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Jean Delannoy, 34 ans, est conservateur des réserves au sein du parc naturel. Ce fils d’agriculteur de l’Arrageois (62) est aussi passionné par les oiseaux. Titulaire du permis de baguage, il les observe partout où il peut, à travers le monde comme du côté de sa région natale où il s’intéresse particulièrement aux espèces agricoles.
Elles sont multiples. Il y a la disparition de leur ressource alimentaire comme les insectes, en grande partie éliminés par les pesticides et dont 70 % de la population a disparu ces 40 dernières années. Sur la même période, l’alouette des champs a perdu 70 % de sa population : c’est forcément lié.
En cause également, la perte de leur habitat naturel, la transformation et l’homogénéisation des forêts, des plaines, des milieux agricoles, la disparition des prairies, des zones humides.
La pratique d’une chasse non raisonnée encore pour certaines espèces sur l’ensemble de leur aire de répartition et, on n’en parle pas assez, une surpopulation de chats en France qui participent au déclin de la biodiversité.
Les chats domestiques, les chats de fermes posent de réels problèmes écologiques. Enfin, les effets du réchauffement climatique : les épisodes récurrents de grippe aviaire, les nichées qui meurent de chaud dans les cavités lors des printemps trop chauds…
Nous sommes à un carrefour de migrations, avec la Manche en particulier. Au cap Blanc-nez, on peut observer les oiseaux marins ou les passereaux qui longent la côte. On parle de millions d’oiseaux qui transitent en automne : des mésanges venues de Russie, Estonie ou Lettonie ; des chevaliers en provenance d’Islande… On peut observer certains migrateurs toute l’année, car ils arrivent par vagues et nichent aussi chez nous, comme l’alouette ou le vanneau huppé, et il y a ceux qui reviendront au printemps : les cailles ou les busards. Et encore les perdrix ou les petits rapaces comme le faucon crécerelle, qui sont, eux, sédentaires.
Certains oiseaux paient un lourd tribut à l’agriculture. C’est notamment le cas des busards (cendré et Saint Martin) est probablement l’espèce qui dépend le plus de l’homme pour sa survie. Il niche dans les champs, à même le sol et les petits sont prêts à prendre leur envol quelques jours avant les moissons. Sauf qu’avec les moissons de plus en plus précoces, les petits sont encore au nid lorsque l’agriculteur passe avec sa moissonneuse.
C’est pourquoi la LPO coordonne, avec des associations naturalistes, les agriculteurs et parfois même les chasseurs, des réseaux de bénévoles qui arpentent les territoires avant moisson pour déplacer ou protéger les nids. Il peut être bon de rappeler aux agriculteurs que lorsqu’ils voient un grand oiseau s’envoler quelques mètres devant leur tracteur, il y a possiblement un nid au sol. Sans ces actions, on perdrait 80 % de la population de cette espèce dont on ne compte plus que quelques centaines de couples.
Le busard est à coup sûr l’un des meilleurs auxiliaires. Sa présence a un bénéfice direct car c’est un gros prédateur de rongeurs présents en nombre après les hivers doux. C’est la même histoire que pour la chouette effraie ou le hibou moyen-duc.
Il faut conserver les haies, les mares… tout ce qui favorise la biodiversité dans son ensemble. On peut installer des nichoirs pour compenser la rénovation des bâtiments : un couple ou deux de rapaces nocturnes peut faire le ménage, y compris sur les rats qui viennent grignoter les tas de betteraves. Et on n’oublie pas : la saison de nidification a débuté et la taille des haies est fortement déconseillée jusqu’au 15 août.
Je m’y intéresse beaucoup depuis que je l’ai redécouvert par hasard vers chez mon père. Il a quasiment disparu du Nord-Pas de Calais, il doit rester une douzaine de couples, dont deux ou trois du côté de Sangatte et les autres dans les plaines agricoles entre Arras et Cambrai. Nous menons un programme de recherche depuis. Comme pour le busard, l’œdicnème niche au sol dans les champs, en grattant une cuvette dans la terre avant d’y déposer ses œufs, plutôt dans les cultures tardives comme le maïs ou la betterave. S’il s’installe avant les semis, c’est fichu, s’il s’installe après il risque la douche aux phytos. C’est compliqué pour lui et si vous en observez, prévenez l’antenne locale de la LPO car les nids sont difficiles à localiser. Si un agriculteur tombe sur un nid, il peut mettre un chapeau par-dessus le temps du passage du pulvérisateur ou lever le semoir le temps de passer par-dessus.
Il est de la famille des limicoles, petits échassiers reconnaissables à leurs longues pattes. Celui-ci a un gros œil jaune, court plutôt qu’il ne vole et a un cri très caractéristique au coucher du soleil. Il est aussi fidèle à ses sites d’hivernation et de reproduction.
2011. Jean Delannoy est diplômé ingénieur forestier avec spécialisation en gestion des milieux naturels.
2014. Il obtient le permis de baguage délivré par le Museum d’histoire naturelle de Paris.
Depuis 2019. Conservateur de réserves naturelles pour un parc naturel.
2020 à 2022. Il lance un programme d’étude de l’œdicnème criard avec pose de balises GPS.
Propos recueillis par Justine Demade Pellorce
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