expression « sur-administration de l’agriculture » . En clair, ils veulent qu’on les laisse travailler comme ils l’entendent sans avoir l’impression que l’État leur met des bâtons dans les roues à tout bout de champ. Le tout dans un contexte économique rendu compliqué par la hausse des coûts de production : engrais, alimentation, électricité, salaires… et une stagnation, au mieux, des prix payés aux producteurs.
Le premier point de rassemblement avait été fixé, à 10h, devant le bâtiment de la Région Hauts-de-France. Là, le convoi s’est scindé en deux. Un premier détachement a effectué un détour par la Direction régionale de l’Environnement, de l’Aménagement et du Logement (Dreal), tandis que le deuxième mettait le cap vers la préfecture de région, place de la République. Peu avant 11h, la longue file de tracteurs garés en triple file sur toute la largeur du boulevard de la Liberté entre la place de la République et le boulevard Jean-Baptiste Lebas, soit environ 350 engins, montrait le succès de la mobilisation. Là, symboliquement, les agriculteurs étaient invités à déposer leurs combinaisons de travail et leurs paires de bottes pour illustrer deux expressions de la langue française qui reflètent parfaitement leur état d’esprit du moment : la première signifiait : « on rend notre tablier », la seconde, voulait dire : « On en a plein les bottes ». Au fil de la journée, le tas avait pris de l’ampleur, juste devant la tribune improvisée sur une remorque. La délégation des Jeunes agriculteurs était particulièrement bien garnie.
À midi, une délégation composée d’une dizaine de membres a été reçue pendant deux heures par le préfet. Pendant ce temps, de nombreux orateurs se sont succédé à la tribune. Ils ont redit les raisons de la colère aux manifestants. Christian Durlin, président de la chambre d’agriculture, a notamment lancé : « Sur les zones de non-traitement, nous gardons l’objectif de 0 mètre. Ces ZNT creusent un fossé entre nous, les producteurs, et les consommateurs, les citoyens. C’est inacceptable ». La nouvelle mouture de la PAC ne passait pas non plus avec l’obligation d’une jachère qui peut représenter jusqu’à 4 % des terres par exploitation « alors que l’on manque de blé partout dans le monde », s’insurgeait Simon Ammeux, secrétaire général de la FDSEA du Nord.
À leur sortie de la préfecture, les porte-parole du mouvement ont rendu compte des échanges avec le représentant de l’Etat : « Le préfet a été surpris et impressionné de notre mobilisation. Il s’attendait à moitié moins de manifestants », a indiqué Laurent Verhaeghe, président de la FDSEA du Nord. Nous n’avons pas encore de réponse mais, il s’est engagé à faire remonter nos réflexions directement au Premier ministre, avec copie au ministre de l’Agriculture. Pour les coups qui sont déjà partis, il ne peut plus rien faire, mais je peux vous garantir que sur les coups qui restent à venir, il sera avec nous, quitte à engager un bras de fer avec les élus politiques qui veulent multiplier les zones d’activités comme on l’a vu récemment dans le Dunkerquois ou le Valenciennois.»
Jean-Christophe Rufin, secrétaire général de la FRSEA, a lancé aux manifestants : « En rentrant chez vous, ce soir, soyez fiers. Quand on a appelé à la mobilisation, la semaine dernière, les gens nous demandaient si ça servait encore à quelque chose. La réponse est oui. C’est par la mobilisation que nous y arriverons. Aujourd’hui, c’est une démonstration de force réussie, en responsabilité. Ça prouve que nous, agriculteurs, on sait encore se mobiliser et on fait encore peur, la preuve avec le déploiement impressionnant de forces de l’ordre.»
La mobilisation se poursuit puisque l’Union des endiviers, qui appelait à manifester mardi à Lille, organise une marche funèbre, jeudi 24 février, à 16 h à Arras en direction de la préfecture du Pas-de-Calais pour dénoncer la situation d’une production située à 95 % dans les Hauts-de-France.
À 15h, les premiers tracteurs se sont élancés du boulevard de la Liberté dans un concert assourdissant de klaxon pour rejoindre les exploitations avec la consigne claire de Simon Ammeux, secrétaire général de la FDSEA : « Sur la route, on trace. Il y a encore du travail à la maison. »
Hervé Vaughan