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Au cÅ“ur du Vieux-Lille, l’hôtel cinq étoiles Le Clarance fait partie de ces bâtisses qui impressionnent. Moulures, plafonds hauts et parquets massifs rendent l’endroit à la fois luxueux et chaleureux. C’est dans ce cadre qu’évolue Alexandre Miquel, 30 ans, nouveau chef du restaurant La Table de Clarance, couronné d’une étoile au guide Michelin.
S’il est jeune, Alexandre Miquel n’en a pas moins de l’expérience, acquise dans diverses maisons. Son objectif à Lille : une cuisine “simple”, saine, avec des produits de qualité et accessible au plus grand nombre.
Ce Béthunois (62) d’origine, fils de commerçant, a fait ses études au lycée hôtelier Marguerite-Yourcenar de Beuvry. En classe de première, il effectue un premier stage chez Marc Meurin, au Château de Beaulieu, à Busnes, au restaurant qui s’appelait à l’époque Le Jardin d’Alice. “Mon premier jour, on m’a demandé de laver la salade. Apparemment, je ne l’avais pas bien fait. Marc Meurin est passé et m’a dit de filer à la pâtisserie, qu’il ne voulait plus me voir, se souvient-il. Quand on a 17 ans et qu’on se prend ça dans les dents, c’est dur. J’ai appelé ma mère en pleurs en disant que je voulais tout arrêter. Elle m’a forcé à rester. Et elle a eu raison.”
Il passe ensuite par La Villa Madie, restaurant aujourd’hui deux étoiles, à Cassis (13), “merveilleux. Une vue sur la mer incroyable”, puis par le Grand hôtel du Cap Ferrat (06), au Club Dauphin avant de retourner à Cassis pendant deux mois. Il remonte finalement dans le Nord, chez Marc Meurin, où il restera presque deux ans, puis ira ensuite du côté de Gosnay (62), à La Chartreuse du Val Saint-Esprit avant d’atterrir à La Table de Clarance en octobre 2017, en tant que chef de partie, puis sous-chef en mars 2018, sous les ordres de Thibaut Gamba, de six ans son aîné.
La consécration arrive il y a quelques semaines, quand Thibaut Gamba lui laisse sa place. “Quand on me l’a annoncé, je ne m’y attendais pas. Certes, j’étais sous-chef mais je pensais qu’ils chercheraient quelqu’un avec plus d’expérience. J’ai beaucoup réfléchi avant de dire oui car c’est beaucoup de responsabilités, un changement de rythme de vie aussi. Mais mon entourage m’a dit de foncer.”
“Pour le moment, bien que l’on m’ait donné carte blanche, après avoir travaillé six ans avec Thibaut, j’ai un peu de mal à développer ma propre identité culinaire”, reconnaît Alexandre Miquel. Pourtant, certains changements ont déjà été opérés.
Dans un premier temps, la carte : “ Là où Thibaut aimait détailler le contenu des plats, moi je préfère simplement donner les éléments principaux, pour que cela soit clair mais aussi qu’il y ait un peu de mystère…”
Ensuite, le trentenaire sert des assiettes épurées, “pas plus de quatre éléments. La Table de Clarance sert une cuisine “simple”, française, lisible pour le client.” Simple en apparence car dans le plat “Saint-Jacques, salsifis, noisettes”, le “basique” salsifis est travaillé en cinq façons…
Autre pilier de la cuisine d’Alexandre Miquel : le goût. Et pour cela, rien de tel que de travailler avec des ingrédients de qualité. “Je ne suis pas locavore, je prends ce qu’il y a de meilleur dans chaque région. Quand c’est disponible localement, je prends local. Ça représente environ 70 % de nos ingrédients je dirais”, décrit le jeune chef. Pour les fruits et légumes, c’est Jean-Michel Havez qui s’en occupe. Pour les herbes aromatiques, Driss Delanote. Le cochon vient de La ferme du Beau pays, le veau de la ferme de Châteauneuf et le poisson de la maison Martin à Boulogne…
“Pour moi, c’est important de travailler avec des producteurs locaux dans un premier temps pour le goût et la qualité mais aussi, dans un second temps, pour le lien de confiance qui se crée. Avec Thibaut, nous allions régulièrement sur les exploitations, on connaît nos fournisseurs… C’est essentiel.“
Toujours dans le local, bien que la carte ne soit pas typée “Nord-Pas de Calais”, on trouve disséminés des rappels des origines du chef : tartelette façon welsh et moules frites revisités avec l’apéritif, waterzoï en amuse-bouche et fondue d’endives à la bière avec le fromage… D’ailleurs, Alexandre Miquel se réjouit que les Hauts-de-France soient région européenne de la gastronomie cette année : “Ça fait du bien de mettre en avant notre région, de casser son image.”
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Autre point important pour Alexandre Miquel : les prix abordables. Avec un menu du midi à 55 €, un du soir à 75 € et des plats ne dépassant pas les 40 €, La Table de Clarence fait partie des étoilés accessibles.
“J’ai remarqué que beaucoup de gens n’osent pas entrer car c’est un hôtel et un restaurant étoilé. Moi je veux casser ces codes et que plus de gens viennent. Mon but est de faire découvrir ma cuisine au plus grand nombre.” Une envie de casser les codes qui doit être inhérente au personnage, lui-même plein de paradoxes puisque, de son propre aveu, il reconnaît “avoir un faible pour les ‘cochonneries’ et aller de temps en temps au fast-food”.
Exemple de cette envie de partage : la création d’une Table du chef courant 2023, c’est-à -dire l’installation d’une table pour six personnes maximum dans les cuisines, composées de huit personnes, dont deux pâtissiers et un boulanger (car oui, le pain et les viennoiseries du petit-déjeuner sont faits maison).
Parmi les initiatives de la Table de Clarance, et ce depuis déjà plusieurs années : le marché des producteurs dans la cour de l’hôtel en mai et le barbecue gastronomique en juin. De quoi casser les codes de la restauration de luxe, tout en en conservant l’essentiel : l’envie de bien manger.
Eglantine Puel
La Table de Clarance, 32 rue de la Barre à Lille.