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À trois kilomètres du but, plus de signal. Le téléphone refuse de capter la moindre onde et ne sert plus que d’horloge. Dans ce petit village de 254 habitants, niché au cœur de l’Avesnois, le réseau semble s’épanouir bien moins que les habitants. Il y a un peu plus d’un an, en 2018, un nouvel établissement est venu se greffer au dynamisme d’Eppe-Sauvage (59), et lui offrir un nouveau lieu d’échanges et de vie, à même de connecter les habitants, dans tous les sens du terme.
Sauver la médiathèque. Tel était le leitmotiv de la municipalité au moment de diffuser son offre. En 2010, le débit de boissons de la commune situé rue La Place, à deux pas de l’église, plie boutique. Quelques années plus tard, la mairie, confrontée comme tant d’autres à la désertification des villages par les commerces de proximité, élabore un projet pour la bâtisse. La réaménager afin d’y réimplanter un établissement commercial. À une condition : la médiathèque du village devra y être installée.
Pour Pierre Ginis, c’est tout sauf un problème. « Je viens de la région, et j’avais toujours envisagé d’y revenir, raconte-t-il. Dans le coin, si on veut travailler, on doit parfois se créer son emploi. Redonner vie à un commerce local me permettait tout ça, et la présence de la médiathèque ne m’a pas dérangé un seul instant. »
La machine est lancée. En octobre 2015, Pierre et sa compagne Aurélie Sarrazyn postulent pour la reprise des lieux. Finalement, près de trois ans plus tard, en août 2018, La Vie sauvage ouvre ses portes.
« On est avant tout un café », affirme Aurélie Sarrazyn. La précision est utile, tant le lieu paraît pluriel. Sans cloisonnement, les pièces s’enchaînent et ne se ressemblent pas. L’entrée principale donne sur le comptoir, l’épicerie et la médiathèque l’enserrant de part et d’autre. Et il faut prendre la peine de visiter un peu pour que La Vie sauvage révèle tous ses atouts. « Nous sommes donc un café-restaurant, mais également une médiathèque, une épicerie, un point-vert (service de retrait bancaire que le Crédit agricole met en place pour permettre à ses clients ruraux d’y avoir accès) et un espace numérique », énumère-t-elle.
Le café offre la possibilité de se restaurer, et petit plus maison, de se réunir autour d’un jeu de société, mis à disposition par les propriétaires.
La petite épicerie distribue des produits de première nécessité, et met en avant le circuit court. L’intention est de centraliser, autant que possible, les produits locaux dont l’accès est parfois difficile et surtout de proposer un service de proximité. « La première supérette est à 15 kilomètres », précise Pierre Ginis.
La médiathèque, quant à elle, remporte son petit succès. Non, la bonne vieille bibliothèque municipale n’est pas has-been. La Vie sauvage reçoit de nombreux lecteurs. Et parmi eux, certains parfois inattendus. « On a des clients qui viennent régulièrement ici, et qui avant ça n’avaient jamais eu de carte de bibliothèque de leur vie », se marre Aurélie Sarrazyn.
Comme toute médiathèque qui se respecte, La Vie sauvage ne propose pas que des livres. DVD et CD sont également de la partie. Habituellement calme et apaisée, elle se transforme régulièrement en lieu plein de vie et de mouvements. Activités et événements divers sont en effet organisés en son sein, notamment grâce au soutien du réseau média-pass, auquel elle appartient. Il réunit neuf médiathèques, qui peuvent s’échanger œuvres et matériels à l’envi. « On a pu organiser une après-midi jeux vidéo, avec console, télé, et même un animateur », se souvient joyeusement Pierre Ginni.
Enfin, l’espace numérique mis à disposition des habitants cartonne lui aussi. « On trouvait ça un peu superflu au début, confessent les deux partenaires, et on s’est aperçu qu’il y avait un réel besoin. »
Quatre postes informatiques sont disponibles. Et sont bien souvent occupés. Dans une région touchée par la fracture numérique, tout le monde n’a pas nécessairement accès au web à domicile, ou n’est pas formé à son utilisation. Ici, les habitants trouvent autant le matériel que le réconfort et l’aide d’une présence amicale. À Eppe, la vie n’est donc pas si sauvage que ça.
Clément Peyron