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C’est sur son tracteur que Marine Coine arrive. Bien couverte (il fait 2 °C), elle a la poignée de main ferme : celle d’une femme de 35 ans à la tête de son exploitation.
Il y a trois ans, cette ancienne pompière volontaire qui a travaillé à plusieurs postes au sein du Service départemental du Nord d’incendie et de secours, a changé de voie pour l’agriculture. Un choix qu’elle ne regrette pas.
Tout part de petits pots. “Quand mes enfants sont nés en 2013 et 2015, l’idée à commencer à germer de changer de voie pour quelque chose qui avait plus de sens. Je ne voulais pas que mes enfants aient l’image d’une maman qui n’aime pas son travail, raconte-t-elle. Je leur cuisinais leurs petits pots et à la crèche on m’expliquait que les autres gamins en voulaient ! Je me suis dit que je pouvais peut-être faire ça : faire pousser des légumes et en faire des petits pots.”
Elle se rend donc au lycée agricole de Le Quesnoy, où on la fait redescendre sur terre : “ On m’a expliqué que je ne pouvais pas me lancer comme ça et que la transformation, c’était des investissements et des réglementations très lourds. On m’a encouragé à d’abord me former, ce que j’ai fait.” Direction l’institut de Genech pour passer un Brevet professionnel de responsable d’exploitation agricole.
Vient maintenant le problème de trouver un terrain. “Pendant la formation, on nous a bien rappelé que le foncier est un vrai problème. Je me suis dirigée vers Terre de liens qui m’a conseillé de démarcher les collectivités. C’est le CCAS de Le Quesnoy qui a accepté mon dossier.”
Marine Coine se retrouve donc avec 2,98 ha à Le Quesnoy au début de l’année 2020, dont 1 100 m2 sont dédiés aux serres, qu’elle cultive en bio. “Cette année 2020 a été pour moi une année blanche dans le sens où je ne m’étais pas fixé d’objectif de vente. Je voulais tester, voir ce qui était faisable ou non en termes de culture et de moyens humains.”
En 2021, elle décide de commercialiser ses légumes et herbes. Elle est rapidement contactée par l’Amap de Le Quesnoy : “Avant même d’avoir un seul légume, j’avais 25 contrats avec l’Amap.” Une vraie bouffée d’air pour Marine Coine qui trouve à la fois un débouché et un revenu.
Parallèlement, Frédéric Poix, gérant du restaurant la Table de Fred, à Rombies-et-Marchipont, à quelques kilomètres de là, la contacte aussi. Décidément, tout le monde veut de ses légumes !
Arrive 2022 et Marine Coine pratique déjà depuis quelques mois la vente en direct, à une toute petite échelle. Et elle se dit qu’elle n’a qu’à proposer aux producteurs de l’Amap du Quercitain de se joindre à elle. “En fait, je me suis dit que pour les gens c’était bien car ça permettait d’avoir tout en un seul endroit puisqu’à nous cinq on propose des légumes et des fruits, du pain, des produits laitiers et des œufs.” Le Biotope est lancé.
Et depuis peu, la petite équipe propose aussi des champignons avec l’arrivée de Christophe Laurent et Ludivine Denaës (alias Les champignons de la Rhônelle), et des bières grâce à Grégoire Destrehem.
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“Tous les vendredis, de 15 h à 19 h, j’ouvre mes portes aux gens pour qu’ils puissent venir acheter leurs produits. Dans l’idée, les producteurs essayent d’être au maximum présents car le but est de pouvoir parler avec les clients, défendre son produit et du coup aussi, il faut le dire, en justifier le prix.”
Une ouverture au public qui nécessite de l’organisation : tous les mardis soir, elle envoie une sorte de newsletter par SMS aux clients qui ont laissé leur numéro. “J’y donne des nouvelles de l’exploitation et je présente les producteurs qui seront présents. Je donne aussi la composition du panier de légumes à 15 € que je propose chaque semaine.”
Ce temps qu’elle consacre à la vente directe, pour Marine Coine, c’est du temps de qualité : “Une vraie communauté Biotope s’est créée. Les clients se sont identifiés à la ferme et prennent des nouvelles quand il y a des intempéries ! Je ne m’y attendais pas du tout. Aujourd’hui, il y a des clients que je tutoie, avec qui on est même allé se faire un resto ! J’ai le sourire et eux aussi.”
Toujours dans cet objectif de partager et donner à voir la réalité du quotidien d’agriculteur, Marine Coine accueille depuis le début des stagiaires issus de la formation qu’elle a elle-même réalisée il y a quelques années, comme Romain Bourgeois, son troisième stagiaire. “Ça a tout de suite fait partie de mon projet. Je voulais transmettre, partager car pour moi il faut démocratiser ce métier de maraîcher pour qu’il se développe.”
Dans la même lignée, en avril 2022, elle a accueilli trois classes de CP de l’école Chevray de Le Quesnoy. “On a fait un tour de plaine, puis un atelier découverte des graines et plantations.” En septembre 2022, ce sont cette fois 70 élèves de CM2 de l’école Chevray qui sont venus ramasser les courges le matin et qui, l’après-midi, ont cuisiné à l’école avec Frédéric Poix, un velouté de courges et des cookies à la courge.
Ce genre d’événements, Marine Coine veut les multiplier et à terme, peut-être être labellisée “Savoir vert”.
Enfin, et parce que Marine Coine ne s’arrête jamais, l’exploitation accueillera le 20 mai prochain une soirée en partenariat avec la Communauté de communes du Pays de Mormal. “Il y aura d’abord une pièce de théâtre, Comme un écho, de la compagnie 2L, suivie d’un petit concert.” Grégoire Destrehem sera de la partie, ainsi que Thomas Coussement et son food truck. L’objectif de la jeune agricultrice est toujours le même : partager, partager, partager.
2019. Reconversion et obtention d’un brevet professionnel de responsable d’exploitation agricole.
2020. Le CCAS lui loue un terrain à Le Quesnoy.
2021. Début de la commercialisation de ses produits.
2022. Lancement du Biotope et accueil de son troisième stagiaire, Romain Bourgeois (photo).
Eglantine Puel