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La gare est à quelques pâtés de maisons et par-delà les fenêtres, on aperçoit les rails. Thami Amine les emprunte régulièrement, pour naviguer entre son bureau d’Amiens et celui de Lille ou sillonner le territoire des Hauts-de-France à la rencontre des acteurs de l’enseignement agricole.
Perché au 18e étage de la cité administrative, le chef du service régional de la formation et du développement de la Draaf (Direction régionale de l’alimentation, de l’agriculture, et de la forêt, ndlr) aime se nourrir de rencontres, justement. Son parcours en est jalonné, depuis son Maroc natal et les montagnes de l’Atlas. « Je suis le fruit de cette école mixte, entre France et Maroc, qui traduisait une proximité historique, géographique, politique… que je porte. »
Ingénieur des eaux et forêts, Thami Amine prend un virage professionnel en 1991 lorsqu’il accepte une mission dans un établissement scolaire de la Sarthe : mettre en place un pôle forestier. Il abandonne son poste de chef du district d’Azrou où il a travaillé sur la régénération naturelle du cèdre de l’Atlas, et opte pour l’enseignement agricole français. « J’ai choisi de consacrer ma carrière à la formation des jeunes, résume-t-il. On travaille pour l’avenir du pays, et même du monde ! Notre rôle est de former les citoyens de demain pour qu’ils soient acteurs de ce monde qui change : c’est ce qui fait l’ADN de ce métier. »
Thami Amine se balade d’une région à l’autre. Après la Sarthe, il traverse la Gironde puis la Somme où naissent ses quatre enfants. Il va de lycée agricole en lycée agricole, occupe différents postes de direction, gère quelques fusion, rénovation, restructuration d’établissements. « Chaque établissement est un écosystème complexe, riche de ses diversités », dit-il. Il « prend quelques claques, ce qui fait grandir », comme en Haute Corrèze où il assure la fusion administrative, pédagogique et financière de deux établissements dans un territoire très marqué politiquement et complètement opposé au projet. « Le principe de neutralité – un catalyseur exceptionnel – et la qualité de l’équipe ont permis de venir à bout d’une fusion qui devait renforcer l’ancrage de l’enseignement agricole dans ce territoire et rendre pertinente et complémentaire l’offre de formation », se souvient Thami Amine.
Puis il traverse l’océan indien pour rejoindre la Daaf (direction de l’alimentation, l’agriculture et la forêt, ndlr) de l’île de La Réunion. Il travaille sur l’offre de formation, « dans la perspective de favoriser l’élévation des qualifications ». Retour en métropole trois ans plus tard pour un nouveau projet de fusion à Perpignan, avec « une dimension humaine marquée ».
Il retrouve les Hauts-de-France pour la rentrée 2021, une région à laquelle il est attaché, sensible « à l’humanisme du nord de la France. » Pour preuve, il est suivi par ses quatre adolescents, de 16 à 20 ans aujourd’hui ! Pour autant, il les encourage à voir le monde. « Il faut que nos jeunes bougent, exprime le père de famille en englobant tous les élèves, se nourrissent d’expériences et reviennent servir leur territoire. Quand on part, on se confronte à d’autres réalités, ce qui fait grandir. Lorsque l’on connaît l’autre, les barrières tombent, le respect s’impose. »
Avec sa casquette de chef de service régional de la formation et du développement, Thami Amine fédère l’ensemble des familles de l’enseignement agricole autour d’un même projet. « Quelle que soit la philosophie de ces différentes familles, nous travaillons ensemble dans l’intérêt du jeune et du territoire ». Pour lui, l’enseignement agricole français est « unique au monde dans son organisation et son fonctionnement. » En toile de fond, l’enjeu est stratégique : atteindre la souveraineté alimentaire.
À l’aube de cette nouvelle rentrée scolaire, les effectifs ne sont pas encore connus mais laissent présager une stabilité si ce n’est une légère hausse. Un sujet va mobiliser la communauté éducative, celui du harcèlement scolaire. « La parole va se libérer, espère Thami Amine. Nous nous devons d’écouter, de sensibiliser et de se mobiliser. » Toutefois, dans l’enseignement agricole, « nous avons l’avantage de la taille humaine de nos établissements », conclut-il.
Louise Tesse